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Avoir des enfants : égoïsme ou pas ?

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Crosswind
kiralinconnu
6 participants

descriptionAvoir des enfants : égoïsme ou pas ? - Page 7 EmptyRe: Avoir des enfants : égoïsme ou pas ?

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Dans un premier temps je citerai Kant pour vous répondre, car il exprime bien ce que vous réprouvez justement dans la morale chrétienne. Si je peux me permettre une digression, la bonne lecture non critique (académique) d'une œuvre comme celle de Kant qui est au centre de gravité de la philosophie occidentale, consisterait, à mon sens, à 'identifier et isoler les questions principales qui se posent au fur et à mesure de la lecture au lieu de présenter indirectement ces questions par l'introduction de biais d'interprétations au cours de la présentation séquentielle de l'œuvre.

Le devoir - (Cours de philosophie - Le déontologisme kantien)

[La] volonté peut être autonome dans la mesure où elle peut se déterminer par la raison, en l’absence de toute autre détermination extérieure. Elle peut donc se donner à elle-même sa loi. Cette autonomie de la volonté est ce qui rend l’action morale possible [...].
[Nous] ne pouvons jamais, même par l’examen le plus rigoureux, pénétrer entièrement jusqu'aux mobiles secrets ; or, quand il s’agit de valeur morale, l’essentiel n’est point dans les actions, que l’on voit, mais dans ces principes intérieurs des actions, que l’on ne voit pas.
Seul Dieu, qui « sonde les cœurs et les reins » (Ancien Testament, Psaume 7, 10), peut connaître la vérité des intentions humaines. On pourrait même pousser plus loin et dire qu’aucune action ne peut être morale au sens de Kant, tout simplement parce que toute action doit nécessairement être déterminée par un intérêt quelconque. Une action sans aucun intérêt est un monstre conceptuel [...][Il] est capital, pour Kant, que l’on ne connaisse pas Dieu, qu’on n’ait aucune preuve de son existence, et qu’on puisse simplement supposer qu’il existe. Car si nous savions que Dieu existe, la moralité en pâtirait car nous ne ferions plus le bien par devoir mais plutôt en vue d’entrer au paradis après notre mort. La morale kantienne est une sécularisation de la morale religieuse, mais la dimension de la morale qu’elle exacerbe (le caractère bon au sens de désintéressé de la volonté) fait que cette morale n’est possible que si on ignore que Dieu existe. La moralité au sens de Kant culmine donc avec la mort de Dieu : toutes choses égales par ailleurs, l’athée est plus moral que le croyant car l’espoir du paradis n’entre pas dans ses mobiles.
Kant, Fondements de la métaphysique des mœurs a écrit:
De tout ce qu’il est possible de concevoir dans le monde, et même en général hors du monde, il n’est rien qui puisse sans restriction être tenu pour bon, si ce n’est seulement une bonne volonté [...].
[Le] sang-froid d’un scélérat ne le rend pas seulement beaucoup plus dangereux ; il le rend aussi immédiatement à nos yeux plus détestable encore que nous ne l’eussions jugé sans cela [...].
Agis de telle sorte que tu traites l’humanité aussi bien dans ta personne que dans la personne de tout autre toujours en même temps comme une fin, et jamais simplement comme un moyen [...].
Agis uniquement d’après la maxime qui fait que tu peux vouloir en même temps qu’elle devienne une loi universelle

Je continuerai ma réponse un peu plus tard car je m'apprête à redescendre dans le midi, où les chaleurs caniculaires m'attendent, après avoir passé plusieurs semaines dans la fraîche verdure de la Bretagne.

descriptionAvoir des enfants : égoïsme ou pas ? - Page 7 EmptyRe: Avoir des enfants : égoïsme ou pas ?

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BOUDOU a écrit:
Dans un premier temps je citerai Kant pour vous répondre car il exprime bien ce que vous réprouvez justement dans la morale chrétienne. Si je peux me permettre une digression, la bonne lecture non critique (académique) d'une œuvre comme celle de Kant qui est au centre de gravité de la philosophie occidentale, consisterait, à mon sens, d'identifier et d'isoler les questions principales qui se posent au fur et à mesure de la lecture au lieu de présenter indirectement ces questions par l'introduction de biais d'interprétations au cours de la présentation séquentielle de l'œuvre.
Il faut d'abord lire les textes écrits par les auteurs et tenter de les comprendre. Sinon nous ne lisons que des comptes-rendus qui, même quand ils sont faits par des personnes érudites, peuvent être erronés ou déformés. Or le texte, tel qu'il est écrit par Kant, est particulièrement obscur. D'où l'intérêt de passer par des interprétations d'autres lecteurs (Rivelaygue, Deleuze), non pour faire siens leurs points de vue, mais pour voir comment d'autres lecteurs ont compris ces passages obscurs. Disons que j'applique là ma culture scientifique. D'abord prendre le temps de prendre connaissance soi-même du réel, donc ici des écritures originelles, confronter son opinion avec celles des autres, se faire une synthèse pour soi, et ensuite seulement discuter de ce que l'on a soi-même observé et pris la peine de comprendre avec son propre esprit.
Quand par exemple vous citez Kant dans un contexte d'une œuvre que je ne connais pas, aussitôt je me mets moi-même en garde, car ne connaissant pas l'œuvre je ne peux pas vérifier que ce que vous dites est neutre, ni si c'est approprié. Mais je vais aller plus loin : je ne sais même pas si Kant a raison tant que je ne l'ai pas lu. Cette remise en doute a priori de la pensée des plus grands est la seule façon d'appliquer l'esprit critique et de parvenir à l'autonomie de la pensée.

descriptionAvoir des enfants : égoïsme ou pas ? - Page 7 EmptyRe: Avoir des enfants : égoïsme ou pas ?

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Je ne suis évidemment pas qualifié pour donner des conseils dans cette matière. Mes remarques sont juste destinées à faciliter mon interaction avec vous sur ce genre de sujet. Bien entendu vous avez mille fois raison. Comme vous le faites justement remarquer, la lecture d'une œuvre, même par des personnes érudites, peut comporter des biais, de sorte que la plus sûre façon de s'approcher du sens de l'œuvre serait sans doute, à tout le moins pour moi, de faire partager largement l'interprétation du texte en posant les questions essentielles (notamment lorsqu'on a la chance d'avoir un regard neuf), au lieu d'ajouter sa propre interprétation nécessairement biaisée, après lecture de commentateurs. Cette nouvelle interprétation est alors difficile à accueillir - au même titre que celles déjà publiées. Une façon, moins économe, consisterait à recouper un grand nombre d'interprétations avec celle neuve que l'on propose : ce que vous faites très bien mais partiellement en prenant deux commentateurs. Vous remarquerez que le texte auquel renvoie le website dans ma réponse sur l'intentionnalité donne de larges citations des Fondements de la métaphysique des mœurs qui semblent corroborer la présentation nécessairement biaisée qui en est faite (il ne s'agit pas ici de faire l'exégèse de Kant mais d'utiliser le texte de Kant pour répondre à une question). L'Anthropologie d'un point de vue pragmatique est également un texte intéressant pour définir l'égoïsme.

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Oui, je vois votre "critique" au sens positif du terme. Le problème que je rencontre en lisant Kant c'est qu'il n'est pas facile à comprendre pour des raisons assez triviales : le sens des mots n'est pas le même que celui que nous leur donnons aujourd'hui et peu de commentateurs le font remarquer (il faut que je mène tout seul ma pensée pour me rendre compte que le mot "imagination" n'a rien à voir, dans le sens qu'emploie Kant, avec le sens que nous donnons aujourd'hui à ce mot). Il y a aussi la construction logique qui oblige à tâtonner dans la simple analyse logique du langage. 

Enfin il y a les interprétations. Je me suis, au début, au fur et à mesure que je travaillais, entouré de quantités de livres et même de thèses, pour me rendre compte que personne ne tombe d'accord sur les textes et que, même, il y a des oppositions étonnantes, entre par exemple les liaisons table des jugements/table des catégories ! J'ai fini par m'entourer des seuls commentateurs dont il me semble qu'ils ont fait eux, l'effort d'étudier à fond le texte (il y a aussi Luc Ferry qui fait un remarquable travail de vulgarisation, mais je ne m'appuie pas sur lui car j'ai intégré, en mon esprit, toutes ses analyses, je me suis emparé de son savoir ; comme je me suis emparé du savoir d'un autre auteur, Muglioni. Ferry lui-même écrit son livre à l'intention des profs de philo qui, selon lui, ne paraissent pas non plus avoir compris Kant ! Puis il dit qu'à son avis seule une poignée de personnes comprennent Kant en France !).

Le but pourtant est de parvenir à une compréhension personnelle, et de me détacher aussi des deux commentateurs que je garde, Rivelaygue et Deleuze (je suis aussi armé du Lexikon et quelques études ponctuelles, très pointues, très ciblées, trouvées sur internet). Ce qui est décevant dans ce travail, c'est que vous vous armez de livres savants écrits par des personnes reconnues pour vous rendre compte in fine que ces personnes n'ont pas même fait l'effort d'aller jusqu'au bout de la lecture de Kant. Il y a peu d'honnêtes esprits malheureusement et trop de personnes, même ayant pignon sur rue, utilisent la philosophie dans ce seul but : s'affirmer en son nom. C'est agaçant.

Pour en revenir à ces questions de méthode, Kant lui-même égare son lecteur avec des exemples inappropriés comme l'exemple du triangle pour expliquer les trois synthèses alors que le triangle n'est pas un phénomène mais une construction décidée par l'esprit ! Lui aussi est agaçant. Et je ne parle pas de la chose en soi, que je suis obligé de réinterpréter, cette fois-ci avec mon seul esprit (en vérité aidé par les scientifiques) car dire que le même objet peut être vu soit comme phénomène soit comme chose en soi, désolé de le dire, mais c'est insensé. Aujourd'hui nous sommes capables d'amender Kant grâce à la science, qui donne raison à Kant dans sa distinction entre phénomène et chose en soi, sauf que ce n'est pas du tout le même objet qui est  la fois phénomène et chose en soi. En vérité je me suis attaqué à un phénomène !!! (je parle de Kant).

A bientôt, je reviendrai sur vos interventions plus haut sur lesquelles j'ai à dire aussi.

Bonne journée.

descriptionAvoir des enfants : égoïsme ou pas ? - Page 7 EmptyRe: Avoir des enfants : égoïsme ou pas ?

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Crosswind a écrit:
il est possible de parler d'égoïsme dur, absolu, lorsque l'on se trouve dans la catégorie (A), et d'égoïsme doux, relatif, dans le cas des catégories (B)
Hervé BOURGOIS a écrit:
L'égoïsme est une chose abstraite qui correspond à des comportements culturels
anormal a écrit:
Mais à l'heure où l'on pourrait entendre dire que les gènes "c'est facho" sans s'en offusquer, il ne faut pas s'étonner qu'un individualiste, culturellement égoïste de fait, affirme : "vouloir un enfant, c'est égoïste..." (peut-être pense-t-il qu'avoir un enfant, c'est un peu comme avoir un objet de gratification...)
BOUDOU a écrit:
Le penchant égoïste des hommes suivant lequel, il pourrait vouloir des enfants seulement pour être aimé et par là donner un sens à leur existence, serait contrebalancé par leur insociable sociabilité naturelle et/ou par leur morale... A propos d'enfants, le désir est le plus souvent irrationnel, au même titre que la morale, la structure d'une langue, la philosophie de Nietszche, etc. Cependant l'irrationnel ou l'inconscient peuvent dans certains cas être rationnels, par exemple pour se conformer aux exigences d'un groupe d'appartenance (société, famille, religion, etc.).
kercoz a écrit:
le terme "égoïsme" implique la "morale" et donc la raison. Il existe pourtant une forme d'égoïsme qui va servir les intérêts du groupe ou de l'espèce (certains parlent du gène égoïste).
aliochaverkiev a écrit:
Il semble que le catholique ne puisse pas penser que la motivation de l'individu soit "belle", non il faut qu'il la dévalorise sans cesse. "Cet individu a un comportement social altruiste ? Ah non ! dans sa tête en fait il y a une motivation 'abjecte'" (Sartre).
Il est possible de moduler le sens du concept polysémique d'égoïsme dans le contexte de notre discussion en faisant parler les philosophes (ou les faux philosophes). Par exemple Sartre - comme suggéré par aliochaverkiev :
Jean-Paul Sartre, L'existentialisme est un humanisme a écrit:
l'homme se trouve dans une situation organisée, où il est lui-même engagé, il engage par son choix l'humanité entière, et il ne peut pas éviter de choisir : ou bien il restera chaste, ou il se mariera sans avoir d'enfants, ou il se mariera et aura des enfants ; de toute façon quoi qu'il fasse, il est impossible qu'il ne prenne pas une responsabilité totale en face de ce problème… Nous ne pouvons pas décider a priori de ce qu'il y a à faire. Je crois vous l'avoir assez montré en vous parlant du cas de cet élève qui est venu me trouver et qui pouvait s'adresser à toutes les morales, kantienne ou autre, sans y trouver aucune espèce d'indication ; il était obligé d'inventer sa loi lui-même... On peut juger, d'abord (et ceci n'est peut-être pas un jugement de valeur, mais c'est un jugement logique), que certains choix sont fondés sur l'erreur, et d'autres sur la vérité. On peut juger un homme en disant qu'il est de mauvaise foi. Si nous avons défini la situation de l'homme comme un choix libre, sans excuses et sans secours, tout homme qui se réfugie derrière l'excuse de ses passions, [b]tout homme qui invente un déterminisme est un homme de mauvaise foi. On objecterait : mais pourquoi ne se choisirait-il pas de mauvaise foi ? Je réponds que je n'ai pas à le juger moralement, mais je définis sa mauvaise foi comme une erreur. Ici, on ne peut échapper à un jugement de vérité.


Comte-Sponville, Qu'est-ce qu'un salaud ? a écrit:
C’est l’intention qui juge nos actions, disait Montaigne avant Kant, et ils ont raison tous les deux. Être méchant, ce n’est pas seulement faire le mal ; c’est le vouloir. Et ce n’est pas seulement le vouloir (puisqu’on peut le vouloir dans une bonne intention, comme le malheureux qui vole pour nourrir sa famille ou le terroriste qui tue pour une cause qu’il croit juste) ; c’est le vouloir en toute connaissance de cause, « en tant que mal », comme dit Kant, non comme moyen mais comme fin, donc dans une intention elle-même mauvaise. Être méchant, c’est vouloir le mal pour le mal… Les hommes ne sont pas méchants, explique Kant (faire le mal pour le mal serait diabolique, et les hommes ne sont pas des démons) ; mais ils sont mauvais ou, comme je préférerais dire, médiocres. En quoi ? En ceci qu’ils mettent l’amour de soi plus haut que la loi morale… (Le) salaud (est) non pas celui qui fait le mal pour le mal, comme serait le méchant, mais celui qui fait du mal à autrui pour son bien à soi. [...]Le salaud, ce serait donc l’égoïste ? Point tout à fait ni seulement, car alors nous le serions tous. Tout salaud est égoïste (même si cet égoïsme se masque derrière le dévouement à une cause ou à un Dieu), mais tout égoïste n’est pas un salaud. Le salaud, c’est l’égoïste sans frein, sans scrupule, sans compassion… L’égoïste, c’est celui qui ne fait pas, pour autrui, tout le bien qu’il devrait. Le salaud, c’est celui qui lui fait plus de mal qu’il ne pourrait. On est égoïste par défaut, et salaud par excès... Qu’est-ce qu’un salaud ? C’est un égoïste qui a bonne conscience, qui est persuadé d’être un type bien, et que le salaud, en conséquence, c’est l’autre. C’est pourquoi il s’autorise le pire, au non du meilleur ou du soi – d’autant plus salaud qu’il se croit justifié à l’être, et pense donc ne l’être pas…[Le] seul égoïste authentique, le seul égoïste insatisfait, c’est celui qui ne se résigne pas à l’être. C’est ce qu’on appelle la conscience morale, et le contraire de la saloperie.

http://poethique.over-blog.fr/article-qu-est-ce-qu-un-salaud-comte-sponville-53426437.html
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