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descriptionLa φύσις. EmptyLa φύσις.

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Voici quelques textes sur la φύσις :

Martin Heidegger a écrit:
« À l’époque du premier et décisif déploiement de la philosophie occidentale chez les Grecs, par lequel le questionner sur l’étant comme tel en totalité prit son véritable départ, on nommait l’étant φύσις. Ce mot de base des Grecs pour l’étant, on a coutume de le traduire par « nature ». On utilise la traduction latine natura, ce qui signifie proprement « naître », « naissance ». Mais, par cette traduction latine, on s’est déjà détourné du contenu originaire du mot grec φύσις, l’authentique force d’appellation philosophique du mot grec est détruite. Cela ne vaut pas seulement pour la traduction latine de ce mot, mais pour toutes les autres traductions de la langue philosophique grecque en « romain ». Cette traduction du grec en romain n’est pas indifférente ni anodine, c’est au contraire la première étape d’un processus de fermeture et d’aliénation de ce qui constitue l’essence originaire de la philosophie grecque. La traduction (übersetzung) romaine fit ensuite autorité pour le christianisme et le Moyen-Âge chrétien. Celui-ci se trans-mit (setzte sich über) dans la philosophie moderne, qui se meut dans le monde de concepts du Moyen-Âge, et créé alors les idées et les notions courantes qu’on emploie aujourd’hui encore pour se rendre compréhensible le commencement de la philosophie occidentale. Ce commencement est considéré comme quelque chose que les gens d’aujourd’hui sont censés avoir dépasser et laisser depuis longtemps derrière eux.

Mais il s’agit maintenant pour nous de sauter par dessus ce processus de déformation et de dégradation, et de chercher à conquérir la force d’appellation intacte de la langue et des mots ; car les mots et la langue ne sont pas de petits sachets dans lesquels les choses seraient simplement enveloppées pour le trafic des paroles et des écrits. C’est seulement dans le mot, dans la langue, que les choses deviennent et sont. C’est pourquoi aussi le mauvais usage de la langue dans le simple bavardage, dans les slogans de la phraséologie, nous fait perdre la relation authentique aux choses. Or, que dit le mot φύσις ? Il dit ce qui s’épanouit de soi-même (par ex. l’épanouissement d’une rose), le fait de se déployer en s’ouvrant et, dans un tel déploiement, de faire son apparition, de se tenir dans cet apparaître et d’y demeurer, bref il dit la perdominance perdurant dans un s’épanouir (das aufgebend-verweilende Walten). Selon le dictionnaire, φύειν veut dire croître, faire croître. Mais que signifie croître ? Cela désigne-t-il seulement le fait de s’agrandir selon la quantité, de devenir plus, et plus grand ?

La φύσις conçue comme épanouissement (Aufgeben) peut être partout, par exemple dans les phénomènes célestes (lever (Aufgang) du soleil), dans la houle marine dans la croissance des plantes, dans la sortie de l’animal et de l’homme du ventre de leur mère. Mais φύσις, la perdominance de ce qui s’épanouit, ne signifie pas seulement ces phénomènes que nous attribuons aujourd’hui encore à la « nature ». Cet épanouissement, ce se tenir-en-soi-vers-le-dehors, cela ne peut être considéré comme un processus observé, parmi d’autres, dans l’étant. La φύσις est l’être même, grâce auquel seulement l’étant devient observable et reste observable.

Les Grecs n’ont pas commencé par apprendre des phénomènes naturels ce qu’est la φύσις, mais inversement : c’est sur la base d’une expérience fondamentale poétique et pensante (dichtend-denkend) de l’être, que s’est ouvert à eux ce qu’ils ont dû nommer φύσις. Ce n’est que sur la base de cette ouverture qu’ils purent être à même de comprendre la nature au sens restreint. Φύσις désigne donc originairement aussi bien le ciel que la terre, aussi bien la pierre que la plante, aussi bien l’animal que l’homme, et l’histoire humaine en tant qu’œuvre des hommes et des dieux, enfin, et en premier lieu, les dieux mêmes dans le pro-de-stin. Φύσις désigne la perdominance de ce qui s’épanouit, et le demeurer (Währen) perdominé (durchwaltet) par cette perdominance. Dans cette perdominance qui perdure dans l’épanouissement se trouvent inclus aussi bien le « devenir » que « l’être » au sens restreint de persistance immobile. Φύσις est la venue au jour, < la pro-sistance > (Ent-stehen), le fait de s’é-mettre (sich herausbringen) hors du latent (das Verborgene), et par là de porter celui-ci à stance (in den stand bringen).

Mais si, comme il arrive le plus souvent, on ne comprend pas φύσις dans le sens originaire de perdominance de ce qui s’épanouit et perdure, mais dans le sens ultérieur et actuel de nature, et si l’on pose en outre que la nature se manifeste fondamentalement par les mouvements des choses matérielles, des atomes, des électrons, c’est-à-dire par ce que la physique moderne soumet à ses investigations comme « physis », alors la philosophie originaire des Grecs devient une philosophie de la nature, une représentation de toutes choses, selon laquelle elles sont proprement de nature matérielle. Le commencement de la philosophie grecque fait alors – et c’est tout à fait conforme à l’idée que le sens commun se fait d’un commencement – l’impression de quelque chose de primitif, comme nous disons encore d’après le latin. Les Grecs deviennent ainsi en somme une espèce un peu améliorée de Hottentots, et par rapport à eux la science moderne est infiniment avancée. Abstraction faite de toutes les absurdités particulières qui se trouvent dans cette façon de concevoir l’origine de la philosophie occidentale comme quelque chose de « primitif », il faut remarquer que cette interprétation oublie qu’il s’agit de la philosophie, qui appartient aux rares grandes choses de l’homme. Or tout ce qui est grand ne peut commencer que grand. C’est même toujours son commencement qui est le plus grand. Ce qui commence petit, c’est seulement le petit, dont la grandeur douteuse consiste à tout rapetisser ; ce qui commence petit c’est la décadence, qui à son tour peut devenir grande au sens de la démesure de l’anéantissement total.

Ce qui est grand commence grand, ne se maintient dans sa persistance que par un libre retour de la grandeur, et, si c’est grand, finit aussi dans la grandeur. Il en est ainsi de la philosophie des Grecs. Elle a fini dans la grandeur avec Aristote. Seul le sens commun et l’homme médiocre s’imaginent que ce qui est grand devrait durer indéfiniment, et en outre identifie cette durée avec l’éternel. »

Martin Heidegger, « La question fondamentale de la métaphysique », in Introduction à la métaphysique, Tel Gallimard, pp. 25-28.

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Martin Heidegger a écrit:
« Faire la distinction entre ce qui d’avance se montre de soi-même et ce qui ne se montre pas ainsi, c’est un χρινειν (ndr : séparer, critiquer, faire le tri) au vrai sens grec, séparer ce qui, quant au rang, se tient plus haut, et cela, le maintenir contre l’inférieur. Par cette capacité « critique » de distinguer – capacité toujours décisive – l’homme est tiré hors du simple engourdissement dans ce qui le harcèle et le préoccupe, tiré et placé dans la relation à l’être ; il devient, au sens le plus réel, ex-sistant, il ex-siste, au lieu de simplement « vivre » et d’attraper au vol la « réalité », grâce à sa « proximité vitale » – alors que cette réalité n’est en fait rien de plus que le refuge pour ce qui depuis longtemps est fuite devant l’être. Qui n’est pas capable d’accomplir cette distinction vit, selon Aristote, comme l’aveugle-né qui s’efforcerait de se rendre accessible les couleurs par des ratiocinations sur les mots qu’il aurait entendus les nommer. Choisir ce chemin, c’est ne jamais pouvoir parvenir au but, car, à ce but, un seul chemin conduit, qui précisément est refusé à l’aveugle : « Voir ». Mais tout comme il y a des aveugles de la couleur, il y a des aveugles de la φύσις. Et si nous nous remémorons que la φύσις a été déterminée comme un mode de l’Οὐσία (ndr : de l’étance), alors les aveugles de la φύσις ne sont qu’un genre d’aveugles de l’être. Il faut croire que leur nombre non seulement est bien plus grand que celui des aveugles de la couleur, mais leur puissance aussi est plus forte et plus obstinée, d’autant plus qu’ils sont davantage cachés, et la plupart du temps non reconnus. En conséquence, les aveugles de l’être finissent même par passer pour les seuls authentiques voyants. Et pourtant il est manifeste que cette relation de l’homme à ce qui se montre par avance de soi-même tout en se retirant à toute entreprise de démonstration ne peut qu’être difficile à maintenir dans son originaire vérité. Sinon, Aristote déjà n’aurait pas eu à y ramener l’attention, en attaquant la cécité ontologique. Cette relation à l’être est difficile à garder parce qu’elle paraît nous être rendue facile par notre rapport courant à l’étant – si facile même qu’elle finit par sembler être remplacée rien que par ce rapport, et ne consister en rien de plus que dans ce rapport. »

Martin Heidegger, « Comment se détermine la φύσις », in Questions I & II, Tel Gallimard, pp. 521-522.

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Arnaud Villani a écrit:
Dans les premières décennies du vingtième siècle, malgré les remarquables efforts antérieurs de Schopenhauer et de Nietzsche, mais aussi de von Keyserling, David Herbert Lawrence ou de l’américain David Thoreau pour exprimer haut et fort la spécificité de la physis et en fournir le concept, et alors même que Heidegger y consacre de nombreuses études, l’histoire de la philosophie porte trace de la difficulté que cette notion a rencontrée avant d’acquérir droit de cité dans le champ philosophique. Sans aller jusqu’aux détails, on remarque que le sens originellement physique de la Nature est pour ainsi dire oublié dans le classique ouvrage de John Burnet (Early Greek Philosophy, trad. fr. Reymond, L’aurore de la philosophie grecque, Payot 1970 : il ne lui consacre qu’une demi-page), et que l’interprétation intuitive de Karl Joël, faisant, dans Der Ursprung der aturphilosophie aus dem Geiste der Mystik (Bâle 1903), une lecture mystique de la nature qui équivaut à l’affirmation de la physis, est durement critiquée par un historien aussi précis que Pierre-Maxime Schuhl (Essai sur la formation de la pensée grecque, Vrin 1948 p. 191).

Vieille tradition d’aveuglement à l’égard de ce qu’Aristote d’abord, puis la Renaissance et le Romantisme allemand avaient très clairement mis ou remis en lumière, à savoir le caractère naturant de la nature. Cet aspect éminemment actif de la nature est ce qu’on nommait en grec physis, transposé en latin dans la forme de futur de natura. Le radical indo-européen de physis est +bhew-, croître, que certains apparentent à +pha-, la lumière. Or la reconnaissance exacte de ce radical et de son sens précis est une clé indispensable pour penser comme il convient la spécificité philosophique des physikoi milésiens et de leurs successeurs.

Si tous les présocratiques ont intitulé leur œuvre, et Lucrèce bien après eux, De la nature (Peri physeôs, De natura rerum), ce n’est pas pour nous livrer leurs observations sur la nature entendue comme ensemble des étants spontanés et indépendants de l’activité humaine, mais pour examiner, avec leurs moyens, les principes de la puissance qui œuvre dans la nature. Ils recherchent d’abord l’action de la physis1, imperceptible parce qu’elle « aime à se cacher », mais partout sensible dans le résultat de cette action, la physis2. Il serait bien sûr ici très opportun de pouvoir dire physis et phyma, comme on dit poïesis et poïema, comme Spinoza disait naturant et naturé.

Cette simple distinction de suffixe (action / résultat de l’action) modifie en effet tout l’accent de philosophies longtemps restées obscures : Parménide n’est pas le premier logicien, ni même le premier ontologue, mais un théoricien de l’être présent et de la valeur de toutes choses en tant qu’elles se tiennent ; Héraclite ne met ni le flux ni la raison (logos) en première place, mais bien leur harmonie concertante et leur tension ; les sophistes sont les premiers penseurs à analyser le langage en situation et les conditions d’un consensus issu de la lutte, etc. Mon hypothèse est en effet que ces penseurs ont « imité la nature », au sens où ils ont non seulement mis en scène dans leurs œuvres la puissance naturante, mais ont travaillé leur texte et leur pensée jusqu’à ce que cette puissance y devienne affleurante, leur conférant une jeunesse définitive.

Cette distinction aurait en outre permis de rendre justice, le moment venu, à la véritable orientation du romantisme allemand, et au sens profond de son « imitation de la nature », comme imitation, non pas du résultat de la puissance, mais de la puissance elle-même comme procès de production. Tout change en effet, lorsque l’on découvre les tableaux du peintre romantique Caspar David Friedrich, ou les romans de Stifter et, dans un autre registre, les marines de Vernet, ou les œuvres d’Hokusai, si l’on prend conscience qu’ils donnent à voir une physis, autrement dit une nature qui ne se représente que difficilement, mais qui sait se présenter elle-même. On pourrait en dire autant des quelques poèmes conservés de la folie de Hölderlin, qu’il s’agisse de l’étonnant En bleu adorable…, ou de ses Saisons, où la sérénité et la simplicité de la forme laissent deviner clairement l’intention de Hölderlin : il n’imite ni ne représente la nature, mais c’est elle qui vient se montrer telle qu’elle est, dans cet excès de puissance que révèle le calme. Nul doute aussi que l’insistance avec laquelle Friedrich tourne les visages qu’il représente vers l’intérieur du tableau (le Voyageur regarde la mer de nuages, le Moine regarde la mer, le visage est là pour témoigner d’une puissance étrangère), et retourne ses tableaux vers le mur, signale le respect et le recueillement qu’exige la puissance naturelle. Seul ce respect recueilli peut nous faire coïncider de l’intérieur avec cette force, qu’il sait rendre presque tangible dans l’arbre de Paysage champêtre le matin.

Il y a donc toujours deux natures, l’externe et l’interne, celle que l’on représente et celle qui se présente en effets, le théâtre et l’usine, le portrait et la prosopopée. Les Grecs qui ont le mieux senti en eux et autour d’eux la puissance éternelle de la nature, les premiers Stoïciens, ont fait la différence entre l’eidos, la forme externe qui reproduit des types toujours semblables, et l’hexis, la forme interne, autant dire la « tenue » (echein = tenir), qui produit des individus toujours différents, soit la distinction des mathématiques et de la biologie. De la même façon, à partir des lettres de Descartes à Newcastle et à More, s’est établie en philosophie, de Cordemoy à Blumenbach et au-delà, une tradition de résistance à l’idée de réduire la nature à l’étendue et les animaux à des machines, en exploitant précisément les remarques de Descartes sur l’aspect créateur du langage. Il est vrai, cette tradition fera intervenir, sans doute maladroitement, ce qui a été assimilé à des « forces occultes », une vis formativa, une Bildungstrieb, une Urform, qui constituent précisément ce que Descartes voulait éradiquer.

Mais cette tradition a rendu des services. Elle sous-tend la conception essentielle de la souche unique du langage chez Humboldt, elle est requise, avec des retouches, dès que l’on veut analyser le processus de la création artistique (ainsi Ehrenzweig distinguera entre « scanning inconscient » et vision géométrique abstraite, prétendue naturelle), et elle se retrouvera finalement dans l’importante distinction de Chomsky entre structure profonde et structure de surface. On peut se reporter sur ce point à la Linguistique cartésienne de ce dernier auteur.

Bergson reprochait aux philosophes de s’en tenir aux concepts et à la découpe qu’ils pratiquent, pour le compte d’une intelligence fabricatrice et tournée vers les impératifs de la vie sociale, dans le mouvement vivant, le changement et la durée. Il demandait qu’on veuille bien revenir par intuition aux choses mêmes, qui ne se laissent jamais découper, mais persistent dans une continuité, dans une production de nouveauté, dans l’hétérogène. Le philosophe s’en tient trop au mécanique, au statique, au résultat figé. Certes, le rôle de l’intelligence paraît bien réduit dans cette philosophie (elle n’est pas, selon moi, la faculté des outils d’un homo faber, mais bien des machines, en un sens très large de traduction de transposition pour un homo substituens). Mais on ne peut que reprendre ces analyses, et constater qu’une occultation persistante du concept de physis dans la plupart des histoires de la philosophie et conséquemment dans les mentalités jusqu’au milieu du XXe siècle, illustre parfaitement le propos critique de Bergson, fait symptôme et mérite qu’on s’y attarde.

Que signifie occulter la physis ?

Si le problème ne concernait que les manuels ou l’histoire de la philosophie, on pourrait se contenter d’en prendre acte, en se félicitant du fait que la recherche contemporaine a pu corriger, sur ce point également, la tradition déficiente. Mais c’est toute l’histoire de la pensée, son évolution, et les conceptions essentielles de la science, de la technique et de l’homme, qui sont en jeu. Allons du plus simple au plus complexe.

On peut affirmer, sans grand risque de se tromper, que la philosophie scolaire du début de notre siècle ignorait en France à peu près tout de la pensée grecque. Si Brunschvicg n’hésitait pas à prétendre que, pour l’intelligence, Aristote était, comparé à nous, un enfant de sept ans, c’est qu’il ne le connaissait pas. Mais l’on faisait d’Héraclite un mobiliste, de Parménide un logicien, des Sophistes des bandits des grands chemins de la pensée. On n’avait aucune idée de ce que pouvait représenter l’intelligence rusée pour les Grecs, on ne connaissait pas la naissance de leur droit, on ne soupçonnait pas la profondeur de la pensée mythique, ni le modèle homérique du proto-politique, on ne pouvait même se douter de l’existence d’un monde irrationnel grec. Sur ces points, les chercheurs de l’EPHESS, à la suite de Gernet, ont fait des miracles.

Bref, en gros, on jugeait des Grecs, et notamment des Présocratiques, selon Platon. Les chapitres ridiculement insuffisants et erronés sur les Grecs de L’esquisse d’un tableau historique des progrès de l’esprit humain de Condorcet, sont pris pour argent comptant dans la scandaleuse Histoire de la philosophie de Bertrand Russell (parue pourtant dans la prestigieuse Bibliothèque de Philosophie des éditions Gallimard). Aucun effort n’y est fait pour comprendre la philosophie, sinon quand elle parle le langage des Mathématiques et de la Logique. Tout cela signale une ignorance profonde de la tradition et une incompréhension trahissant une forme de mépris. Il ne faut pas s’étonner dès lors si la tradition logiciste, après le caricatural Cercle de Vienne et à la suite de Wittgenstein, prendra, sous sa nouvelle forme « analytique », une allure agressive à l’égard de la philosophie classique. Elle l’accusera, comme le faisait déjà Condorcet pour les Grecs, de ne pas « savoir ce que parler veut dire », ou, ce qui revient au même, de ne savoir que parler.

Nietzsche avait pourtant été très loin dans la réhabilitation de l’intuition centrale des Grecs. C’est lui qui s’exclame dans le Gai savoir (§ 360) : « Vive la Physique ». Et il n’a pas de mots assez durs pour le positivisme, le scientisme et toutes les formes d’ignorance prétentieuse et satisfaite, où une conception triomphaliste et peu sensible à la nuance s’appuie sur les succès de la technique pour ne plus attribuer de rigueur qu’au discours scientifique. De même Heidegger, et il faut absolument le porter à son crédit, est le philosophe qui a le plus insisté sur la physis grecque et le plus attaqué les errements positivistes de la science et l’arrogance tranquille de la technique.

C’est que le concept de physis, à lui seul, s’il est correctement pensé, entraîne toute une réévaluation nécessaire du savoir grec et une remise en cause de la pensée occidentale tout entière. Il risque de placer la philosophie des origines, non pas à la traîne de la pensée, bien loin et en dessous de notre modernité, mais bien devant nous, dans une sagesse (le mot lui-même a été mal compris), disons dans une pensée « inséparée » et symbolique qui nous dépasse et nous attend au mieux, c’est du moins ce que l’on peut espérer, dans le courant du XXIe. Il faudra aussi un jour faire le compte des dégâts que la pensée rationaliste, nécessaire à l’avancée de la science, mais peu scrupuleuse quant à ses conséquences sur d’autres formes de pensée tout à fait respectables, a pu nous coûter et continuera de nous coûter, accumulant sur l’environnement des dettes que nous avons déjà du mal à affronter.

En effet, si la physis signifie d’abord la puissance originante de la nature, occulter la physis signifie retirer a priori à la nature toute spontanéité, tout pouvoir de résistance, tout droit à la parole. Elle devient alors la « mineure » au sens de Kant, ou ce que les Grecs nomment nêpios, l’enfant, celui qui n’a pas voix au chapitre et ne peut intervenir dans un débat, au besoin en haussant le ton. Kant lui-même n’a pas craint (rééditant le « roseau pensant ») dans ses paragraphes sur le sublime dynamique de la Critique de la Faculté de juger, de nier finalement le sublime de la nature sauvage, en son emportement, au prix du sublime de l’éthique humaine. Qui veut noyer son chien l’accuse de la rage, qui veut exploiter la nature la considère comme un esclave soumis. Et rien ne le permet autant que la méthode lucrétienne : rien dans la nature n’est divin. Tout y est entièrement déterminé, intégralement prévisible, mécanique. Cessons de voir la nature comme une déesse, cela nous gâte l’esprit en l’assaillant de scrupules (religieux). Cessons d’y voir la main des dieux. Descartes ne dira rien d’autre, dans son traité du Monde.

Le recours aux dieux, ou à Dieu, n’était en somme qu’une métaphore, comme on fait peur à un enfant pour le protéger. Longtemps les cause-finaliers ont lutté pied à pied contre les mécanistes. Mais, même s’il est possible de conserver un comme si de finalité dans le concept de téléonomie, nous savons maintenant que la finalité de la nature a vécu. Pour autant, et tout le problème est là, cela ne signifie pas que la nature soit à notre disposition, prête pour l’impatience de notre « souci », docile devant notre besoin d’ « étants disponibles » (la Vorhandenheit de Heidegger) et « maniables » (la Zuhandenheit), accueillante à notre « dispositif » d’exploitation outrancière (le Gestell). Sans la spontanéité originelle de la nature, sans la capacité de s’auto-organiser, de se réparer, d’inventer, on sait de mieux en mieux comment, mille biais et de privilégier mille nouveautés pour surmonter les difficultés, tout notre bel édifice de savoir, de technique et de science ne serait guère, comme le décrit Nietzsche, qu’un château de fils d’araignée qu’emporte le courant. Quoi qu’on fasse et qu’on dise, l’esprit ne pourra rien si la terre se met à dévier de ses rotations. La terre et la nature, l’univers entier auront toujours ceci de transcendantal (et pas seulement comme conditions de possibilité d’une connaissance, mais bien d’une existence) qu’il faut les supposer sous nos pieds et nous enveloppant avant la moindre possibilité de conscience et la moindre réflexion.

Signe, allégorie et symbole de la nature

Oublier les aphorismes du romantisme allemand en faveur de la nature, poursuivre une course effrénée en faveur de la science, puis de la technique, puis de l’économie, en différant toujours le moment de tout sacrifier pour retrouver et préserver les équilibres vitaux, c’est faire comme si la nature n’était pas notre dernier recours, et pouvait, d’une manière ou d’une autre, par la seule force de la pensée, se remplacer. C’est pourquoi je ne suis pas sûr qu’en philosophie, les oublis de la physis ou la lutte féroce contre les idées de création, de sainteté, de caractère sacré, d’humilité et de pauvreté, de remerciement, de prière, d’asile inviolable, de respect, de pudeur (même s’il est clair que ces idées aussi ont leur part de négatif), soient si naïfs et innocents. Je les crois plutôt sciemment (bien qu’inconsciemment) dirigés en faveur des intérêts économiques et par conséquent techno-scientifiques. La tentation de l’homme neuronal, de l’intelligence intégralement artificielle, pourrait n’être que la forme contemporaine de ce que Weber avait déjà génialement repéré dans l’origine luthérienne (la traduction de Beruf par Arbeit) du capitalisme.

Je crois de plus en plus que l’histoire de la philosophie, peut-être l’histoire de la pensée, est régie par ce grand débat qui gouverne, sans même peut-être que nous le sachions, nos réactions épistémologiques et politiques. La nature est-elle « divine » (au sens de la question : y a-t-il de l’ « intouchable » dans le monde ?) ou se contente-t-elle de servir un anthropocentrisme invétéré que les critiques de Spinoza n’ont pas pu atténuer ? La « Gnose de Princeton » ne signifiait pas, chez de grands chercheurs scientifiques, une sorte d’allégeance infantile et tardive à la religion, mais la découverte, de l’intérieur même de la science, que la nature dépasse tout ce qu’on peut en dire et en imiter. Et qu’en conséquence, il est « sage » de lui laisser un quant-à-soi, une « personnalité » qui certes n’a rien d’humain, donc impensable pour nous, mais qui nous a créés et qui pourrait bien, si nous l’agressons trop, reprendre son bien.

Il est possible de résumer ces idées en appliquant à la nature une distinction bien connue entre signe, allégorie et symbole. C’est le rapport nature/machine qui constituera le signe, où la machine est le signifiant et la nature le signifié. L’un et l’autre sont réputés « présentables » ou représentables, et il n’y a pas dans la relation de perte significative de substance qui puisse empêcher la machine de valoir pour (lieutenance du signe) la nature. Il en résulte que, comme le concept articule un langage, la machine déploie un certain langage de la nature (la critique de la métaphore du code en génétique concerne cette réduction).

Dans l’allégorie, dont les formes fréquentes sont la personnification et la prosopopée, la nature se présente elle-même, en ceci toutefois qu’elle se représente ou est en représentation. Ainsi de Vénus chez Lucrèce, comme s’il voulait se dédouaner de la démythification, du désenchantement qu’il fait subir ensuite à la Nature. La Nature n’est alors qu’approximativement, péniblement représentée par son image. Elle est la mère, enveloppante et nourricière, tithéné du Timée, alma mater en son universalité. Le signifiant est présentable et représentable, le signifié difficilement représentable, d’où le hiatus.

Hiatus définitif et incomblable lorsqu’on passe au symbole. La relation comporte un résidu inassimilable. Quel que soit le signifiant qui tente de traduire la nature comme signifié, il échoue. Nous sommes ici devant le cercle d’une conscience transcendantale qui ne peut cependant empêcher la nature, qui est son vis-à-vis, de porter exactement la même caractéristique transcendantale. Chaque esprit constitue à chaque fois le monde, mais c’est le monde qui constitue dès l’origine et continue de constituer les conditions historiques d’apparition de l’esprit. Cette relation enchevêtrée, en entrelacs ou chiasme, désigne clairement la présence du symbole, ce avec quoi on n’aurait jamais fini, ce qui introduit une relation impure et asymétrique avec un infini. La nature infinie des romantiques, la nature surabondante et surpuissante des présocratiques ou des stoïciens reviennent ici dans leur concept. En tant que poussière d’étoiles dont nous sommes issus, « le ciel étoilé au-dessus de moi » mérite pleinement sa place tout à côté de « la loi morale en moi », autrement dit la conscience de liberté, en débat infini avec une nature dont elle hérite une part, la nature humaine. De façon très étrange, dans cette formule bien connue, Kant semble avoir retenu l’entrexpression du microcosme et du macrocosme, se mirant l’un dans l’autre, comme ils le font dans la résurgence de l’esprit grec à la Renaissance.

Reste à se demander si la constante détermination de Heidegger à dénoncer l’emprise réifiante de la technique sur la nature, dès l’Être et le Temps, ne veut pas dire simplement que la différence ontologique entre être et étant ne fait elle-même que mimer cette proto-relation de l’homme et de la nature. Le signe, cela serait la nature comme étant disponible et maniable, exploitable par une technique élargie en mentalité planétaire, devenue métaphysique. L’allégorie, ce serait l’étant que l’on laisse être dans la « sérénité », cette rose qui, chez Silésius, « est sans pourquoi, fleurit parce qu’elle fleurit ». Le symbole, ce serait cette façon qu’a l’être de se donner en même temps qu’il se retire. La différence serait symbolique, et l’être la réserve infinie de l’étant, qui le distingue d’une simple pierre sur le chemin. L’être, ce serait le nom, plus abstrait, de la nature. Mais alors, pourquoi ne pas avoir dit « la nature », puisqu’elle seule possède la spontanéité et la puissance permettant de mettre réellement au jour des étants ? On dit que l’être fait être : c’est jouer sur les mots. L’étant a bien de l’être, d’un point de vue grammatical et logique, mais dans les faits, il a de l’existence ou de la présence, que l’être, en tant que tel et à lui tout seul, serait bien en peine de lui donner. Mais il faudrait parler plutôt de l’être du fait de cette capacité, toute judaïque, qu’il a de jouer le deus absconditus ? Mais la nature, elle aussi, « aime à se cacher ».

De sorte qu’il ne paraît pas entièrement insoutenable de dire que, derrière l’être, et sans doute sans le vouloir, c’est constamment de la nature que Heidegger a voulu parler. D’où sa critique forte de la technique, d’où son grand texte sur la Physique d’Aristote, d’où ses émouvants essais : Langue de tradition et langue technique ; Le chemin de campagne ; Pourquoi restons-nous en province ? ; et que l’oubli de l’être a, dans l’histoire de la philosophie et de la pensée, tout à voir avec l’occultation de la physis, dont les conséquences tardives se faisaient encore sentir dans les études des années 5O en nous privant de la majeure partie, la plus pensante sans doute, de la pensée grecque.

Arnaud Villani, L’occultation de la physis comme forme de l’oubli de l’être dans l’histoire de la philosophie.

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Gisli a écrit:
Arnaud Villani a écrit:
On peut affirmer, sans grand risque de se tromper, que la philosophie scolaire du début de notre siècle ignorait en France à peu près tout de la pensée grecque. Si Brunschvicg n’hésitait pas à prétendre que, pour l’intelligence, Aristote était, comparé à nous, un enfant de sept ans, c’est qu’il ne le connaissait pas. Mais l’on faisait d’Héraclite un mobiliste, de Parménide un logicien, des Sophistes des bandits des grands chemins de la pensée. On n’avait aucune idée de ce que pouvait représenter l’intelligence rusée pour les Grecs, on ne connaissait pas la naissance de leur droit, on ne soupçonnait pas la profondeur de la pensée mythique, ni le modèle homérique du proto-politique, on ne pouvait même se douter de l’existence d’un monde irrationnel grec. Sur ces points, les chercheurs de l’EPHESS, à la suite de Gernet, ont fait des miracles.
Remarque effrayante. Je me doutais que Victor Cousin, Damiron et Louis Ménard n'avaient pas rendu que des services à la philosophie française, mais si ce que dit Arnaud Villani est vrai, et qui est plus que crédible, alors c'est encore pire que ce que je pensais. Les historiens français devaient avoir, au bas mot, un siècle de retard sur leurs homologues allemands. Ça n'a rien d'étonnant, quand on sait que Nietzsche, Marx et Freud ne sont quasiment pas étudiés en terminale dans les années 60, et que pour les connaître il faut recourir à d'autres voies. On comprend mieux l'ébullition intellectuelle de 1968. L'enseignement français (et plus encore celui de la philosophie) est vraiment coupé du monde, et fut longtemps le catéchisme des républicains. Combien de philosophes, en France, comparé aux Grecs, aux penseurs de langue allemande et même aux Anglais ? A l'exception de Descartes, y en a-t-il un seul de consistant à propos de métaphysique avant le XXe siècle (et encore, sous l'impulsion de la philosophie allemande) ?

Gisli a écrit:
Arnaud Villani a écrit:
je ne suis pas sûr qu’en philosophie, les oublis de la physis ou la lutte féroce contre les idées de création, de sainteté, de caractère sacré, d’humilité et de pauvreté, de remerciement, de prière, d’asile inviolable, de respect, de pudeur (même s’il est clair que ces idées aussi ont leur part de négatif), soient si naïfs et innocents.

Je crois de plus en plus que l’histoire de la philosophie, peut-être l’histoire de la pensée, est régie par ce grand débat qui gouverne, sans même peut-être que nous le sachions, nos réactions épistémologiques et politiques. La nature est-elle « divine » (au sens de la question : y a-t-il de l’ « intouchable » dans le monde ?) ou se contente-t-elle de servir un anthropocentrisme invétéré que les critiques de Spinoza n’ont pas pu atténuer ? La « Gnose de Princeton » ne signifiait pas, chez de grands chercheurs scientifiques, une sorte d’allégeance infantile et tardive à la religion, mais la découverte, de l’intérieur même de la science, que la nature dépasse tout ce qu’on peut en dire et en imiter. Et qu’en conséquence, il est « sage » de lui laisser un quant-à-soi, une « personnalité » qui certes n’a rien d’humain, donc impensable pour nous, mais qui nous a créés et qui pourrait bien, si nous l’agressons trop, reprendre son bien.

Il est possible de résumer ces idées en appliquant à la nature une distinction bien connue entre signe, allégorie et symbole. C’est le rapport nature/machine qui constituera le signe, où la machine est le signifiant et la nature le signifié. L’un et l’autre sont réputés « présentables » ou représentables, et il n’y a pas dans la relation de perte significative de substance qui puisse empêcher la machine de valoir pour (lieutenance du signe) la nature. Il en résulte que, comme le concept articule un langage, la machine déploie un certain langage de la nature (la critique de la métaphore du code en génétique concerne cette réduction).

Dans l’allégorie, dont les formes fréquentes sont la personnification et la prosopopée, la nature se présente elle-même, en ceci toutefois qu’elle se représente ou est en représentation. Ainsi de Vénus chez Lucrèce, comme s’il voulait se dédouaner de la démythification, du désenchantement qu’il fait subir ensuite à la Nature. La Nature n’est alors qu’approximativement, péniblement représentée par son image. Elle est la mère, enveloppante et nourricière, tithéné du Timée, alma mater en son universalité. Le signifiant est présentable et représentable, le signifié difficilement représentable, d’où le hiatus.

Hiatus définitif et incomblable lorsqu’on passe au symbole. La relation comporte un résidu inassimilable. Quel que soit le signifiant qui tente de traduire la nature comme signifié, il échoue. Nous sommes ici devant le cercle d’une conscience transcendantale qui ne peut cependant empêcher la nature, qui est son vis-à-vis, de porter exactement la même caractéristique transcendantale. Chaque esprit constitue à chaque fois le monde, mais c’est le monde qui constitue dès l’origine et continue de constituer les conditions historiques d’apparition de l’esprit. Cette relation enchevêtrée, en entrelacs ou chiasme, désigne clairement la présence du symbole, ce avec quoi on n’aurait jamais fini, ce qui introduit une relation impure et asymétrique avec un infini. La nature infinie des romantiques, la nature surabondante et surpuissante des présocratiques ou des stoïciens reviennent ici dans leur concept. En tant que poussière d’étoiles dont nous sommes issus, « le ciel étoilé au-dessus de moi » mérite pleinement sa place tout à côté de « la loi morale en moi », autrement dit la conscience de liberté, en débat infini avec une nature dont elle hérite une part, la nature humaine. De façon très étrange, dans cette formule bien connue, Kant semble avoir retenu l’entrexpression du microcosme et du macrocosme, se mirant l’un dans l’autre, comme ils le font dans la résurgence de l’esprit grec à la Renaissance.

Du coup, je me demande quelle est la part de l'influence néokantienne (déterminante au XXe siècle dans et pour le monde occidental) chez Heidegger, plus particulièrement de Ernst Cassirer, lequel est un des penseurs les plus considérables du siècle, et pourtant (ou partant ?) quasiment méconnu en France, malgré le grand effort éditorial des années 1990, que l'on doit plus que probablement à Jean Lacoste (germaniste) et surtout à Starobinski (qui est Suisse), sans lequel je parie qu'on n'aurait encore aucune traduction française.

descriptionLa φύσις. EmptyRe: La φύσις.

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Euterpe a écrit:
Remarque effrayante. Je me doutais que Victor Cousin, Damiron et Louis Ménard n'avaient pas rendu que des services à la philosophie française, mais si ce que dit Arnaud Villani est vrai, et qui est plus que crédible, alors c'est encore pire que ce que je pensais. Les historiens français devaient avoir, au bas mot, un siècle de retard sur leurs homologues allemands. Ça n'a rien d'étonnant, quand on sait que Nietzsche, Marx et Freud ne sont quasiment pas étudiés en terminale dans les années 60, et que pour les connaître il faut recourir à d'autres voies. On comprend mieux l'ébullition intellectuelle de 1968. L'enseignement français (et plus encore celui de la philosophie) est vraiment coupé du monde, et fut longtemps le catéchisme des républicains. Combien de philosophes, en France, comparé aux Grecs, aux penseurs de langue allemande et même aux Anglais ? A l'exception de Descartes, y en a-t-il un seul de consistant à propos de métaphysique avant le XXe siècle (et encore, sous l'impulsion de la philosophie allemande) ?


Merci pour cette remarque, c'est, par mes lectures, ce que je pressentais depuis quelques années déjà.
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