Liber a écrit:Janus a écrit:quand l’homme ne sait rien sur la réalité, il s’invente un monde totalement imaginaire. Démarche qui n’a d’ailleurs pour but que de se rassurer : l’homme qui est sujet à d’immenses peurs vis-à-vis d’un monde et d’une Vie qu’il ne s’explique pas, car il n’en connaît pas (et ne connaîtra jamais) les tenants et les aboutissants, s’invente des explications satisfaisantes.
Dans la Généalogie, on trouve aussi une explication de ce genre, les Dieux viendraient de la peur, ou pour parler comme Freud, du "désaide" devant la nature toute-puissante. Pour simple et évidente que soit cette explication, elle n'est pas convaincante. Il y a ce décalque moderne sur le passé que je critiquais plus haut, consistant à dire que les hommes de l'Antiquité essayaient d'expliquer la vie et le monde, et qu'ils le faisaient par l'imagination, faute de mieux. Or, ce n'est pas à cela que servaient les dieux, qu'ils soient grecs ou égyptiens. Ils protégeaient les hommes, ils étaient l'objet d'offrandes, comme ces obélisques où Ra pouvait se refléter et assurer l'immortalité de l'Egypte, en bref, ils se comportaient comme des hommes envers d'autres hommes. Dans notre monde moderne, au contraire, l'univers nous apparaît mort, et ce n'est pas l'énergie que nous y analysons qui nous le rend plus vivant. "Le silence infini..." qui effrayait tant Pascal est toujours là. Par suite, nous parlons à raison de désenchantement. La science pourrait nous donner tout le confort que nous souhaitons, nous n'en serions pas moins tristes. Voilà la vérité qui parcourt le Gai Savoir, et qui appelle justement à un autre type de savoir, propre à nous redonner vie.
Nous aurions tort en effet d'attendre de la science qu'elle nous rende "plus gais" ou plus "heureux" par le simple effet du confort matériel ou plus douillet qu'elle nous procure. En fait cela n'est manifestement pas la vocation première de la science, comme si dame Nature répugnait à nous dévoiler toutes ses intentions cachées, nous obligeant à déchiffrer le puzzle, à donner nous-mêmes un sens, une signification d'origine "humaine" à tout ça, sans attendre passivement comme autrefois qu'un "divin" transcendant en décide à notre place. Et comme si dame Nature nous avait donné la Raison et la parole dans ce but : être capables - et pas seulement par la parole et la pensée, mais aussi par nos actes et notre volonté - de donner "un sens au monde", ce que d'ailleurs, soit dit en passant, ne peut pas faire l'animal (qui ne sait ni rire, ni pleurer, ni parler).
Mais tout cela n'ôte en rien l'utilité de la science, contrairement à ce que voudraient nous faire croire les "déconstructeurs" de la philosophie, qui ne sont autres que des avocats de la mort et du néant.