Dans ce passage des Conjectures et Réfutations, Karl R. Popper dit qu'on reconnaît si une théorie est scientifique grâce au critère de la falsifiabilité. Quelqu'un peut-il m'aider à le comprendre ?
Un système doit être tenu pour scientifique seulement s'il formule des assertions pouvant entrer en conflit avec certaines observations. Les tentatives pour provoquer des conflits de ce type, c'est-à-dire pour réfuter ce système permettent en fait de le tester. Pouvoir être testé, c'est pouvoir être réfuté, et cette propriété peut donc servir, de la même manière, de critère de démarcation. Cette conception voit dans la démarche critique la caractéristique essentielle de la science. Le savant doit donc étudier les théories sous l'angle de leur aptitude à être examinées de manière critique […]. La théorie de Newton, par exemple, prédisait certains écarts par rapport aux lois de Kepler (en raison des interactions entre planètes), alors que ceux-ci n'avaient pas été observés. Elle s'exposait en conséquence à des tentatives de réfutation dont l'échec allait signifier le succès de cette théorie. La théorie einsteinienne a été testée de manière analogue. Et de fait, tous les tests effectifs constituent des tentatives de réfutation. Ce n'est que lorsqu'une théorie est parvenue à supporter les contraintes de ce genre d'efforts qu'on pourra affirmer qu'elle se trouve confirmée ou corroborée par l'expérience. Il existe en outre (comme je m’en suis avisé par la suite) divers degrés d’assujettissement aux tests : certaines théories s’exposent avec plus d’intrépidité que d’autres aux éventuelles réfutations. […] Une théorie plus précise et qui se prête plus aisément à être réfutée est aussi celle qui est la plus intéressante. Et comme elle est la plus audacieuse, elle est également la moins probable. Or, elle se prête mieux aux tests, parce que nous pouvons la soumettre à des tests plus précis et plus rigoureux. Et si elle se révèle résister à ces tests, elle sera mieux confirmée ou mieux attestée par ceux-ci. L’aptitude à être confirmé (attesté ou corroboré) croît donc nécessairement avec l’assujettissement aux tests. Ces considérations indiquent que le critère de démarcation ne saurait être parfaitement tranché et qu’il admettra différents degrés. Parmi ces théories, certaines pourront être très bien testées, d’autres se prêteront très difficilement à être testées, d’autres encore seront impossibles à tester. Les dernières n’intéressent pas les chercheurs en sciences empiriques.