Je vous propose de nous pencher sur le second discours de Rousseau (Discours sur l’origine et les fondements de l’inégalité parmi les hommes, texte disponible ici).
Ce discours est écrit par Rousseau en réponse à une question de l’Académie de Dijon : « Quelle est l’origine de l’inégalité parmi les hommes, et si elle est autorisée par la loi naturelle. » publiée en 1753. Le texte de Rousseau sera publié en 1755 et ne lui vaudra pas le premier prix, contrairement à son premier discours (Discours sur les sciences et les arts, texte disponible ici) avec lequel il a remporté le prix en 1750 en réponse à la question « Si le rétablissement des sciences et des arts a contribué à épurer les mœurs ».
Il n’est pas surprenant que ce second discours n’ait pas rencontré les faveurs de l’Académie de Dijon pour au moins deux raisons : en premier lieu, le texte de Rousseau est beaucoup trop long (plus du double du premier discours) et ne répond pas au « cahier des charges » de l’Académie de Dijon qui demande à ce que la lecture des discours des candidats ne dépasse pas trois quarts d’heure ; en second lieu, dans son approche de la question, Rousseau peut faire penser que cette dernière a été mal posée. Nous pouvons ainsi lire dès la préface :
Rousseau entend raboter ici toute la seconde partie de la question qui, pour lui, n’a de sens qu’une fois que la question de la loi naturelle aura pu être traitée dans le texte.
Cette question de l’état de nature et des lois naturelles est un lieu commun de la philosophie politique depuis le XVIIe siècle que Hobbes et Locke, notamment, ne manquent pas de traiter. La première raison de cet intérêt est que le traitement de cette question permet de répondre au problème de la subordination naturelle et de dépasser le traitement qu’en fait Aristote par exemple (existence d’une hiérarchie par nature entre les hommes). Mais le traitement de cette question permet également d’introduire la possibilité d’une démarche contractualiste pour la création de l’État : abolir l’existence d’une différence significative de nature entre les hommes permet d’avoir des égaux capables de s’entendre pour la création d’un État civil. Ce faisant, on déplace la question de l’état de nature : elle ne se pose alors plus comme un isolement opposé à la vie civilisée, mais simplement comme une indépendance opposée à un état civil. Chez Rousseau, ce texte constitue donc les prémisses de sa pensée politique qu’il déploiera ensuite pleinement dans le Contrat Social (texte disponible ici).
La première partie du texte permet à Rousseau de poser ses présupposés anthropologiques : il part d’un état de nature qu’il indique bien comme étant fictif pour identifier les caractéristiques essentielles de l’homme. C’est une sorte d’expérience de pensée, comme il le précise dans l’introduction :
Pour Rousseau, c’est en effet l’une des erreurs qu’on fait les autres auteurs traitant de ce sujet que de supposer l’existence réelle d’un tel état de nature. Ce faisant, ils restent focalisés sur les caractéristiques d’un homme déjà civilisé pour initier leurs analyses.
Partant de ce programme, dans cette première partie, Rousseau aborde les questions de la différence entre l’homme et l’animal, des passions, de l’entendement, de l’agressivité, de l’amour propre… Il s’inscrit notamment en opposition par rapport aux analyses de Locke et Hobbes sur la question de l’état de nature.
La seconde partie du texte commence par la très célèbre phrase :
C’est dans cette partie que Rousseau répond à la question posée par l’Académie de Dijon avec le traitement de la question des inégalités. Rousseau y déploie cependant d’autres réflexions sur la propriété, la société civile, le droit, l’autorité publique, l’esclavage… Et toute cette seconde partie peut probablement être vue comme les prémices de son Contrat Social.
Nous sommes ici en présence d’un texte très riche qui propose de nombreuses possibilités d’analyse. Tous les sujets évoqués ci-dessus (et d’autres que je n’ai pas mentionnés) peuvent donner lieu à une analyse. La position de Rousseau face à Locke d’un côté et Hobbes de l’autre présente également des opportunités d’analyse, notamment dans les conséquences qui découlent des différences entre les visions des trois auteurs.
Ce discours est écrit par Rousseau en réponse à une question de l’Académie de Dijon : « Quelle est l’origine de l’inégalité parmi les hommes, et si elle est autorisée par la loi naturelle. » publiée en 1753. Le texte de Rousseau sera publié en 1755 et ne lui vaudra pas le premier prix, contrairement à son premier discours (Discours sur les sciences et les arts, texte disponible ici) avec lequel il a remporté le prix en 1750 en réponse à la question « Si le rétablissement des sciences et des arts a contribué à épurer les mœurs ».
Il n’est pas surprenant que ce second discours n’ait pas rencontré les faveurs de l’Académie de Dijon pour au moins deux raisons : en premier lieu, le texte de Rousseau est beaucoup trop long (plus du double du premier discours) et ne répond pas au « cahier des charges » de l’Académie de Dijon qui demande à ce que la lecture des discours des candidats ne dépasse pas trois quarts d’heure ; en second lieu, dans son approche de la question, Rousseau peut faire penser que cette dernière a été mal posée. Nous pouvons ainsi lire dès la préface :
Rousseau – Second discours, préface a écrit:Connaissant si peu la nature et s'accordant si mal sur le sens du mot loi, il serait bien difficile de convenir d'une bonne définition de la loi naturelle.
Rousseau entend raboter ici toute la seconde partie de la question qui, pour lui, n’a de sens qu’une fois que la question de la loi naturelle aura pu être traitée dans le texte.
Cette question de l’état de nature et des lois naturelles est un lieu commun de la philosophie politique depuis le XVIIe siècle que Hobbes et Locke, notamment, ne manquent pas de traiter. La première raison de cet intérêt est que le traitement de cette question permet de répondre au problème de la subordination naturelle et de dépasser le traitement qu’en fait Aristote par exemple (existence d’une hiérarchie par nature entre les hommes). Mais le traitement de cette question permet également d’introduire la possibilité d’une démarche contractualiste pour la création de l’État : abolir l’existence d’une différence significative de nature entre les hommes permet d’avoir des égaux capables de s’entendre pour la création d’un État civil. Ce faisant, on déplace la question de l’état de nature : elle ne se pose alors plus comme un isolement opposé à la vie civilisée, mais simplement comme une indépendance opposée à un état civil. Chez Rousseau, ce texte constitue donc les prémisses de sa pensée politique qu’il déploiera ensuite pleinement dans le Contrat Social (texte disponible ici).
La première partie du texte permet à Rousseau de poser ses présupposés anthropologiques : il part d’un état de nature qu’il indique bien comme étant fictif pour identifier les caractéristiques essentielles de l’homme. C’est une sorte d’expérience de pensée, comme il le précise dans l’introduction :
Rousseau, Second discours, Introduction a écrit:Les philosophes qui ont examiné les fondements de la société ont tous senti la nécessité de remonter jusqu'à l'état de nature, mais aucun d'eux n'y est arrivé. Les uns n'ont point balancé à supposer à l'homme dans cet état la notion du juste et de l'injuste, sans se soucier de montrer qu'il dût avoir cette notion, ni même qu'elle lui fût utile. D'autres ont parlé du droit naturel que chacun a de conserver ce qui lui appartient, sans expliquer ce qu'ils entendaient par appartenir ; d'autres donnant d'abord au plus fort l'autorité sur le plus faible, ont aussitôt fait naître le gouvernement, sans songer au temps qui dut s'écouler avant que le sens des mots d'autorité et de gouvernement pût exister parmi les hommes. Enfin tous, parlant sans cesse de besoin, d'avidité, d'oppression, de désirs, et d'orgueil, ont transporté à l'état de nature des idées qu'ils avaient prises dans la société. Ils parlaient de l'homme sauvage, et ils peignaient l'homme civil.
[…]
Commençons donc par écarter tous les faits, car ils ne touchent point à la question. Il ne faut pas prendre les recherches, dans lesquelles on peut entrer sur ce sujet, pour des vérités historiques, mais seulement pour des raisonnements hypothétiques et conditionnels ; plus propres à éclaircir la nature des choses, qu'à en montrer la véritable origine, et semblables à ceux que font tous les jours nos physiciens sur la formation du monde.
Pour Rousseau, c’est en effet l’une des erreurs qu’on fait les autres auteurs traitant de ce sujet que de supposer l’existence réelle d’un tel état de nature. Ce faisant, ils restent focalisés sur les caractéristiques d’un homme déjà civilisé pour initier leurs analyses.
Partant de ce programme, dans cette première partie, Rousseau aborde les questions de la différence entre l’homme et l’animal, des passions, de l’entendement, de l’agressivité, de l’amour propre… Il s’inscrit notamment en opposition par rapport aux analyses de Locke et Hobbes sur la question de l’état de nature.
La seconde partie du texte commence par la très célèbre phrase :
Rousseau, Second discours, 2ème partie a écrit:Le premier qui ayant enclos un terrain, s’avisa de dire : Ceci est à moi, et trouva des gens assez simples pour le croire, fut le vrai fondateur de la société civile.
C’est dans cette partie que Rousseau répond à la question posée par l’Académie de Dijon avec le traitement de la question des inégalités. Rousseau y déploie cependant d’autres réflexions sur la propriété, la société civile, le droit, l’autorité publique, l’esclavage… Et toute cette seconde partie peut probablement être vue comme les prémices de son Contrat Social.
Nous sommes ici en présence d’un texte très riche qui propose de nombreuses possibilités d’analyse. Tous les sujets évoqués ci-dessus (et d’autres que je n’ai pas mentionnés) peuvent donner lieu à une analyse. La position de Rousseau face à Locke d’un côté et Hobbes de l’autre présente également des opportunités d’analyse, notamment dans les conséquences qui découlent des différences entre les visions des trois auteurs.