Est-ce ainsi que les hommes vivent ?
Depuis Thatcher et Reagan, dans les années 80, l’ultralibéralisme est aux commandes de l’économie mondiale. Les grands groupes multinationaux, le plus souvent par l’entremise de la puissance américaine, imposent au monde entier les règles économiques qui leur permettent de gagner encore plus d’argent. L’état qui refuse d’appliquer ces règles (celles de l'Organisation Mondiale du Commerce) n’est qu’un mauvais joueur : on finit par le mettre à l’écart où il dépérit, privé des ressources mondiales. De telles règles favorisent la recherche du profit immédiat, par tous les moyens, à commencer par la spéculation. Et peu importent les conséquences. Par exemple, une règle induite par le système lie l’emploi à la croissance, ce qui amène la destruction de la nature. Autre exemple : la concurrence faussée entre pays à bas salaire et pays riches, qui rapporte beaucoup aux investisseurs tout en créant des bouleversements insupportables.
Rien que dans les pays développés, depuis 1975, juste avant l’avènement de l’ultralibéralisme, la fortune des riches n’a cessé d’augmenter : la part de la production qui revient au capital est passée de 20 à 30 °/°, soit 50 °/° d’augmentation et c’est probablement pire dans les pays pauvres. A ce jour, 1 °/° des hommes de la planète détiennent 50 °/° de la fortune mondiale.
Les peuples ne voient pas ce filet dans lequel ils se débattent. Mais ils voient bien qu’ils souffrent.
Alors ils perdent confiance dans tout ce qui guidait leur existence : pêle-mêle, la démocratie, la laïcité, les droits de l’homme, les hommes politiques, les journalistes, les intellectuels,… Comme ceux que la médecine ne parvient pas à tirer des griffes de la mort, ils se tournent vers les guérisseurs et les charlatans. Certains se mettent à rêver d’un âge d’or mythique qui aurait existé dans le passé, ils s’emploient à le recréer ; parfois, ils vont même jusqu’à exiger que l’humanité entière fasse comme eux : ainsi, plus personne ne pourrait leur imposer autre chose.
Les peuples partent dans tous les sens. Le chaos s’installe, accompagné souvent de souffrances atroces.
Il existe quand même quelques esprits lucides. Arte et La Cinq ont diffusé des documentaires édifiants, ne serait-ce que « Goldman Sachs, la banque qui dirige le monde » (Arte) : vidéo du documentaire . Il y a aussi l’encyclique du pape François, « LAUDATO SI, sur la sauvegarde de la maison commune », dont voici quelques extraits.
« Ce n’est pas une question de validité de théories économiques *que peut-être personne aujourd’hui n’ose défendre, mais de leur installation de fait dans le développement de l’économie. Ceux qui n’affirment pas cela en paroles le soutiennent dans les faits quand une juste dimension de la production, une meilleure répartition des richesses, une sauvegarde responsable de l’environnement et les droits des générations futures ne semblent pas les préoccuper. Par leurs comportements, ils indiquent que l’objectif de maximiser les bénéfices est suffisant. » *ultralibérales
« La crise financière de 2007-2008 était une occasion pour le développement d’une nouvelle économie plus attentive aux principes éthiques, et pour une nouvelle régulation de l’activité financière spéculative et de la richesse fictive. Mais il n’y a pas eu de réaction qui aurait conduit à repenser les critères obsolètes qui continuent à régir le monde. »
« Cesser d’investir dans les personnes pour obtenir plus de profit immédiat est une très mauvaise affaire pour la société. »
« Le XXIème siècle, alors qu’il maintient un système de gouvernement propre aux époques passées, est le théâtre d’un affaiblissement du pouvoir des États nationaux, surtout parce que la dimension économique et financière, de caractère transnational, tend à prédominer sur la politique. Dans ce contexte, la maturation d’institutions internationales devient indispensable, qui doivent être plus fortes et efficacement organisées, avec des autorités désignées équitablement par accord entre les gouvernements nationaux, et dotées de pouvoir pour sanctionner. »
Comme l’a affirmé Benoît XVI dans la ligne déjà développée par la doctrine sociale de l’Église : « Pour le gouvernement de l’économie mondiale, pour assainir les économies frappées par la crise, pour prévenir son aggravation et de plus grands déséquilibres, pour procéder à un souhaitable désarmement intégral, pour arriver à la sécurité alimentaire et à la paix, pour assurer la protection de l’environnement et pour réguler les flux migratoires, il est urgent que soit mise en place une véritable Autorité politique mondiale telle qu’elle a déjà été esquissée par mon Prédécesseur, [saint] Jean XXIII »…*
* Il me paraît évident que je peux citer les papes sans adhérer à la religion catholique romaine.