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Pensée passive chez Descartes & pensée active chez Spinoza
L'évolution de la définition cartésienne de la pensée et sa critique spinoziste

1. Dans le cartésianisme, on trouve 3 définitions successives de la pensée :

a. Une définition nominale (quid nominis) - cf. Principes de la philosophies, §9 :
Descartes
Par le mot de penser, j'entends tout ce qui se fait en nous de telle sorte que nous l'apercevons immédiatement par nous-mêmes

On peut lire également, dans les 2des objections des Méditations métaphysiques :
Descartes
par le mot de penser, je comprends tout ce qui est tellement en nous que nous en sommes immédiatement connaissants
Dans cette définition de la pensée, cette dernière est identifiée à la conscience. C'est une définition psychologique.

b. Une définition par énumération des modes de la substance pensante :
Qu'est-ce qu'une chose qui pense ? Quelque chose qui doute, conçoit, affirme, nie, veut, ne veut pas, imagine, sent, etc.
(Mais n'est-ce pas aussi une définition nominale ? Est-ce que la seule énumération des opérations de l'esprit se distingue de la définition nominale ? Oui, car on avance dans la connaissance.)

c. Définition par l'attribut principal (quid rei), celui qui exprime l'essence :
Douter, au sens cartésien : - acte de la volonté, volonté de suspendre son jugement. Avec le doute, 2 choses sont engagées : l'entendement et la volonté.
Le doute atteste la liberté de mon vouloir. Mais pourquoi le doute ? Descartes conçoit l'entendement comme le pôle passif de la pensée. La volonté est pensée comme son pôle actif. Entendement et volonté diffèrent en tant que passion et action d'une même substance. C'est pourquoi Descartes choisit d'abord la volonté comme l'attribut principal de la pensée. En outre, l'entendement est borné tandis que la volonté est infinie (mais indifférente).
L'entendement, c'est l'intellectio, c'est concevoir, mais surtout de manière passive, avoir des idées.

Le recours au malin génie me permet de découvrir que :
- penser penser et penser, c'est exactement la même chose.
- penser vouloir et vouloir, ce n'est pas exactement la même chose (même si c'est presque pareil). Quand je pense vouloir, le malin génie peut me tromper ; quand je pense penser, le malin génie ne peut pas me tromper. Toute volition comporte une part d'intellection, mais cela ne suffit pas, et Descartes se décide finalement à faire de l'entendement l'attribut principal de la pensée.

2. Quelques remarques à propos de la critique spinoziste du cartésianisme (sur ce point, cf. Éthique, II, prop. 49) :

Selon Spinoza, il n'y a pas d'autre affirmation ou négation que celle qu'enveloppe l'idée : "Il n'y a dans l'esprit aucune volition, autrement dit aucune affirmation ni négation en dehors de celle qu'enveloppe l'idée". Le corollaire de cette affirmation, c'est que la volonté et l'entendement sont une seule et même chose.
Au fond, tout ce que Descartes a constitué dans sa Deuxième Méditation procède d'une seule et même erreur de sa part : il n'a pas su analyser de façon pleinement satisfaisante ce que c'est que penser. Sa conception réduit la pensée, pour l'essentiel, à une représentation. Les idées ne seraient que des images que la volonté reprend. Mais l'idée n'est pas un tableau, d'après Spinoza. L'idée est concept. "Par idée, j'entends un concept de l'esprit que l'esprit forme parce qu'il est une chose pensante". Mais qu'est-ce qu'un concept ? Spinoza dit 'concept' plutôt que 'perception' (percept), car le mot 'perception' semble indiquer que l'esprit est passif à l'égard de l'objet, tandis que le concept est une action de l'esprit. Penser, ce n'est pas avoir des idées, mais former des concepts ; ce n'est pas percevoir, même des évidences. Penser c'est comprendre, c'est mon fait, mon acte.
C'est pourquoi, selon Spinoza, Descartes a dû distinguer entre volonté et entendement pour rendre compte de l'erreur. Or, Spinoza affirme que les idées sont vraies ou fausses, tout simplement.