vif a écrit: En ce qui concerne la restriction de la pensée, il y a bien sûr le refoulement, éviter les idées fixes
Et ça se décrète comment ? Par l'Opération du Saint Esprit ? Il "suffit de" ? C'est une question de "recette" ? De coaching, peut-être ?
vif a écrit: dans une perspective historique la mélancolie est bien la « mère » de la dépression, et son « champ définitionnel » est très vaste et du coup un peu vague puisqu’elle va de la rêverie à peine teintée de tristesse à des formes très dures. Ce dernier point rend je crois légitime pour les non spécialistes en psychiatrie de considérer grosso modo que la dépression est plutôt incluse dans la mélancolie.
C'est l'inverse, comme le dit Vangelis. La mélancolie est une forme de la dépression, et encore, une forme
possible ; mais outre qu'elle est une forme possible
seulement, c'en est une forme
à la limite. Une dépression n'est pas nécessairement mélancolique, la plupart des dépressifs ne sont guère mélancoliques ; le mélancolique est dépressif, mais sa dépression n'est qu'un aspect parfois très secondaire de son mal, qui n'est pas un élément pertinent d'un point de vue médical.
Vangelis a écrit: J'ai aussi signifié qu'il n'y avait pas de lien entre l'intelligence et la mélancolie.
Disons qu'on ne peut établir un lien de cause à effet, mais les observations cliniques laissent penser qu'il y a un lien. De quelle nature ? Je ne saurais évidemment pas le dire. Toutefois, l'intelligence, sans être à proprement parler une cause, est une condition sine qua non de la mélancolie. La bêtise la rend impossible. D'où, bien sûr, la légitimité de la question posée par Intransigeance.
vif a écrit: je m’inquiète plus pour quelqu’un qui me dit être en dépression que pour quelqu’un qui me confie être mélancolique
Dans ce cas vous vous inquiétez mal.
vif a écrit: Pour ce qui est de l’intelligence, la souffrance mentale, qu’on l’appelle dépression ou mélancolie, trouve [...] un allègement, un affaiblissement, dans une compréhension par le sujet sur et autour de cette souffrance
Beaucoup de mélancoliques affirment explicitement le contraire.
Intransigeance a écrit: Liber a écrit: C'est une banalité depuis Aristote.
Je trouve votre rhétorique un peu légère
Je ne détecte rien de rhétorique pour ma part dans ce que vous dit Liber, qui est très elliptique, soit. Mais c'est parce que l'information principale de son propos est le mot "banal". C'est effectivement une banalité. Dans
Problème XXX (qu'on trouve parfois intitulé
L'homme de génie et la mélancolie), Aristote commence ainsi :
Pourquoi tous ceux qui furent exceptionnels en philosophie, en poésie ou dans les arts, étaient-ils de toute évidence mélancoliques, certains au point de contracter des maladies causées par la bile noire, comme Héraclès dans les mythes héroïques ?
Intransigeance a écrit: Freud associe davantage la mélancolie à une sorte de dépression plutôt dangereuse qu'à une forme d'état d'âme associée régulièrement aux romantiques [...] :
la mélancolie se caractérise du point de vue psychique par une dépression profondément douloureuse, une suspension de l’intérêt pour le monde extérieur, la perte de la capacité d’aimer, l’inhibition de toute activité et la diminution du sentiment d’estime de soi qui se manifeste par des auto-reproches et des auto-injures et va jusqu’à l’attente délirante du châtiment
Vous citez sans doute son
Métapsychologie ? L'intérêt de ce texte, outre la gravité de la mélancolie, est de montrer que ce qui la caractérise, en fait de dépression, c'est, contrairement à la dépression "normale" justement, qu'elle n'a pas d'objet réel, d'où cette tendance mélancolique à diriger contre soi des choses que la plupart des dépressifs dirigent contre les autres ou contre des objets. Il y a quelque chose d'irréductible dans la mélancolie, qui montre qu'elle est moins une maladie qu'une maladie au carré, le mal d'être (par distinction d'avec le seul mal être). Cocteau par exemple, dans
La difficulté d'être, affirme ceci :
« Je sens une difficulté d’être ». C’est ce que répond Fontenelle, centenaire, lorsqu’il va mourir et que son médecin lui demande: « M. Fontenelle, que sentez-vous ? » Seulement la sienne est de la dernière heure. La mienne date de toujours.
vif a écrit: Riche en significations certes mais je me pose la question : en quoi peut-on dire qu'il est superbe ?
Il suffit d'étudier cette gravure et l'histoire de l'art...
vif a écrit: la question est : l'intelligence a-t-elle à voir avec la souffrance ?
En tant que capacité je ne vois pas : on a un gros moteur ou un petit, souffrance ou pas. Mais il me semble comme évoqué plus haut que la souffrance peut conduire à une exploitation plus poussée de son moteur et atténuer cette souffrance mais cette exploitation peut évidemment déboucher sur la découverte d'autres sources de souffrance, comme quand on explore des routes inconnues qui se révèlent caillouteuses.
Votre métaphore du moteur est mal inspirée, parce que ça n'a rien à voir, métaphore ou pas. Vous oubliez l'essentiel : l'affect.
Dernière édition par Euterpe le Dim 9 Fév 2014 - 18:04, édité 1 fois