Liber a écrit: Silentio a écrit: Les symboles présents sur le dessin sont vraiment intéressants : au fond l'infini ou Dieu (le soleil ou la lumière qui se répand), la mer, l'échelle de Jacob faisant le lien entre les mondes, un bloc de granit cassé et non géométrique (l'existence ?) et une sphère (l'être, le bonheur de l'unité, de la plénitude ?) au pied de l'ange abattu (déchu ? comme l'homme ?).
Voilà ce que je reproche à ce dessin. Rembrandt a une force dramatique dans ses gravures qui rend l'analyse des symboles moins essentielle. Par ailleurs, ces symboles me sont assez indifférents, tandis que dans le
Chevalier et la Mort, ils m'impressionnent davantage par leur influence sinistre. De là j'en conclus que le beau ne se révèle pas après une analyse du tableau, mais avant toute réflexion.
Il y a quelques mois il y avait une exposition (au Louvre, je crois) sur Rembrandt et le Christ. En général je n'aime pas Rembrandt, je reconnais toutefois ce qu'il y a de somptueux dans ses clairs-obscurs. Les affiches dans le métro comportaient la
Tête de Christ. Ce portrait m'a fortement intrigué et ému. Pas parce que c'est censé être le Christ, mais par la beauté de cette représentation et sa charge émotionnelle. C'est à la fois simple, évident et fort. Rembrandt a su représenter avec grâce un homme qui pourrait être n'importe qui et qui par sa mélancolie parle à tout un chacun, du moins je l'espère. J'ai été touché. Ce n'est qu'ensuite, en l'associant à la figure du Christ, que cela m'a semblé d'autant plus fort, du fait que l'image était en adéquation avec son idée. Mais l'idée n'est rien sans la perfection d'une image charnelle, sans la façon dont le peintre nous met en présence avec une figure d'homme qui dans sa particularité si bien recréée et retransmise nous invite à expérimenter toute la singularité qui fait un individu - en même temps, cet "homme" en tant qu'il apparaît comme quelque chose qui s'approche de tout homme, en tant qu'il est aussi présence et transcendance imitant l'homme réel, crée un lien d'universalité. La beauté ici m'a semblé provenir non seulement des traits, mais aussi de la façon dont la perfection du dessin, n'étant jamais parfaite dans sa volonté d'approcher le plus possible le réel, réussit à nous montrer un homme qui dans sa singularité et sa tentative d'être homme de chair est sublimé. C'est une beauté qui se marrie bien avec le sujet et avec la symbolique chrétienne, la peinture se faisant un écho du problème de l'incarnation et ce Christ étant pris également entre sa condition d'homme misérable et celle du divin. Cela dit, ce sont des idées que nous n'avons pas au premier coup d'œil mais qui pourraient presque y être de manière confuse tant ce que j'ai senti, ou ce qu'il m'a été donné de sentir, s'est retrouvé exprimé par la symbolique. Mais le sentiment premier provient des traits et des couleurs, de leur jeu, de leur rendu (la texture qui donne de la crédibilité au vêtement, à la peau, aux cheveux), de cette façon dont les couleurs deviennent l'occasion de l'expression d'un sentiment (par exemple, les teintes choisies revêtent ce visage de tendresse et d'une certaine mélancolie qui n'est pas sans obscurité et cruauté).