Les questions morales ont certes pris le pas, éthiques, j'en doute beaucoup. Quand la plupart de ces manifestants qui prétendent s'opposer au projet parce qu'ils ont à cœur l'intérêt des enfants, instrumentalisent leurs propres enfants en les amenant à une manifestation dont ils ne peuvent, pour les plus jeunes, comprendre la portée, on est en droit de se poser des questions sur leur sens éthique.
Je ne pense pas que le désir d'enfant soit secondaire. Vous-même vous parlez de sacralisation de l'enfant. De part et d'autre des deux camps, l'enfant est présenté comme l'alpha et l'oméga d'une vie accomplie et épanouie. On peut agréer ou non ce présupposé, qui sous-tend la grande majorité des discours, mais il me semble important de le débusquer. Si vous avez regardé les vidéos (qui n'ont rien à voir avec le débat sur les droits des homosexuels), il y a réellement dans les discours quotidiens comme une forme de violence symbolique à l'égard de ceux qui n'éprouvent pas ce désir d'enfant et l'assument.
Le corps des femmes par ailleurs est toujours pensé comme une sorte d'instrument au service de la puissance et de la survie de la nation, comme le montraient ces titres de 2008, "Les Françaises, championnes d'Europe", parce que la France avait la natalité la plus élevée, devant la très catholique Irlande. Comme si depuis De Gaulle, et son appel au patriotisme des Françaises ("douze millions de beaux bébés,"), les choses n'avaient pas tant évolué que ça. D'ailleurs cet appel de De Gaulle soulève une question dont la réponse détermine la manière dont le corps de la femme est considéré : doit-on faire des bébés par patriotisme ? Tout ce que dit Foucault du bio-pouvoir, et d'un État qui n'exerce plus sa puissance par la mort, mais sur la vie, la mort devenant par là-même, ce qui échappe à son emprise, est ici intéressant.
La question de l'instrumentalisation de cet artifice social que l'on appelle "instinct maternel" est aussi intéressante.