benfifi a écrit: Je m'interroge : ces trois lignes constituent-elles un sujet philosophique ? Comment mettre en forme ? Je tente : En quoi le récit a-t-il/aurait-il permis, chez l'homme, de le distinguer des autres grands singes ? Serait-ce son caractère, sa fonction, et/ou son pouvoir poétique ?
Quand les recherches et les propos de Picq concernent l'origine du langage, c'est de la science, pas de la philosophie.
P. Picq a écrit: Il faut bien comprendre qu'il n'y a pas un seul module du langage. Par exemple, l'aire de Broca, qu'on sait largement impliquée dans la production des mots, se retrouve également chez les chimpanzés. Le langage n'est donc pas apparu spontanément à partir de rien, mais il s'est construit à partir de différentes capacités cognitives dont nos ancêtres disposaient. Et probablement que ces facultés se retrouvaient déjà chez leurs propres aïeuls.
Je suppose qu'un homme de science tel que Picq sait déterminer entre les causes et les raisons. Produire des récits est-il une raison suffisante pour nous différencier des grands singes ? Après tout une pilosité très réduite chez l'homme pourrait faire aussi l'affaire mais cette différence est considérée comme secondaire par rapport à la première (le langage). Depuis Aristote, les philosophes se sont attribués le droit de juger de la science sur la méthode mais aussi sur ses objets d'étude (légitimité de la construction des objets d'étude). Je ne vois pas de questions philosophiques au sujet du propos de Picq, sauf à savoir si focaliser sur le langage est justifié.
Son "qui sait ?" laisse supposer qu'il entrevoit des récits chez les chimpanzés. Je ne le contredirai pas, mon chien me semble-t-il se fait des récits.
La question serait donc dans la forme, la complexité, l'expression par le langage humain des récits humains, les seuls que nous comprenons, sans donc pouvoir juger de la différence d'avec les récits des chimpanzés. L'incommunicabilité des récits constitue déjà une différence et l'homme est homme en ce qu'il comprend les récits de l'homme.
Admettons que les hommes ne soient distincts des chimpanzés que sous cet aspect (produire des récits), cela ne renvoie-t-il pas à une cause extrinsèque et donc au substrat génético-biologique et/ou à la morphologie ? Il manquerait aussi, peut-être, aux chimpanzés la complexité cérébrale de produire des récits tels que ceux que nous produisons. Ce qui ne serait plus qu'une différence épiphénoménale. Mais là on est dans la science. Ce n'est pas le philosophe qui déterminera les processus d'apparition du langage. C'est bien la mise en lumière scientifique du processus, si c'est possible, qui peut établir où et comment se produit la différence. Dire que l'homme se raconte une histoire c'est bien, mais expliquer les causes du phénomène c'est mieux.