Très rapidement : l'angoisse existentielle est ce qui naît du "vertige de la liberté", c'est-à-dire de la confrontation à l'infini des possibles. Par exemple, c'est la découverte du néant, la prise de conscience de l'absence de fondement en toute chose. Cela relève d'une incertitude et du fait que nous avons à prendre des décisions pour agir, c'est-à-dire du choix. Mais c'est aussi une angoisse métaphysique au sens de la prise de conscience de ce qu'est exister et d'être au monde, sachant que le monde lui-même pourrait ne pas exister. Cette angoisse est aussi liée au péché, du fait de l'absence de vérité qui nous culpabilise (il n'y a pas de Loi et la loi que l'on se donne ne suffit pas, elle n'est jamais suffisamment légitime) et qui nous fait considérer chaque décision sous le prisme de l'erreur au regard d'un absolu inconnaissable et qui nous restreint à une vérité subjective liée à notre finitude et que l'on doit assumer en dépit d'un accès à l'absolu. Mais chez Kierkegaard, il faut aussi souligner que le savoir est lié à la nécessité et que les prétentions de l'objectivité et de la raison sont fallacieuses. On pourrait y voir une forme de fidéisme, opposant la foi à la raison. Mais qui peut prétendre avoir accès au savoir divin ? Hors de la raison, le monde semble absurde et il faut estimer, à la manière du protestantisme, que l'on a toujours tort à l'égard de Dieu.
Le désespoir, c'est le sentiment de l'indécision et de la non-identité à soi-même. C'est l'incapacité et l'impuissance à être soi par et pour soi. Mais désespérer, en doutant par exemple, peut nous permettre de nous approfondir, de nous défaire de nos préjugés et nous permettre de nous soucier de nous ou du monde (le souci signifiant à la fois la préoccupation, le soin et l'inquiétude).
Enfin, on pourrait dire que la mélancolie est liée à la béance qui nous est constitutive et qui n'est jamais résorbée par notre activité ou notre engagement dans le monde. C'est le sentiment né de l'irrésolution de la dialectique ; une dialectique négative sans synthèse, du fait même de l'ex-istence qui implique une division en nous et un écart irréductible entre le monde et nous, voire entre notre intention (volonté) et nos actes. On pourrait alors parler d'incomplétude et d'un désir d'absolu flou qu'aucun objet réel ne peut satisfaire. C'est donc une nostalgie de l'Un. Mais aveugle ou confuse en un sens. La mélancolie est aussi la tristesse de l'absence du bonheur passé (unité, harmonie ou extase), mais aussi le bonheur d'être triste car on peut encore se rappeler de ce qui a été nôtre un temps et nous a ouvert à l'éternité d'un instant de pure joie.
Dernière édition par Silentio le Sam 21 Jan 2012 - 20:00, édité 2 fois