BOUDOU a écrit: "Vous avez appris qu'il a été dit : tu ne commettras pas d'adultère. Mais moi je vous dis : quiconque regarde une femme pour la désirer a déjà commis, dans son cœur, l'adultère avec elle." (Évangile de Matthieu).
Nous avons avec cette sentence un aperçu de la dérive du christianisme dans la stigmatisation du désir. Ici la pensée est en elle-même stigmatisée, qu'il y ait acte ou pas, alors que, dans le judaïsme, du moins chez les juifs que je connais, ce type de stigmatisation n'existe pas (je ne parle pas des juifs orthodoxes ou extrémistes). [Vous parlez, vous, de théorie, de ce que doit être le judaïsme dans les livres, moi je parle du réel, de la manière dont il est vécu].
Cette stigmatisation du désir est en relation avec les femmes (du point de vue des hommes), et, pour comprendre cette stigmatisation du désir, il faudrait sans doute explorer ses origines. Il faudrait même explorer pourquoi le désir, en soi, est ainsi stigmatisé. Dans le désir d'enfant c'est d'abord le désir qui est stigmatisé. Tout le monde braque le regard sur le mot "enfant" et tout le monde oublie de regarder le mot "désir". Car c'est là que ça ne va pas. C'est là qu'existe la plus grande opacité : le désir. Pourquoi après tout s'interroger sur le désir d'enfant ? parce qu'il y a désir, et que ce désir en plus concerne la relation intime homme-femme.
Désirer est suspect dans toutes les religions monothéistes, mais plus encore dans le catholicisme. Si vous n'avez pas vu le film
Les sœurs Magdalena, je vous conseille de le visionner. Une jeune fille est envoyée au couvent (il s'agit d'une histoire vraie), en Irlande, et ce dans les années 60 (pas si vieux que ça) uniquement parce qu'elle
se rend désirable. Où nous voyons que cette jeune fille est stigmatisée, car elle suscite le désir chez les hommes et elle est coupable de susciter cette chose horrible, pour les catholiques : engendrer le désir chez les hommes.
Mais allons plus loin avec cette question sur l'égoïsme. Car l'interrogation sur le désir d'enfant porte aussi sur l'égoïsme. Est mal tout ce qui relève de l'égoïsme chez les catholiques et chez toutes les nations héritières de cette culture. Mais que reproche-t-on
in fine à l'égoïsme ? d'agir en attendant un retour. Ce qui
a contrario signifie, pour le catho, que la seule action "pure" c'est celle qui est faite sans attendre un retour. Mais quand vous "désirez" faire une action, même gratuite, le seul fait de "désirer" engendre du plaisir ! (si vous réalisez l'action dite !).
C'est donc bien le désir qui est stigmatisé, et si vous avez du plaisir, c'est que vous avez "désiré", et en cela vous êtes coupable. La seule action pure pour les catho, c'est une action qui n'est pas désirée. Ce qui est impossible (du moins si vous exercez dans le cadre de votre liberté). En cela Nietzsche avait raison, le christianisme porte dès l'origine en lui une névrose.