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D'une prétendue orthodoxie nietzschéenne.

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4 participants

descriptionD'une prétendue orthodoxie nietzschéenne. EmptyD'une prétendue orthodoxie nietzschéenne.

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aristippe de cyrène a écrit:
Quoi qui l'en soit, ce qui est certain, c'est que peu de monde parvient à comprendre Nietzsche, même ceux qui se déclarent Nietzschéens
Absolument d'accord. C'est une constatation inévitable et qui se répète sans cesse. C'est épuisant. A croire qu'aucune discussion raisonnable à propos de Nietzsche n'est possible. Je me souviens en avoir discuté avec Liber, en privé, il y a des siècles de cela. Je lui disais en substance que Nietzsche ne me paraît pas pouvoir faire l'objet d'autre chose que d'une lecture pour ainsi dire privée, in petto (c'est la même chose avec Bonnefoy et Shakespeare, quoiqu'avec eux, les discussions ne soient pas violentes). Chercher la vérité est une entreprise solitaire, qu'on le veuille ou pas, que ça fasse mal ou pas. Je regrette que Nietzsche soit le Platon ou le dogme de milliers de personnes qui, n'ayant lu que lui ou presque, sans préparation aucune, se convertissent bientôt en sectateurs, s'appropriant Nietzsche sans même s'en apercevoir, ne saisissant pas la différence entre ce qu'il éveille chez eux et à quoi il donne un écho suréloquent et sentencieux, et ce qu'il dit lui-même, en tant qu'il est, qu'il reste et doit rester l'auteur de son œuvre. Aucun doute qu'il mépriserait ses suiveurs fanatiques, s'il existait encore.

Pour ma part, j'aime discuter de lui avec Liber, parce qu'il en a une lecture à la fois éclairée et personnelle, qui n'est qu'à lui et qui n'a rien des élucubrations toujours renaissantes, toujours exaspérantes, qu'on publie sans cesse à son propos alors que l'essentiel de ce qui pouvait en être dit a été dit.

Alors, oui, autant les anti-nietzschéens primaires sont d'une sottise incorrigible, autant les nietzschéens ne sont pas fréquentables à force de prétendre, implicitement ou explicitement, consciemment ou pas, qu'il y aurait une orthodoxie nietzschéenne. D'une manière générale, quand je croise quelqu'un qui me dit qu'il est nietzschéen, je lui tourne le dos, ce n'est que prudence ; et tant pis s'il s'agit d'un génie ayant compris quelque chose que personne n'avait compris chez Nietzsche : ça se saura tôt ou tard.

Dernière édition par Euterpe le Jeu 20 Juil 2017 - 16:51, édité 5 fois

descriptionD'une prétendue orthodoxie nietzschéenne. EmptyRe: D'une prétendue orthodoxie nietzschéenne.

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Je regrette que Nietzsche soit le Platon ou le dogme de milliers de personnes qui, n'ayant lu que lui ou presque, sans préparation aucune, se convertissent bientôt en sectateurs, s'appropriant Nietzsche sans même s'en apercevoir
Commettant ainsi une double erreur : d'abord celle de faire de Nietzsche une idole, ce que même lui refuserait je pense. Ensuite celle de faire de lui un législateur de la vérité, quand lui la rejette.

Personnellement, quand je lis Nietzsche, je préfère le lire comme une sorte de philosophe-poète génial. Mais j'ai toujours une grande appréhension à le lire car j'ai l'impression de comprendre sans comprendre. Je ne sais pas sous quel angle lire ses phrases, que croire à son sujet, à sa philosophie. Bref, j'aurais toujours du mal à le citer dans une dissertation, de peur de dire une grosse bêtise.

Je ne désespère pas de le comprendre un jour, au moins en partie, mais le chemin sera ardu. Je pense qu'il me faudra premièrement me forger une "identité" philosophique afin de pouvoir le lire à travers le prisme de la philosophie, et deuxièmement le lire et le relire, pour m’immerger dans sa philosophie. Donc bon, en résumé, ce n'est pas pour tout de suite.

descriptionD'une prétendue orthodoxie nietzschéenne. EmptyRe: D'une prétendue orthodoxie nietzschéenne.

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Je souscris à vos propos, Euterpe. J'espère néanmoins que la critique ne s'adresse pas indirectement aux miens en tant qu'interlocuteur de Liber - avec qui j'ai toujours beaucoup appris, bien que je ne sois pas toujours d'accord avec sa lecture. Mais il faut dire, comme vous l'avez fait, qu'il est difficile de faire preuve d'objectivité avec Nietzsche. Je fais des efforts pour en rester à ce qui est communément partagé par les grands lecteurs et ce que l'on peut retrouver clairement dans les ouvrages de Nietzsche, toutefois il m'est difficile de ne pas embrayer sur une lecture personnelle. Je mets un point d'honneur à ne pas trahir Nietzsche, surtout en gardant à l'esprit que je ne suis plus ce lecteur adolescent porté par le souffle du prophétisme "nietzschéen" (terme qui n'a aucun sens) mais que je peux encore avoir la même prétention à proférer des certitudes qui ne serviraient en réalité qu'à me justifier, moi lecteur, au nom de l'auteur. Il y a un moment où la lecture devient sérieuse, c'est-à-dire non pas viscérale (quoique je ne cache pas le pathos qui m'anime), comme lorsque l'on croit trouver une vérité subversive (on se met d'un coup à cracher sur la religion sans rien en connaître), mais qui demande une minutie dans l'examen d'une pensée mobile et exigeante. Bref, c'est passer d'une lecture libertaire à une lecture responsable. Pour ma part, le déclic a eu lieu lorsque j'ai commencé à prendre Nietzsche sous l'angle de la grande politique et non plus seulement d'après celui de l'artiste ou du surhomme affranchi de la morale que chacun rêve d'incarner. Après je dois dire que je ne peux m'empêcher de rapprocher Nietzsche de Machiavel et de Pascal. Pour finir, je dirais que ce que j'apprécie dans la lecture que fait Liber c'est qu'il nous met face à un Nietzsche dépouillé de tout idéal. Ce serait comme un De l'amour appliqué au philosophe, nous savons repérer que nous le cristallisons, si je puis me permettre cette comparaison bancale. Sinon l'orthodoxie nietzschéenne je ne sais pas ce que c'est : peut-être la pop star Deleuze (que je ne classe pas dans la même catégorie que Foucault et Derrida) et ses fans ?

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Silentio a écrit:
Je souscris à vos propos, Euterpe. J'espère néanmoins que la critique ne s'adresse pas indirectement aux miens en tant qu'interlocuteur de Liber - avec qui j'ai toujours beaucoup appris, bien que je ne sois pas toujours d'accord avec sa lecture.
Non, je ne vous inclus pas l'ombre d'une seconde dans la critique que je faisais. Au moins pour cette raison que vous êtes toujours modéré. Comme vous, ma lecture de l'œuvre nietzschéenne diffère de celle qu'en fait Liber. Ainsi, nous sommes au moins trois, sur ce forum, qui peuvent en parler tout à la fois en nous objectant les uns aux autres ceci ou cela et en n'éprouvant pas le besoin de nous bagarrer. Encore une fois, ce sont les détenteurs de la vérité nietzschéenne, qui m'exaspèrent, et qui passent leur temps à dicter aux autres ce qu'il faut penser de Nietzsche. Je me souviens vous avoir dit une fois, il y a des siècles également, que je ne sais pas ce que peut bien vouloir dire "être nietzschéen". Je crois qu'il faut se contenter, pour qui aime l'œuvre et l'homme, d'aimer l'œuvre et l'homme, de comprendre et d'admettre que Nietzsche "individualiste" ne s'adresse qu'à des individus. A charge pour eux de dire ce qu'ils en comprennent, ce qui les anime, ce que ça leur fait de lire Nietzsche, de dire comment ils vivent avec lui. Quant à débattre de l'oiseuse question de savoir si Nietzsche est un salaud ou un sain, s'il est gentil ou méchant, s'il est insultant, s'il soulève la nausée, que sais-je ? ça ne regarde que ceux qui s'en plaignent et qui devraient se montrer pudiques au lieu de baver leur bile.

Silentio a écrit:
Il y a un moment où la lecture devient sérieuse, c'est-à-dire non pas viscérale (quoique je ne cache pas le pathos qui m'anime), comme lorsque l'on croit trouver une vérité subversive (on se met d'un coup à cracher sur la religion sans rien en connaître), mais qui demande une minutie dans l'examen d'une pensée mobile et exigeante. Bref, c'est passer d'une lecture libertaire à une lecture responsable.
Ce que vous dites est important. Il faut remettre à leur place ceux qui, pour ou contre Nietzsche, font comme si le lire n'était pas une entreprise sérieuse, et qui se gargarisent de cette impression, fausse le plus souvent, qu'il suffit de le lire pour le comprendre immédiatement. Comme si Nietzsche était dénué de cervelle et à la portée du moindre abruti qui croit qu'en arborant un t-shirt "no future" il se révolte authentiquement.

Silentio a écrit:
Pour finir, je dirais que ce que j'apprécie dans la lecture que fait Liber c'est qu'il nous met face à un Nietzsche dépouillé de tout idéal.
Il ne le juge pas. Ça contrarie toujours ceux qui sont du bon côté, les bien-pensants, les âmes pures qui récitent, en croyant que ça leur vient d'eux, le catéchisme du gentil. Ceux-là feraient mieux de s'atteler à une étude minutieuse du lit du nazisme dans les années 30. Que la bonne conscience est insupportable !


Dernière édition par Euterpe le Jeu 20 Juil 2017 - 15:00, édité 2 fois

descriptionD'une prétendue orthodoxie nietzschéenne. EmptyRe: D'une prétendue orthodoxie nietzschéenne.

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Silentio a écrit:
Je souscris à vos propos, Euterpe. J'espère néanmoins que la critique ne s'adresse pas indirectement aux miens en tant qu'interlocuteur de Liber - avec qui j'ai toujours beaucoup appris, bien que je ne sois pas toujours d'accord avec sa lecture.
Ma lecture est je l'espère aussi exacte que possible. J'essaie de rester le plus près que je le peux du Nietzsche tel que nous le connaissons par les écrits intimes et les détails biographiques, qui sont avant tout des détails intellectuels, cet homme ayant presque exclusivement vécu dans ses idées. Je pense que la plupart de ses thèses sont claires, ce qui engendre l'incompréhension est que nous voulons leur donner un but, un sens qu'elles n'ont pas.

Après je dois dire que je ne peux m'empêcher de rapprocher Nietzsche de Machiavel et de Pascal.
Ce que je ne ferai pas. En effet, je trouve Nietzsche beaucoup plus idéaliste, or ces deux-là avaient la tête bien froide. Nietzsche aime le roman (il se décrit lui-même comme une âme "pleine de roman"), il aime se mettre en scène, et son reproche d'histrionisme adressé à Wagner est valable aussi pour lui. A qui peut bien ressembler Nietzsche ? A Wagner sans doute, beaucoup plus qu'on ne le pense. Mais la personnalité de Nietzsche est essentiellement en négatif, il se définit par rapport aux autres bien plus qu'à lui-même, d'où son besoin de polémique. Son ami Overbeck disait de lui qu'il était un génie, certes, mais un génie critique, ce qui excluait la forte volonté qui fait les grands hommes. Ce genre là nous plaît aujourd'hui, nous aimons la faiblesse comme autrefois on aimait la force, et nous aimons plus que jamais la vie virtuelle, cette vie qui fut celle de Nietzsche, rêvant dans des chambres d'hôtel qu'il transformait le monde aussi bien que l'Empereur sur le champ de bataille, labourant de sa plume ses ennemis intellectuels là où les soldats de l'Empire labouraient les leurs avec un sabre. L'œuvre de Nietzsche ressemble à une vaste fresque, un roman dans le genre de Guerre et Paix, où toute l'histoire humaine, et non plus seulement une époque, est convoquée, mise en demeure de s'expliquer.
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