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Rome et la conquête de la Macédoine

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Ce sujet fait écho à une discussion fort intéressante sur Polybe. Il s'agit de la troisième partie d'un mini-mémoire qui traitait de la place de la Macédoine au sein de la dynastie antigonide - il n'est donc pas question d'une analyse événementielle. Cette dernière partie montre l'impact de la domination romaine. Je tâcherai d'ajouter rapidement une, voire deux cartes. Le texte est assez long, et comporte certaines idées qui ne sont que le fruit de mes recherches. Je ne peux pas proposer le devoir intégralement, puisque je n'en suis pas l'unique rédacteur.

J'ai intégré un plan apparent pour facilité la lecture, ainsi que les notes de bas de pages.


III) «  De la liberté à la provincialisation »


La troisième guerre de Macédoine, 172-168 av. J-C, se termine par la débâcle macédonienne de Pydna. Pour autant pas d’annexion, conformément aux principes régissant la politique extérieure de Rome en Orient. Le triomphateur Paul-Émile va déclarer la Macédoine « libre » au nom du Sénat et du peuple romain. Toutefois, c’est une liberté relative, fortement réglementée qui prendra fin en 148 avec la provincialisation, sous l’effet d’une révolte dite d’Andriscos.


  • 1.      Pydna et le règlement du conflit

Les modalités relatives au règlement du conflit sont clairement exposées par Tite-Live, notamment en rapportant l’intervention de Paul-Émile. Deux éléments principaux sont à souligner dans cette déclaration : la disparition de la royauté et le découpage du territoire macédonien en quatre districts. Il apparaît clairement que Rome se positionne en libératrice. Tite-livre rapporte : « les Macédoniens étaient libres »[1], entendons libres du joug royal. L’assimilation entre Grecs et Macédoniens nous semble expliquer cette prise de position qui est loin de correspondre à la réalité sociale de la Macédoine. Ed. Will dira à ce propos qu’il s’agit de l’octroi de : « la liberté à un peuple qui n’en avait ni la tradition, ni le goût » (p. 237). C’est aussi une conséquence de la conception romaine de la liberté – Libertas – qui nécessite la disparition de la monarchie. Rappelons que Rome chassa les rois étrusques et que Flamininus déclare, en 196 av. J-C, la liberté des cités grecques face au roi macédonien Philippe V. Tite-live dit à ce propos : « ainsi il apparaîtrait à toutes les nations que les armes du peuple romain apportaient non pas la servitude des hommes libres, mais au contraire la liberté à des hommes vivant en servitude [2]». Ainsi, Rome évacue rapidement ses troupes, et laisse les Macédoniens « libres », pour peu que leur politique extérieure soit en accord avec celle dictée par le Sénat romain. Un état de semi-liberté en somme. Sur le plan économique d’autres mesures vont intervenir. L’exploitation du sel, des mines d’or et d'argent fut proscrite tandis que « l’extraction du fer et du cuivre était autorisée [3]». Le commerce du bois, notamment pour la fabrication de navires est également interdite – peut-être pour confiner les Macédoniens aux limites de leurs territoires, en réduisant les possibilités commerciales que l’accès à l’Egée leur offrait. A cela s’ajoute le paiement d’un tribut, ce qui du point de vue romain n’est pas un antagonisme à la liberté proclamée. Plus clairement, l’exemption de tribut n’est en rien une condition, ni même une conséquence, de la libertas, bien que la Macédoine soit le premier exemple d’une telle pratique. Badian explique cette décision par le réalisme politique des Romains qui ne souhaitent pas remettre en cause les habitudes macédoniennes – habitués à payer un impôt. Nous restons mesurés quant à cette interprétation qui semble entrer en contradiction avec l’attitude du sénat romain à l’égard de la royauté, et du peu de compréhension de la société macédonienne qui en est la cause. Si les Romains font preuve de mesure, en réduisant de moitié le tribut en comparaison de l’impôt royal sous Persée[4], il faut également voir qu’il s’agit du double des annuités exigées par Philippe en 196 av. J-C. Auquel s’ajoutent les impôts que doivent collecter les Macédoniens pour la gestion des affaires courantes, sachant que les Romains ont pris soin de vider les trésor royaux, laissant la Macédoine exsangue. Il s’agit d’un traitement particulier à l’égard d’un ennemi qui peut être comparé à la menace que représenta Carthage durant les guerres puniques. En effet, les mesures imposées par Rome n’ont d’autre but que d’empêcher tout relèvement ultérieur de la Macédoine, comme ce put être le cas après Cynocéphales. Les trésors royaux, la classe dirigeante, tout fut envoyé à Rome. L’ancienne colonne vertébrale de la Macédoine est remplacée par une organisation romaine. Les proches du roi également furent envoyés à Rome pour défiler durant le triomphe de Paul-Émile. Plutarque rapporte dans la vie de Paul-Émile que ces intimes « Les Macédoniens passent pour être toujours attachés à leurs Rois ; mais alors, comme si, la pièce maîtresse brisée, tout se fût effondré en même temps, ils se soumirent à Paul-Émile, qu’ils rendirent, en deux jours, maître de la Macédoine entière[5]». La place fondamentale de cette royauté nationale au sein de la société macédonienne apparaît clairement. Toutefois, la mesure qui eut le plus d’impact fut la décision du Sénat de diviser la Macédoine en quatre districts. Ces districts, ou mérides[6] sont distincts car ne pouvant pas commercer ensemble. Les restrictions vont jusqu’à interdire les mariages entre deux circonscriptions ; sûrement avec pour objectif d’éviter la reformation au sein de ce qui fut l’aristocratie macédonienne d’un contre-pouvoir efficace à Rome, voire le rétablissement d’une monarchie qui rendrait son unité à la Macédoine. Il nous semble important de souligner que l’existence de tels districts sous le règne de la royauté Antigonide n’est en rien attestée de manière certaine, et interroge aujourd’hui encore l’historien[7]. Une fois encore, les informations les plus précises quant au découpage opérés par Rome nous proviennent de Tite-Live, et dans une moindre mesure de Diodore de Sicile. Le premier district englobe les territoires entre le Strymon et le Nestos, ainsi que la Bisaltique et la ville d’Héraclée avec pour capitale Amphiopolis. Le second district comprend les territoires à l’est du Strymon (Bisaltique et Héraclée mis à part) avec la Péonie orientale, c’est la ville de Thessalonique qui tient lieu de capitale. Le troisième district inclut l’espace compris entre « l’Axios à l’est, le Pénée à l’Ouest et le mont Bora au nord »[8] et a Pella pour capitale. Le quatrième district touche l’Illyrie et l’Epire[9] et c’est la Pélagonie qui est choisie comme capitale. Ce découpage qui reprend, comme le montre bien Tite-Live[10], la cartographie ethnique du territoire macédonien, pose néanmoins une interrogation relative au morcellement de la Péonie entre le second et le troisième districts – qui in fine subit le même sort que la Macédoine. Ce morcellement est le résultat du réalisme politique romain qui vise l’affaiblissement du plus influent groupe ethno-politique de la Macédoine pour annihiler toute velléité d’autonomie ou de réunification. Si la division par Rome de la Macédoine en districts autonomes ne prête plus au débat, il faut se garder de faire de ces districts des entités autonomes. La volonté affichée de Rome d’anéantir la royauté et d’empêcher tout redressement de la puissance économique et militaire n’est pas contraire à une organisation qui se fonde sur les communautés autonomes, auxquelles se superposent un synédrion – conseil - qui fait le lien entre cette Macédoine libre et Rome[11].



  • 2.      La réaction macédonienne


Ce système perdura jusqu’en 149 av. J-C, date à laquelle Rome dut intervenir une fois encore en Macédoine. La disparition de la royauté nationale fut une atteinte à l’identité macédonienne – nous avons plus haut défini ce qui semblait en être la justification romaine – et ne fut jamais réellement acceptée. Si Tite-live[12] s’évertue à démontrer aux Macédoniens eux-mêmes que leur état fut propice au morcellement en leur prouvant que chaque district put être autonome, le démembrement de la Macédoine fut ressenti avec une égale douleur. D’autant que les intérêts économiques furent durement attaqués, nous l’avons vu. On peut se demander dans quelle mesure la réouverture des mines d’argent et d’or en 154 av. J-C fut un moteur de prospérité en dehors de la première méride où se trouvent les mines du Pangée. Le soutien à Rome de la nouvelle classe dirigeante, installée après la déportation consécutive à la défaite de Pydna, n’empêche pas cette même classe de jouer d’intrigues et de rivalités dont Polybe se fait le rapporteur discret[13]. C’est dans ce climat d’instabilité latente, de mécontentement endormi, que la remise en cause de l’organisation élaborée en 167 av. J-C intervient par l’entremise du pseudo-Philippe. En 149 av. J-C, une première tentative de révolte voit le jour sous la houlette d’Andriscos qui se présente comme le fils de Persée[14]–Philippe mort à l’âge de 18 ans. Sa première tentative est un échec retentissant, notamment après que Démétrios 1er Sôter - chez qui il s’était réfugié, a dénoncé l’usurpateur auprès des autorités romaines. C’est leur négligence face à un personnage qui apparaît inoffensif qui va permettre au pseudo-Philippe de récidiver un an plus tard. Il trouva de solides appuis en Thrace et même en Macédoine auprès de deux princes : Tere et Barsade. Le Pseudo-Philippe va pouvoir se faire proclamer roi de Macédoine et réveiller l’esprit d’unité, la volonté d’autonomie du peuple macédonien. Après une série de victoires, en Thessalie face à Scipion Nascia puis face à une légion romaine, aussi surprenantes qu’utiles à la légitimation de son autorité, des liens diplomatiques seront entretenus avec Carthage. En conséquence, Rome décide de réagir plus énergiquement : Quintus Caecilius Metellus est envoyé avec une armée plus importante. C’est lors de la seconde bataille de Pydna que Metellus vainquit son adversaire. Ce fut l’ultime soubresaut d’indépendance provenant de la Macédoine. Loin d’être anecdotique, c’est l’occasion pour Rome de prendre conscience des faiblesses du système hérité de la précédente victoire de Pydna. Il n’est pas anodin que la Thrace se soit montrée si conciliante, comme les défaites romaines ne sont pas sans démontrer quelques méconnaissances de la vitalité macédonienne. De même que les larges soutiens populaires dont a pu bénéficié l’entreprise de restauration monarchique est une preuve nette de l’échec de la politique d’intégration mise en place par Rome[15]. Si les soutiens romains restèrent fidèles, les défaillances du statut de 167 empêchent Rome de le reconduire.



  • 3.      La provincialisation


Paul-Émile avait pris soin de mettre en garde les Macédoniens en leur rappelant que la liberté fut généreusement offerte par Rome, « et de veiller à la persévération par l’obéissance aux lois par la concorde[16] ». Avertissement vain face à un peuple qui ne fut que trop peu habitué à ce régime pour ne pas se révolter. Si nos sources n’attestent pas de la transformation de la Macédoine en province, il semble logique de trouver une Rome déterminée à raffermir son autorité, en occultant toute apparence de liberté, comme ce put être le cas dans l’organisation de 167. A partir de 148 l’ensemble de la bureaucratie nécessaire à la gestion de la province est mandatée en Macédoine : gouverneurs, troupes et bureaux resteront présents, ce qui fait de la Macédoine la première province balkanique. Elle servira de base d’opération contre les barbares, donnant au pays l’apparence « d’un pays en état d’occupation étrangère[17] ». La prise en main nette du gouvernement par Rome va permettre de remettre en cause la pérennité du synédrion. En effet, l’intermédiaire qu’il était devient obsolète puisque les agents du pouvoir romain vont exercer les charges de liaison qui lui incombent, la collecte des impôts notamment. Quant aux mérides, là aussi nous pouvons nous interroger sur le rôle administratif qu’ils occupaient. D’autant qu’ils ne concernent qu’une petite partie de ce que deviendra la province de Macédoine puisque sous la République toute nouvelle conquête se voit rattacher à la province macédonienne sans être considéré comme territoire macédonien[18]. Ainsi la Grèce se vit rattachée au proconsul de Macédoine dès 146. « La Macédoine proprement dite embrassait la moitié seulement de cette province, la partie la plus grande, la plus importante et la plus riche, toujours bien distincte du reste de la province »[19]. Lorsqu’en 148 la Macédoine vit son statut devenir celui de province romaine, les frontières restèrent selon toute vraisemblance les mêmes que celles de 168. Pourtant, l’impact sur l’urbanisme et l’organisation du territoire fut certain. L’élément le plus révélateur de ces modifications est indubitablement la création de la via Egnatia[20]qui traverse les Balkans d’Ouest en Est. La construction de routes, facilitant les déplacements de troupes, les transferts de trésor, est un fait typique de l’organisation romaine. On observe que le tracé passe par l’ensemble des capitales des différents districts. Outre une amélioration des communications et de l’efficacité d’intervention des légions romaines, la via Egnatia va permettre une densification du commerce. En effet, le long de son parcours, de Dyrrachium et Apollonia jusqu’à Byzance, se développent des places commerciales qui contribuent naturellement à la circulation des marchandises mais aussi – et fondamentale – à la pénétration progressive et pacifique de négociants romains qui s’y installent. La provincialisation de la Macédoine va être la solution à l’intégration de cet immense territoire dans l’empire romain.




________________________________________
[1] Tite-Live, XLV, 29, 4

[2] Tite-Live, XLV, 18, 1

[3] Tite-live, XLV, 29, 1

[4] Impôts justifiés par l’effort de guerre

[5] Plutarque, Vie de Paul-Émile, XXIII,

[6] Selon certains historiens les mérides seraient calquées sur un découpage en circonscription existant déjà sous les Antigonides : « Les districts de l’époque royale : Haute-Macédoine, Botie, Amphaxie, vallée du Strymon (…) ils avaient pratiquement la même étendue que les régimes dont on attribuait la paternité à Paul-Émile », M.B.Hatzopoulos, « l’État macédonien antique : un nouveau visage », dans une note de P.O.Juhel, « Un fantôme de l’histoire hellénistique : le ‘district’ macédonien ».

[7] En effet, les sources dont on s’attendrait qu’elles apportent des informations fiables sur l’existence de districts sous la royauté ne permettent pas de se positionner clairement. Ainsi, le recrutement semble s’effectuer sur une base ethnique et l’armée s’organiser en fonction de l’origine géographique. Le décret de recrutement de Philippe V, rapporté par Tite-live, atteste du caractère local du recrutement qui s’opère dans le cadre de la cité. Le matériel monétaire est lui aussi sujet à caution du fait de ses limites géographiques et temporelle : aux Bottéates et aux Amphaxitidiens, sous le règne de Persée uniquement.

[8] « Les villes de Macédoine à l’époque romaine », p.68, F.Papazoglou

[9] Cf. annexe cartographique 3.1)

[10] « La première circonscription est habité des Bisaltes », Tite-Live

[11] Cette interprétation s’inspire grandement de la thèse de M. Feyel – reprise par F. Papazoglou dans « les villes de Macédoine à l’époque romaine » p.56. Il s’appuie notamment sur les émissions de monnaies frappé entre 168-167 et qui portent la mention « ΜΑΚΕΔΟΝΩΝ », monnaie des macédoniens. Bon nombre d’historien, Cl. Nicolet par exemple, se refuse à cette solution. Elle nous semble la plus probable dans la mesure où aucune autre instance ne semble chargé d’appliquer les règles imposées par Rome.

[12] Tite-live, XLV, 29-30

[13] Cl.Nicolet, « Rome et la conquête du monde méditerranéen », Tome 2, p.760, (2004)

[14] Il semblerait que les deux hommes furent réellement ressemblants

[15] Il nous semble peu probable que la personne du Pseudo-Philippe ait permit de fédéré à ce point. L’attachement au système monarchique, qui fit partie de l’identité macédonienne nous semble davantage expliqué l’attrait dont cette tentative de restauration bénéficia.

[16] F.Papazoglou, « Les villes de Macédoine à l’époque romaine », p.64

[17] F.Papazoglou, « Les villes de Macédoine à l’époque romaine », p.64

[18] Un traitement similaire s’observer avec la province d’Asie. On peut supposer que la force des choses ayant contraint Rome à s’installer durablement dans ces régions, l’absence de vision politique à long terme explique cette attitude.

[19] F.Papazoglou, « Les villes de Macédoine à l’époque romaine », p.73

[20] Cf. Annexe cartographique 3.2

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La conclusion de l'ensemble, qui reprend les principaux points des parties précédentes. Je la sépare du reste du fait de son caractère plus général, ainsi que par souci d'une lecture plus agréable.  

Conclusion 

La Macédoine hellénistique fut un territoire riche. Ses mines ainsi que son bois, longtemps propriétés exclusives des rois – trop conscients de l’importance de telles ressources – furent à l’origine de l’influence macédonienne. De l’exploitation de ces ressources, dont il est fait commerce notamment vers les poleis grecques – la thalassocratie athénienne ne pouvant se construire sans le bois macédonien – le roi tire une rente considérable qu’un pouvoir sans partage ne fait que renforcer. En effet, l’opposition entre le modèle de la poleis au sud – incorporée à la Macédoine grâce à la conquête de la Chalcidique – et les ethné du nord, n’est en rien une remise en cause de l’autorité royale. S’il laisse une relative liberté – forme de la constitution, institutions locales – le roi incarne l’unité de la Macédoine. Il en est la clef de voûte, le facteur d’unité dans lequel les Macédoniens reconnaissent leur identité commune. C’est de cette autorité dont vont user les souverains successifs pour urbaniser la Macédoine. Ainsi, la fondation de nombreuses cités n’est pas le fait d’évolutions socio-économiques mais due à une volonté royale qui répond parfois à des impératifs stratégiques, qu’ils soient militaires ou commerciaux. La période qui va de 229 à 168 apparaît comme une période de profondes mutations, tant sur le plan institutionnel que militaire. Sous Dosôn, l’apparition du mercenariat atteste de l’importance décroissante de la Macédoine au sein du royaume Antigonide. L’ouverture de nouveaux ateliers de frappe de monnaie, en dehors de la Macédoine, va d’ailleurs soutenir cette hypothèse. La reprise en main du royaume qu’effectue Dosôn touche aussi l’organisation administrative de la Macédoine. Peut-être fut-il l’instigateur d’une organisation en districts, en tout état de cause, il est indéniable qu’émerge sous Dosön une véritable administration dont les relations avec les magistrats locaux sont parfois floues. Philippe V hérite donc d’un royaume ré-organisé qui va lui permettre d’envisager de s’opposer à Rome. Toutefois, la défaite de Cynocéphales marque le passage de témoin entre la phalange macédonienne et la légion romaine. En effet, l’armée macédonienne semble ne plus être adaptée aux tactiques modernes, sa lenteur de manœuvre devenant trop handicapante. Cette défaite eut en outre pour conséquence de faire coïncider le royaume Antigonide et la Macédoine. Les possessions extérieures – la Thessalie notamment – durent être abandonnées. Conscient de la situation de son état, Philippe V va entreprendre une énergique politique de remise sur pied. Il entend rendre l’exploitation des mines plus efficace, et permettre une hausse de la création monétaire, en vue de doter la Macédoine de solides réserves financières. Ce sursaut permit à Persée d’hériter d’une Macédoine prospère et influente à nouveau. Néanmoins, la défaite de Pydna marque le déclin irrémédiable de la Macédoine. La révolte d’Andriscos ne fait qu’attester de la perte de vitalité macédonienne, exsangue, après tant de réveils et de guerres. Du partage en districts, à la provincialisation, d’une semi-liberté à une soumission patentée, la Macédoine ne put se relever une fois de plus.

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Une petite carte à toute fin utile.

Rome et la conquête de la Macédoine  Map_Macedonia_200_BC-fr

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Je manque à tous mes devoirs. En complément de la carte de situation géopolitique d'Euterpe, j'ajoute cette carte. 
La carte proposée trace les quatre mérides romaines, ainsi que la via egnatia. De surcroît elle permet de situer la Macédoine et ce qui faisait partie du domaine royal antigonide (Thessalie, Thrace, Illyrie). 

Rome et la conquête de la Macédoine  Via_eg10

Les tenants de la thèse de l’existence d'un partage pré-romain ont tendance à ne pas inclure la Péonie dans ce premier partage. C'est ce qui m'a fait m'écarter de cette thèse, puisque Rome inclut la Péonie et va jusqu'à imposer un traitement particulier, preuve de l'intégration de cette région dans les dynamiques politiques macédoniennes.

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Kvothe a écrit:
En effet, les mesures imposées par Rome n’ont d’autre but que d’empêcher tout relèvement ultérieur de la Macédoine, comme ce put être le cas après Cynocéphales. Les trésors royaux, la classe dirigeante, tout fut envoyé à Rome. L’ancienne colonne vertébrale de la Macédoine est remplacée par une organisation romaine. Les proches du roi également furent envoyés à Rome pour défiler durant le triomphe de Paul-Émile. Plutarque rapporte dans la vie de Paul-Émile que ces intimes « Les Macédoniens passent pour être toujours attachés à leurs Rois ; mais alors, comme si, la pièce maîtresse brisée, tout se fût effondré en même temps, ils se soumirent à Paul-Émile, qu’ils rendirent, en deux jours, maître de la Macédoine entière[5]». La place fondamentale de cette royauté nationale au sein de la société macédonienne apparaît clairement. Toutefois, la mesure qui eut le plus d’impact fut la décision du Sénat de diviser la Macédoine en quatre districts. Ces districts, ou mérides[6] sont distincts car ne pouvant pas commercer ensemble. Les restrictions vont jusqu’à interdire les mariages entre deux circonscriptions ; sûrement avec pour objectif d’éviter la reformation au sein de ce qui fut l’aristocratie macédonienne d’un contre-pouvoir efficace à Rome, voire le rétablissement d’une monarchie qui rendrait son unité à la Macédoine.

La déportation de l'aristocratie macédonienne ne me paraît pas représenter une atteinte à l'unité macédonienne, encore moins à son "identité". Cette unité n'était plus que fantasmée ; importante symboliquement, politiquement, historiquement, mais sans substance aucune, pas seulement au moment de la mort d'Alexandre, mais en raison aussi de la médiocrité de la dynastie antigonide, comparée à celle des Lagides, par exemple.

Kvothe a écrit:
La disparition de la royauté nationale fut une atteinte à l’identité macédonienne – nous avons plus haut défini ce qui semblait en être la justification romaine – et ne fut jamais réellement acceptée. Si Tite-live[12] s’évertue à démontrer aux Macédoniens eux-mêmes que leur état fut propice au morcellement en leur prouvant que chaque district put être autonome, le démembrement de la Macédoine fut ressenti avec une égale douleur. [...]. Le Pseudo-Philippe va pouvoir se faire proclamer roi de Macédoine et réveiller l’esprit d’unité, la volonté d’autonomie du peuple macédonien.

Je crois que le problème posé par les Romains est d'avoir substitué une administration politiquement incompatible avec celle des cités macédoniennes, dont l'autonomie est avérée. La centralisation à la romaine, quoique très souple, ne convenait pas au fédéralisme décentralisé auquel les Macédoniens étaient habitués.

Kvothe a écrit:
le roi tire une rente considérable qu’un pouvoir sans partage ne fait que renforcer. En effet, l’opposition entre le modèle de la poleis au sud – incorporée à la Macédoine grâce à la conquête de la Chalcidique – et les ethné du nord, n’est en rien une remise en cause de l’autorité royale. S’il laisse une relative liberté – forme de la constitution, institutions locales – le roi incarne l’unité de la Macédoine. Il en est la clef de voûte, le facteur d’unité dans lequel les Macédoniens reconnaissent leur identité commune.

Le monarchisme à la macédonienne n'était pas vraiment autoritaire, d'abord parce que l'évergétisme hellénistique est une obligation, ensuite parce que le pouvoir des antigonides reposait beaucoup sur leur capacité à se montrer bienveillants avec les ligues grecques, dont la vitalité ne s'est jamais démentie.

Enfin, les districts macédoniens furent inspirés aux Romains, j'imagine, et en partie au moins, et comme ils avaient coutume de le faire partout dans l'empire, par le décret de Morrylos et la loi gymnasiarchique de Béroia (cf. les travaux d'Hatzopoulos).
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