D'un certain point de vue, la légitimité d'un leader le précède, au moins en principe, s'il accède à cette position par proclamation, cooptation, élection, etc. D'un autre point de vue, sa légitimité ne peut émerger que pendant l'expérience ou après que l'expérience a eu lieu, et aux yeux seulement de ceux qu'il dirige ou qu'il a dirigés. La légitimité d'un leader n'est donc pas un acquis définitif.
Un leader ne peut pas ne pas être jugé, il doit accepter cela comme une donnée à laquelle il ne peut échapper, sauf à foncer tête baissée au devant des problèmes... Qu'il le veuille ou pas, son autorité lui vient essentiellement d'ailleurs que de son statut, quel qu'il soit. Miser sur cela seul, c'est admettre, consciemment ou pas (encore, l'excuse de l'inconscience est-elle surfaite), qu'on se contentera tôt ou tard de l'autoritarisme ; c'est, ainsi, et d'emblée, renoncer à l'autorité inhérente à un leader légitime.
Autant dire qu'un leader n'occupe le haut d'une hiérarchie qu'en tant que les autres l'y élèvent au moins autant qu'il s'y élève lui-même. Cela signifie qu'il s'impose des devoirs qu'il ne saurait exiger des autres, et que s'élevant peu ou prou au-dessus de la mêlée, il est censé être le meilleur, et ne rien ignorer des compétences de ceux qu'il dirige et à qui il donne des ordres, etc. On n'en finirait pas de dresser la liste, non pas des droits, mais des devoirs d'un "manager", terme qu'on met à toutes les sauces, hélas ! mais combien de livres dédiés au management rappellent l'étymologie du terme, qui signifie "ménager" autant que tenir en main ?...
L'affaire ne se résume pas en quelques lignes, d'autant que si le philosophe est un excellent consultant que le patronat devrait avoir honte de ne pas consulter (...), les faits sont là : le philosophe se révèle presque à tous les coups un piètre leader. C'est même une tradition philosophique initiée par Platon à Syracuse, encore en vigueur aujourd'hui !