Séance 1, 18/11/2011
Notre but est de mieux comprendre les choses humaines en tant que politiques. L'objectif est d'avoir une plus grande intelligence des choses. Ce séminaire continue celui de l'année dernière, c'est une enquête sur le pouvoir politique de la parole. Nous lirons des auteurs tels que Machiavel, Montaigne, Calvin ou encore Rousseau.
Ce qui nous frappe dans ce projet c'est l'opacité et la non-évidence. Nous éprouvons des difficultés à mieux comprendre. Nous ne pouvons avoir l'intention de comprendre sans le désir de comprendre. Nous sommes là par ce désir. Mais y gît une fragilité, une incertitude. L'intention dépend du désir et de sa qualité. Or la qualité ou le statut de ce désir ont fait l'objet d'interprétations différentes et incompatibles. Il y a deux interprétations possibles :
- ou bien le désir de comprendre est une composante primaire, naturelle, de notre nature : tous les hommes désirent naturellement comprendre. La preuve en est le plaisir pris aux perceptions qui motive ce désir. Cf. les premières lignes de la Métaphysique d'Aristote :
Aristote, Métaphysique, 980-1a a écrit:
Tous les hommes ont naturellement le désir de savoir. Ce qui le témoigne, c’est le plaisir que nous causent les perceptions de nos sens. Elles nous plaisent par elles-mêmes, indépendamment de leur utilité, surtout celles de la vue. En effet, non-seulement lorsque nous sommes dans l’intention d’agir, mais alors même que nous ne nous proposons aucun but pratique, nous préférons, pour ainsi dire, la connaissance visible à toutes les connaissances que nous donnent les autres sens. C’est qu’elle nous fait, mieux que toutes les autres, connaître les objets, et nous découvre un grand nombre de différences.
Le désir par nature, phusein. - ou bien le désir est dérivé, ancillaire, c'est-à-dire qu'il est au service d'autres désirs. D'après Rousseau,
Rousseau, Discours sur l'origine et les fondements de l' inégalité parmi les hommes, Première partie a écrit:
nous ne cherchons à connaître que parce que nous désirons de jouir
Le terme "jouir" connote tout ce qui est, il est lié à la conservation de soi et au sentiment de soi.
On voit donc une opposition entre Rousseau, pour qui le désir de connaître dépend du plaisir que l'homme éprouve à sa propre passivité, et Aristote, pour lequel ce désir est une expression nécessaire et active de la nature, une mise en acte de la nature que comporte ce désir.
Si ce désir est originel alors l'espérance d'une connaissance vraie des choses humaines est possible, il peut y avoir un jugement impartial s'appuyant sur un fondement.
Au contraire, si le désir est par nature au service d'autre chose que la connaissance, par exemple de la jouissance (Rousseau, B. Constant) ou de la puissance (Hobbes ; le désir scientifique comme expression d'un désir de puissance : Nietzsche, le désir de connaître comme volonté de puissance), alors cette espérance est impossible, car le jugement dépend d'un autre effort, d'un autre aspect de notre condition future. Elle est minée par le doute ou le soupçon. Les sciences sociales, dans leur esprit général, sont dévouées à la connaissance, mais elles portent un soupçon sur elle car la connaissance est liée à des circonstances dans lesquelles les formes de connaissance s'inscrivent. On fait la connaissance de la société à partir d'un contexte social.
Avec cette ambition de la connaissance, il faut trancher entre ces deux alternatives. On accepte provisoirement que l'incertitude nous accompagne. Son bienfait c'est qu'elle nous éveille à l'espérance. Elle est inséparable du désir de connaissance. Mais l'espérance peut-elle parvenir à l'objet du désir ? Ce désir peut-il se passer d'espérance ? (Dante : la porte des Enfers, laissez ici toute espérance) En fait, ce désir de connaissance est inséparable d'une certaine espérance d'une connaissance effective.
Il y a un clivage fondamental en politique. La politisation des sciences politiques a pour fondement premier l'absence de confiance dans la possibilité d'une connaissance vraie (impartialité). On veut maîtriser les choses, faire son destin, chercher des principes car on n'a pas de fondement en politique.
Y a-t-il une espérance ? Est-ce un affect distinct ? Une passion, une vertu (théologale) ? Elle est inséparable d'une confiance, d'une foi. On ne peut désirer sans espérer, les deux termes sont inséparables. Dans la connaissance humaine naturelle, on ne peut espérer sans une certaine confiance dans la capacité humaine du fondement. Mais c'est une confiance en quoi ? Le terme de "foi" est ambigüe, mais utile pour nous. C'est une confiance, une foi, en quelque chose qui donne à espérer et qui permet la connaissance. Il y a deux possibilités de foi :
- attendre la lumière d'une source au-delà de l'homme ; attendre du "maître intérieur" (Augustin) la grâce divine ; on obtient une connaissance certaine d'une source supérieure. C'est ce que l'on retrouve au centre de l'intention européenne avec la Réforme et l'augustinisme catholique. Au XVIe siècle, il y a aussi Pascal qui tire les conséquences d'un dépassement de la connaissance humaine par la grâce divine. Calvin est l'interprète le plus aigu de la Réforme, il enjoint l'homme à abandonner sa puissance, sa force, pour livrer toute sa foi à la lecture des Écritures. On voit un mouvement de la foi (guidé par une espérance, un désir de connaissance) qui repose sur l'abandon de la confiance aux forces humaines pour adhérer à une lumière (un ailleurs). Elle ouvre à la possibilité d'une démarche de connaissance qui a un appui dans la nature humaine. Pour Calvin, il y a quelque chose de naturel dans la démarche même si il vise le surnaturel, parce que l'idée de vérité est inscrite dans l'idée de l'homme. En même temps, l'être humain est "plein d'erreurs". On attend la vérité d'une source qui n'est pas l'homme. La possibilité se concrétise sous des formes différentes, par exemple dans la religion. Mais c'est une possibilité naturelle pour nous et rationnelle car l'homme constate la faiblesse, et l'incertitude, de la connaissance et se sent porté à faire le saut vers une source indemne de faiblesse.
- au contraire, en en restant à la condition humaine sans échappée, une certaine foi ou confiance est indispensable à la connaissance. On ne peut espérer sans confiance dans ses propres forces. Comment s'engager dans cet effort sans confiance, comment acquérir la connaissance ? C'est le grand enjeu spirituel, politique et intellectuel des XVIe et XVIIe siècles déchirés entre les désirs et l'extraordinaire intensité de parvenir à une connaissance certaine, hors du doute, sans médiation. Pour Calvin, on ne peut avoir confiance en nos propres forces, la foi est un témoignage intérieur de l'Esprit. A l'opposé, Machiavel, dans toute son œuvre, donne au lecteur (en particuliers aux jeunes - le premier à le faire, à lancer un mouvement de jeunesse, comme le dit Leo Strauss) une injonction à avoir confiance en notre propre force de surmonter la défiance induite par notre religion qui décourage les vertus actives et donne à l'homme vivant sous le pouvoir chrétien une indolence et un manque de confiance.
L'enjeu est un des plus importants pour cette époque et tout le temps. La question de la confiance en nos propres forces est essentielle pour évaluer les forces politiques. La modernité se caractérise par le manque de confiance. Avec Calvin et Machiavel on en mesure l'importance, en voyant à l'œuvre les forces actives et les forces intellectuelles (effort de pensée). Avoir "confiance dans nos forces" : cette notion est toutefois non-univoque, ou limpide. Elle voisine avec d'autres notions. La confiance : l'ambition, la fierté, la présomption, etc.
Rousseau est cohérent dans son effort pour défaire l'intégrité du désir de connaissance. Le ressort de la science c'est la passion de se distinguer (un des autres soupçons, réduction de la connaissance). L'impulsion de la connaissance est ramenée à cette passion de la distinction (présomption). Cette question revient sans cesse lorsqu'on s'oriente dans la vie intellectuelle et dans la chose politique. Dans quelle mesure les doctrines, textes, etc., sont-ils marqués ou non par ce ressort ? Ce facteur l'emporte-t-il sur le pur désir de connaître ? Il faudrait pouvoir discriminer les cas où cette passion n'interfère pas avec la passion de comprendre (recherche intellectuelle) et les cas où la présomption pénètre dans le désir de connaissance, le dirige et compromet son intégrité. La science politique rencontre son ennemi intime qu'elle n'est pas sûre de domestiquer en entier.
Traditionnellement, cette présomption est appelée la sophistique. On en voit la tentation dans la philosophie, notamment dans la philosophie politique libérale. Qu'est-ce que le sophisme ? C'est la volonté de capter le prestige, affecté à la réputation, un semblant de sagesse sans s'engager sincèrement et complètement pour comprendre la chose politique et sans aucun effort pour acquérir la sagesse. Au niveau de la confiance en ses forces, on peut dire que le sophiste a confiance en lui-même. Il est très visible, il appelle et fixe les regards. Il a même une extraordinaire confiance en lui-même. Mais il n'a en fait pas tellement confiance en ses propres forces, sinon il ferait l'effort sincère et complet de connaître. Le sophiste ne se connaît pas lui-même, car il ne peut réclamer l'attention avec tant d'avidité s'il sait qu'il ne la mérite pas (il n'y a aucun effort de connaître qui justifie l'attention). Cf. Platon. La philosophie politique et morale s'oppose à la sophistique. Elle l'accompagne comme son ombre, et la sophistique ne fait qu'un avec la question de la philosophie politique. Le philosophe prend conscience de lui-même en se distinguant du sophiste. La sagesse ne s'élabore qu'en se distinguant de ses contrefaçons. C'est l'effort de la vie intellectuelle que d'aiguiser le discernement. La connaissance philosophique et scientifique s'oppose à la connaissance sophistique.
La composante de la confiance en soi est moins étudiée, c'est une question moins radicale mais son mystère est important. Il ne s'agit pas de la confiance individuelle, mais de la confiance collective dans la force du groupe, dans la capacité humaine de connaître. L'époque est marquée par une immense confiance dans cette capacité. C'est l'avènement de la science moderne, objet de foi, car ses résultats sont tangibles et vérifiables. C'est un phénomène étonnant. Galilée, Descartes, Hobbes, ont eu une fois illimitée dans la possibilité d'une nouvelle manière de comprendre la nature (avec les mathématiques) et la nature humaine, et dans la capacité de la science à transformer toute la condition de l'homme. Bacon dit qu'il faut soulager la condition humaine. Cette foi a été soutenue pendant tous les siècles, mais aujourd'hui elle décline et est affaiblie. La confiance de l'homme dans le progrès a diminué. L'Europe est une aire culturelle qui s'est distinguée des autres par la continuité et l'intensité de cette confiance dans la capacité de connaître. Cette ambition et cette confiance intellectuelles sont liées mystérieusement à l'audace des actions politiques. Avec les grandes découvertes, l'audace et l'ambition s'expriment.
Machiavel se présente comme Colomb :
Machiavel, Discours sur la Première Décade de Tite-Live, Avant-propos, La Renaissance et la politique a écrit:Quoique l'homme par sa nature envieuse ait toujours rendu la découverte des méthodes et des systèmes nouveaux aussi périlleuse que la recherche des terres et des mers inconnues, attendu que son essence le rend toujours plus prompt à blâmer qu'à louer les actions d'autrui; toutefois, excité par ce désir naturel qui rue porta toujours à entreprendre ce que je crois avantageux au publie, sans me laisser retenir par aucune considération, j'ai formé le dessein de m'élancer dans une route qui n'a pas encore été frayée; et s'il est vrai que je doive y rencontrer bien des ennuis et des difficultés, j'espère y trouver aussi nia récompense dans l'approbation de ceux qui jetteront sur mon entreprise un regard favorable.
C'est l'audace exploratrice, la découverte de nouveaux chemins. L'analogie est facile entre les grandes actions et les efforts de la pensée, sur quoi repose-t-elle ? La vie active et la vie théorique sont deux voies entre lesquelles choisir. Les grands hommes de pensée ne font pas les grandes actions. Les grands hommes d'action ne participent pas au progrès scientifique. Il faut travailler le lien réciproque entre l'expérience politique et la science politique. Il y a une solidarité entre l'expérience pratique de la société et son effort de connaître. On peut départager :
• L'effort de connaissance - expérience pratique ou politique
• La science - expérience
• La science politique - expérience politique
Des propositions générales sont possibles, mais elles reposent sur des cas particuliers et typiques, éminents. L'expérience pratique ou politique, se fait-elle par degrés ? Quel en est le critère ? On adoptera une formule provisoire : l'expérience politique est plus ou moins ample, riche, intéressante, selon que les ressorts de l'action elle-même sont mobilisés. Les actions ont des motifs. Selon la mobilisation des motifs de l'action, on pourra juger de la quantité (force, énergie, durée) ou de la qualité (sagesse, délicatesse, harmonie). Selon le déploiement de ces motifs dans leur complexité on pourra comprendre l'action et l'humanité, les choses humaines, comme possibilité de l'humain pour se réaliser. L'action ouvre un champ des possibles. C'est une ouverture plus ou moins large. C'est une révélation ou manifestation plus ou moins heureuse des possibles humains. L'action réelle agit et signifie plus par les possibles ouverts que par la réalité effective ouverte. Ce n'est pas une proposition métaphysique mais descriptive. Toute action prend place dans un horizon plus ou moins vaste, dans un horizon des possibles indéterminés. Par exemple, nous applaudissons un but (au foot) parce que cela repousse les limites du possible et ouvre un espace élargi des possibles.
On produit autour de l'action un éther, que nous remplissons de quoi ? On ne peut se contenter de l'action réelle, on a besoin de la prolonger, de la chanter, de la célébrer. Les grandes actions donnent lieu au chant du poète qui leur donne leur éclat en montrant l'horizon des possibles. Les Grecs parlent des "belles actions". C'est l'idéalisme grec, leur goût pour la beauté. Mais cet usage signale que l'action n'est pas contenue en elle-même, elle contient un horizon des possibles dessiné par le poète et considéré par le politique. L'action déployée appelle l'intérêt du poète et du politique (de la communauté politique) : elle montre comment le monde humain s'ordonne pour mieux l'ordonner. L'expérience politique détermine l'ampleur du "phénomène humain" (Strauss, et avant lui T. de Chardin, ont employé cette expression) qui conditionne la connaissance qu'on entreprend. Les belles actions ouvrent les possibles. Au contraire, les basses actions sont des actions contraires qui obscurcissent, découragent, le phénomène humain (par exemple, l'extermination, Auschwitz, qui mettent en cause la possibilité d'une compréhension adéquate de l'humain). Cependant, la pensée (théorie) n'est pas le reflet de l'action (pratique). C'est une épistémologie contextualiste. L'ampleur des possibilités offertes à la pensée, de sa documentation, dépend de la vigueur du déploiement des actions, même s'il y a des inégalités dans les expériences collectives. Le "miracle grec" : l'art est énergétiquement lié à la politique qui actualise la possibilité inédite de la vie humaine. M. Détienne travaille à abolir ce miracle, ce qui est désolant. L'expérience politique grecque a une productivité incomparable. L'expérience de l'être humain est le déploiement singulier des possibilités du phénomène humain. Il faut distinguer la science de l'homme et l'expérience politique. Cette expérience n'est pas déterminée mais conditionnée par l'ampleur et la vigueur de l'expérience politique, c'est-à-dire le déploiement des motifs humains.
Parfois on voit la philosophie politique se développer dans le déclin politique. C’est une période de rétrécissement de l’expérience et de la science. Les formes de société déterminent la manière de comprendre la vie humaine. Rousseau bataille toute sa vie contre l’ordre politique et moral, et contre une manière de comprendre la vie humaine. Deux aspects conjoints et solidaires : un rétrécissement simultané de l’action et de la compréhension de l’action. La notion d’intérêt devient le langage dominant de la vie et de la science politique.
Rousseau, Considérations sur le gouvernement de Pologne, « Système économique » a écrit:On ne peut faire agir les hommes que par leur intérêt, je le sais ; mais l'intérêt pécuniaire est le plus mauvais de tous, le plus vil, le plus propre à la corruption, et même, je le répète avec confiance et le soutiendrai toujours, le moindre et le plus faible aux yeux de qui connaît bien le cœur humain. Il est naturellement dans tous les cœurs de grandes passions en réserve; quand il n'y reste plus que celle de l'argent, c'est qu'on a énervé, étouffé toutes les autres, qu'il fallait exciter et développer. L'avare n'a point proprement de passion qui le domine; il n'aspire à l'argent que par prévoyance, pour contenter celles qui pourront lui venir. Sachez les fomenter et les contenter directement sans cette ressource; bientôt elle perdra tout son prix.
Une organisation sociale est solidaire de la compréhension du cœur humain : il y a un nœud, un point de rencontre. Pour les Lumières ordinaires, le progrès est lié à l’intérêt pécunier, au développement des échanges qui adoucissent les mœurs et perfectionnent la civilisation. L’intérêt condense le progrès de la connaissance et de l’action. On soutient la supériorité de l’époque sur les âges antérieurs où les passions étaient dangereuses. La civilisation moderne fait de l’intérêt la passion et la motivation de l’action humaine qui est intéressée. On recompose la société par la compatibilité des intérêts. Montesquieu dit que le développement du commerce conduit la civilisation européenne vers la pacification des mœurs, hors du danger des passions. Rousseau dénonce l’opacité et la confusion de l’intérêt. Les hommes sont mus par l’intérêt, même l’ascète. La proposition générale est vraie mais stérile. Elle encourage la créance comme finalité. On perd de vue les vrais ressorts de l’action humaine. La tâche de la philosophie politique est de montrer les vrais motifs des conduites. Le perfectionnement de la civilisation par l’intérêt est nul. Le législateur actionne ces ressorts.
Rousseau, Considérations sur le gouvernement de Pologne a écrit:Il est naturellement dans tous les cœurs de grandes passions en réserve
Quelle est cette grande passion ? Le patriotisme, que les modernes ont oublié. Pour Rousseau, c’est la passion la plus susceptible d’activer les facultés humaines (noblesse de la patrie, conception morale). Le problème est que la société est marquée par le déclin de la possibilité de l’expérience politique et de la science, de l’action et de la compréhension. L’issue se trouve dans un renouveau de l’action en redonnant du sens au mot de « patrie », même si on a le sentiment que c’est trop tard, que les Européens sont corrompus. Mais ce fut une erreur, car après sa mort, la grande passion du patriotisme a bouleversé la civilisation de l’intérêt où s’accordaient secrètement l’Ancien régime finissant et les Lumières. Il manquait à ces dernières un contenu spirituel authentique. Les philosophes des Lumières en pensant la nature humaine basée sur l’intérêt ont été les partenaires de l’Ancien régime en diminuant la société. Rousseau est si impressionné qu’il ne veut pas un retour aux grands Etats (ex : la Corse). Il voit l’épuisement de la civilisation mais est incapable d’imaginer les possibilités encore présentes même s’il parle de révolution comme révolte et non comme fondation nouvelle de la Révolution française et de l’Empire futurs. On a vu pendant 25 ans l’éruption des grandes passions en réserve dans tous les cœurs. Pour Thucydide, la guerre fut le plus grand mouvement de l’histoire grecque. La Révolution et l’Empire ont été le plus grand mouvement de l’histoire européenne moderne. La pensée et l’action sont solidaires. Napoléon devient une grande référence spirituelle pour l’Europe (Chateaubriand, Nietzsche). Julius Caesar, Shakespeare : il y a un mouvement dans les choses humaines, un rythme qui solidarise l’action et la pensée ou la parole. Notre civilisation semble perfectionnée, elle adoucit les mœurs et étend le règne de la terreur. La douceur est précieuse mais l’expérience historique et l’avertissement de Rousseau nous montrent le risque que la douceur empêche le déploiement des motifs humains. Il y aurait une déficience d’action, du savoir, de la pensée. Entrave, la connaissance décline, la science politique est inséparable d’une compréhension, qui ici est réduite, des motifs humains. Il n’y a pas de compatibilité entre le perfectionnement de la civilisation et le phénomène humain qui décroît à l’inverse de la civilisation.