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Sociétés historiques et sociétés naturelles.

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4 participants

descriptionSociétés historiques et sociétés naturelles. - Page 2 EmptyRe: Sociétés historiques et sociétés naturelles.

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Je n'attendais pas une réponse aussi sérieuse à mes considérations décalées, Euterpe.
Toute société a bien évidemment une histoire, mais elle ne se déroule pas à la même vitesse pour chacune.
Même la société des animaux en a une, quelque peu retardataire mais pas sans médias, que l'on commence progressivement à découvrir.
En fait l'homme "protecteur du naturel", en confinant quelques ours dans un immense parc protégé, n'ôte-t-il pas toute chance d'évolution à ces pauvres bêtes ?

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Euterpe a écrit:
La leçon des sociétés "naturelles" (antithèse ou oxymoron) est ailleurs que dans leur proximité avec la nature : dans leur rapport au changement.

Les Grecs furent une telle société au début de leur histoire, un paradoxe pour les inventeurs de cette manière moderne de raconter ce qui n'est après tout qu'un mythe avec une chronologie. Ils choisirent des évènements de plus en plus proches d'eux jusqu'à trouver leur matière chez les contemporains, ce qui vous avez raison, témoigne d'une perception du changement plus aiguë, sans doute liée à une plus grande sophistication de la vie politique. Chez les peuples sans histoire, comme par exemple les Marquesans cannibales de Melville, la vie politique était fort simple.

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tomefringant a écrit:
Même la société des animaux en a une, quelque peu retardataire mais pas sans médias, que l'on commence progressivement à découvrir.
On aura beau découvrir et découvrir encore la consistance et la complexité culturelles de certaines sociétés animales, aucune ne peut être dite historique, sauf à modifier les critères de définition de l'histoire, ce qui est fort imprudent. Il y a un critère auquel nul n'échappe, qui concerne moins l'écriture que le rapport que les sociétés humaines entretiennent avec leur passé. Que leur mémoire soit scripturale et/ou orale, les sociétés humaines se distinguent par ceci qu'elles se transmettent leur mémoire collective de génération en génération, autrement dit, dans chaque société humaine, — on transmet à une génération qui ne l'a pas elle-même vécu un passé qui la constitue dans son identité collective, — la génération qui en fait le récit n'a pas vécu non plus le passé qu'elle transmet en le récitant. Bref, dans chaque société humaine circule une mémoire immémoriale qui détermine son présent, sachant que ce qui varie, de l'une à l'autre, c'est la manière dont leur passé détermine leur présent (détermination plus ou moins tutélaire, qui peut tout autant garantir le présent contre des changements trop importants, ou convertir le présent en de multiples virtualités créatrices). Mais à l'intérieur du cercle que trace l'éventail des déterminations possibles, on (re)trouve la distance caractéristique dans laquelle une société cherche sa place entre son présent et son passé, sachant que se saisir scripturalement de son propre passé, c'est se donner le moyen de le modifier, de l'inventer et de se réinventer avec. Liber nous en donne un excellent exemple avec les Grecs. On pouvait tout autant choisir l'exemple égyptien, le premier connu dans des proportions et des conséquences importantes, puisqu'aujourd'hui encore l'archéologie égyptienne reconstitue tout un passé que les Égyptiens eux-mêmes s'amusaient à modifier d'un Pharaon à l'autre. La pierre écrite faisait et défaisait l'histoire (le réel), donc la mémoire. Ainsi, la (re)découverte des Pharaons noirs de Nubie, ou les fantaisies de Ramsès, etc. Pratique encore courante dans l'antiquité gréco-romaine.

Tout cela, on ne le trouve pas chez les animaux, qui ont une culture, qui ont bien la capacité à innover en improvisant un moyen technique ou en modifiant un comportement (c'est flagrant chez les corbeaux et les chimpanzés), mais on reste bien dans un génotype, donc aussi dans une adaptation à la nature (adaptation de sociétés naturelles aux reconfigurations ou recombinaisons de la nature, parfois même celles que provoquent les hommes). Dans les sociétés humaines, on adapte la nature.

tomefringant a écrit:
En fait l'homme "protecteur du naturel", en confinant quelques ours dans un immense parc protégé, n'ôte-t-il pas toute chance d'évolution à ces pauvres bêtes ?
En effet. Je crois même que l'écologie, invention occidentale, est la dernière porte d'entrée qu'il manquait à la technique pour achever de faire disparaître la nature. Les écologistes ont la naïveté (et l'arrogance tout autant) de croire que maintenir la nature dans son état (préservation des espèces), c'est la laisser à elle-même. Ça reste de l'intervention, bien moins innocente que les écologistes ne voudraient l'admettre. Ils sont et seront les fossoyeurs de la nature. Le danger, c'est l'écologie — un credo vulgaire, pontifiant et moralisateur, hystériquement vociféré par des prédicateurs d'un genre nouveau qui n'ont pas les facultés des anciens prédicateurs ou prosélytes parcourant les routes en édifiant leurs auditoires. Croire en une nature high tech, ou en une technique verte, c'est vouloir le beurre et l'argent du beurre.

Liber a écrit:
Les Grecs furent une telle société au début de leur histoire, un paradoxe pour les inventeurs de cette manière moderne de raconter ce qui n'est après tout qu'un mythe avec une chronologie. Ils choisirent des évènements de plus en plus proches d'eux jusqu'à trouver leur matière chez les contemporains, ce qui vous avez raison, témoigne d'une perception du changement plus aiguë, sans doute liée à une plus grande sophistication de la vie politique.
Les Grecs sont en effet les premiers à "(ré)inventer leur passé", et vous avez raison de signaler le lien avec la vie politique. Incapables de vivre sans se disputer, paisiblement, etc., les Grecs avaient sans doute besoin d'une réfection régulière de leur passé pour comprendre quelque chose au capharnaüm historique dans lequel ils vivaient. On ne peut s'étonner de leur sensibilité aiguë, de leur hyper réceptivité aux contradictions constitutives du réel (qui d'autre pouvait inventer la dialectique, invention qui fait basculer l'humanité dans quelque chose d'unique, et la place à des hauteurs que rien ne laisse prévoir !), de leur intelligence supérieure du hasard, de l'absurde, de l'événement (il faut vivre dans un chaos, un danger sans nom pour inventer l'histoire ; qu'un Thucydide soit possible et même nécessaire, c'est proprement stupéfiant et la marque d'une intelligence inouïe).

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Euterpe a écrit:
Tout cela, on ne le trouve pas chez les animaux


Pour tracer un fossé entre l'homme et l'animal, il faut nier l'éternité qu'il nous a fallu pour acquérir un embryon de conscience, et ne s'attacher qu'à la fraction de temps où nous l'avons exponentiellement développée — et pour être honnête précisons qu'elle est fort inégalement développée au sein de l'humanité —. Un tel apartheid est sans doute salutaire quand nous continuons à dévorer allègrement la chair de la plupart des autres espèces. Tout un ensemble de définitions et de barrières vient au secours de notre prééminence. Derrière cette intention pointe une religion plus dangereuse : Celle qui voudrait faire de la philosophie le moyen d'échapper à notre héritage primitif. Voici une croyance ennemie de la conscience. Ceux qui la professent n'ont pas compris ce qui les fait lever le matin. Finalement, Julien de la Mettrie faisait preuve d'une grande précocité en nous écrivant du 18è siècle : "Des Animaux à l’Homme, la transition n’est pas violente"

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tomefringant a écrit:
Pour tracer un fossé entre l'homme et l'animal, il faut nier l'éternité qu'il nous a fallu pour acquérir un embryon de conscience
Si la conscience n'était que le fait de l'évolution, il suffirait de s'assoir et d'attendre en croisant les bras qu'elle émerge en chaque animal. C'est un accident, une anomalie, d'une improbabilité qui ne peut qu'étonner aujourd'hui encore, d'autant plus que, non seulement elle est effectivement très inégalement répartie, mais n'existe sans doute pas chez tous les hommes ; je crois même pour ma part qu'elle n'est pas le propre de l'homme, mais de certains hommes à qui il arrive des choses, autrement dit la conscience ne peut surgir que par la conjonction de facteurs dont la conjonction même n'opère pas avec la nécessité d'une cause.

tomefringant a écrit:
Un tel apartheid est sans doute salutaire quand nous continuons à dévorer allègrement la chair de la plupart des autres espèces.
Rendez la chasse impossible : l'humanité le devient également.

tomefringant a écrit:
Tout un ensemble de définitions et de barrières vient au secours de notre prééminence. Derrière cette intention pointe une religion plus dangereuse : Celle qui voudrait faire de la philosophie le moyen d'échapper à notre héritage primitif.
Et que serait notre héritage primitif ? Que nous soyons des animaux, c'est un fait. Mais nous sommes surtout des animaux particuliers, pour le moins. On ne va tout de même pas programmer un retour à notre animalité primitive, au seul motif que nous retrouverions ainsi notre nature : nous n'en avons pas (encore moins parce que la moindre fourrure provoque une hystérie collective chez des êtres qui font la leçon à tout le monde quand ils se contrefichent de ce qu'il se passe en Tchétchénie). Qu'on fasse des associations pour la préservation du cafard de la Mayenne, soit, qu'on lui donne la prééminence, non.

tomefringant a écrit:
Voici une croyance ennemie de la conscience. Ceux qui la professent n'ont pas compris ce qui les fait lever le matin. Finalement, Julien de la Mettrie faisait preuve d'une grande précocité en nous écrivant du 18è siècle : "Des Animaux à l’Homme, la transition n’est pas violente"
Ah bon ? Vous qualifiez de croyances des choses qui relèvent de faits (le fait de la philosophie, comme institution de quelque chose de très localisé, qui n'a eu lieu qu'en un temps et en un lieu, fondé par des questions qui ne concernent pas les animaux — la vertu, la sagesse, en quoi cela concernerait-il notre animalité ou un quelconque héritage primitif ? A-t-on vu des animaux écrire des tragédies, bâtir des temples, écrire des cosmogonies, des constitutions politiques, etc. ?). Au contraire, vous semblez énoncer comme une vérité ce qui ne semble pas plus qu'une croyance ou un fantasme : le pithécanthrope a changé un grand nombre de fois en moins de dix millions d'années quand le crocodile actuel n'a guère de différence biologiquement pertinente par rapport à ses ancêtres de l'ère des dinosaures, pourquoi ? Parce que de l'animalité à l'humanité, il n'y aurait qu'un long fleuve tranquille, appelé "évolution" ?

Non, il n'a pas fallu une éternité pour qu'un embryon de conscience émerge. Sur une période de moins de 10 millions d'années, à l'échelle du temps géologique, c'est tout juste une seconde, qui témoigne d'une véritable odyssée : on n'en réchappe que par miracle.


Dernière édition par Euterpe le Sam 23 Avr 2011 - 20:26, édité 1 fois
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