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L'art est une parole ?

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5 participants

descriptionL'art est une parole ?  EmptyL'art est une parole ?

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L'exposition du Quai Branly qui s'est terminée en Janvier avait pour titre "L'art est une parole". Cet intitulé me semble pouvoir mener à une réflexion philosophique importante sur l'art et le langage. Je ne m'intéresserai pas ici au contenu de l'exposition, mais seulement à ce que le titre semble admettre, à savoir le rapprochement entre l'art et le langage. Si le rapprochement de l'art et du langage est important, et même structurant, la thèse selon laquelle l'art est langage, a fortiori parole, ne me semble pas si évidente : d'autant qu'ici, il s'agit de « parole », qui est une modalité très particulière du langage : production singulière d'un énoncé ou d'un ensemble d'énoncés, par un sujet singulier, adressés à des sujets singuliers - sauf à considérer que « la parole » existerait (un peu à la manière d'un supposé verbe divin) comme réalité en soi, existant indépendamment des sujets, des locuteurs, des destinataires et des conditions générales de sa formation (ce qui n'est pas impensable mais peut-être plus problématique encore…). C'est d'ailleurs le ou même les singuliers qui sont ici problématiques : « L'ART » (quelle identité, quelle unité pour cela ?), à supposer qu'il soit parole, est-il une parole ? Il y a là à l'évidence une commodité de langage qui pourrait être mal fondée. Mais il y a là aussi – d'où à mon avis un certain intérêt de la chose, l'exemple assez typique d'un discours institutionnel contemporain sur l'art qui se tient (et qui nous tient) à mi-chemin d'une proposition philosophique intéressante mais problématique et d'une stratégie de communication effectivement « publicitaire » autant que publique. 

Mais quelle est-elle, cette proposition philosophique intéressante ? Oublions ici la distinction faite entre langage et parole. Car ce qui m'intéresse désormais, c'est de savoir si effectivement on peut établir un rapport entre art et langage, et si oui, quel est-il ? 

La question sera donc : si l’art n’est pas une parole, peut-on quand même dire que l’art soit un langage ? Pour éviter toute errance, posons la question plus précisément, car il ne s'agit pas ici de savoir si l’art a un langage (la réponse me semble évidente, rien qu’à considérer d’une part le vocabulaire technique de chaque art ainsi que les concepts esthétiques inventés par Kant, Hegel et d’autres), mais de savoir si l’art est lui-même un langage particulier, s’il a une manière autonome de parler, de dire. Partons du postulat que l’art a en effet une façon bien à lui de parler, qu’il a un langage propre. Pour répondre adéquatement à une telle question, il me semble qu’il va falloir trouver un dénominateur commun (le langage) à tous les arts (je me limite ici aux beaux-arts) ; car quand je parle d’une manière, pour l’art, de parler, je n’ai certainement pas en tête l’appréciation subjective, un simple jugement de goût. Il ne s’agit pas ici de dire que certaines œuvres parlent à certains, et pas à d’autres. Ce serait cheminer en sens inverse : ce que je cherche, ce n’est pas de savoir si je peux entendre quelque chose d’une œuvre, mais si une œuvre, en tant qu’œuvre, a quelque chose à dire.

Une autre distinction est ici nécessaire pour approcher un peu plus de mon postulat. En peinture par exemple, on s’attarde souvent sur le caractère symbolique des détails : une posture, la couleur d’un vêtement, etc. En effet, l’analyse de ces détails pourrait valider mon postulat, puisque ces détails, pour ainsi dire, parlent, indiquent, créent un axe de lecture et une connivence avec celui qui les regarde, et font qu’on peut dire quelque chose de l’œuvre. Pour éclairer la chose, prenons un exemple : Le verrou de Fragonard. Les couleurs (rouge, jaune, blanc, noir), les postures (l’abandon de la femme ; la droiture de l’homme et sa main sur le verrou), tous ces éléments permettent une analyse, et ainsi l’œuvre parle, elle nous dit des choses. Mais ces éléments, bien qu’ils semblent aller dans le sens de mon postulat, ne sont pas ce que je cherche. Car ils ne sont après tout que des signaux, un jeu de signifiant/signifié. Tout cela m’apparaît (peut-être à tort…) trop fermé, et je suis à la recherche de quelque chose de plus ouvert.

Une citation de Mallarmé m’a fait avancer : 
Le vers qui de plusieurs vocables refait un mot total, neuf, étranger à la langue et comme incantatoire, achève cet isolement de la parole : niant, d'un trait souverain, le hasard demeuré aux termes malgré l'artifice de leur retrempe alternée en le sens et la sonorité, et vous cause cette surprise de n'avoir ouï jamais tel fragment ordinaire d'élocution, en même temps que la réminiscence de l'objet nommé baigne dans une neuve atmosphère.

Cette citation, qui s’arrête ici à l’art poétique, semble dire que l’art fait signe vers le neuf. De là nous pourrions dire qu’une œuvre d’art révèle quelque chose, quelque chose qui jusqu'alors était caché, mis en retrait. Comme dit Matisse, « Lire la nature, c’est voir sous le voile de l’interprétation ». 
Chez Matisse l’art est signe en tant qu’il traduit la nature. Nature avec Matisse a il me semble le même sens que chez Héraclite et les grecs : κόσμος, c’est-à-dire le monde en tant qu’il est une harmonie non manifeste. Gardons donc à l'esprit cette connivences de sens entre nature-monde-cosmos.


Hegel : Le besoin universel d’art, par conséquent, consiste en cette rationalité par laquelle l’être humain a à élever le monde intérieur et le monde extérieur à la conscience spirituelle sous forme d’objet.

Il me semble que cette phrase nous dit que c’est grâce à l’œuvre d’art que l’homme prend conscience du monde. Mais pas au sens où l’on dit que l’art représente le réel. Non, puisque comme le dit Mallarmé, « l’objet nommé baigne dans une neuve atmosphère ». L’œuvre d’art ne représente pas le monde, mais elle présente un monde nouveau, ou plutôt, le monde à neuf. 
Tel serait peut-être alors le langage de l’art : tirer le monde de l’expérience quotidienne qu’on en fait, pour nous le présenter à neuf, un peu comme lorsqu'on prononce un mot cent fois devant une glace. Au bout d'un moment, le mot ne se rapporte tellement plus à ce qu'il définit qu'on se met à entendre le mot d'une nouvelle façon, on lui trouve un sens nouveau après l'avoir dégagé de son sens quotidien, de son utilité. 

Pourrions-nous donc dire, pour répondre à la question, que l’art serait au sens propre le langage du monde ?

Dernière édition par Desassossego le Ven 7 Fév 2014 - 20:51, édité 1 fois

descriptionL'art est une parole ?  EmptyRe: L'art est une parole ?

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J'ai l'impression que ce à quoi vous en venez c'est à considérer que l'art est le langage de ce qui ne peut se dire par la parole, c'est-à-dire manifestation du singulier, dont le propre est de briser le monde ordinaire baigné dans nos représentations sociales. Ce qui brille, c'est le réel, indicible apparence sans fond qui se montre sans se cacher, aveuglante pourtant pour les yeux habitués aux ombres portées alentour. L'art retrouve, redonne par une forme concise un excès originaire qu'on ne saurait autrement (vouloir) appréhender du regard, car l'on a besoin de se détourner de la complexité de ce qui est.

Mais le plus étonnant, c'est que l'art, cette grimace du réel, est lui-même partie prenante de ce dernier. Elle le dit, mais sans en sortir, elle redouble le réel lui-même sans le voiler, au contraire elle ne fait que d'autant plus montrer comment il s'exprime.

Cela dit, le monde a-t-il un langage ? Ou l'art n'est-il pas le langage du monde au sens où il est l'activité par laquelle l'homme imite le monde et comprend son fonctionnement ? En ce sens, il lie l'humain et l'inhumain, reste à savoir où est la frontière entre homme et monde puisque c'est l'homme qui fait parler le monde, lui prête son langage ou son oreille. Je ne suis pas sûr que le monde dise quoi que ce soit, ou bien plutôt faut-il que le réel, chaos informe, prenne forme par l'acte de l'homme, par ses travestissements, pour s'exprimer, c'est-à-dire que l'informe prenne forme sans se perdre (le monde comme œuvre, l'œuvre comme monde), se dise, se dévoile, dans une forme compréhensible qui le trahisse sans le recouvrir ?

descriptionL'art est une parole ?  EmptyArt et langage

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Dans le monde qui est le nôtre, il me semble judicieux de rappeler que pour les anglophones, langue et langage ne sont pas distincts. Les Allemands ont aussi un peu de mal à marquer la différence dans leur langue. C'est pourquoi il est assez rare que la distinction soit faite dans le monde des médias et des arts. Si on définit le terme de langage comme n'importe quel moyen avec lequel on peut communiquer, partager des émotions ou des idées, on élargit considérablement la notion de langage. 

Si on ancre la réflexion dans les théories de la pragmatique, les grandes heures de Austin et Ducrot, la langue n'existe plus et seul le langage reste probant car objet d'expérience sous une forme plus ou moins élaborée de théorie de communication. Bref, en réduisant le langage à toute communication effective susceptible de faire l'objet d'expériences entre émetteur et receveur, les pragmaticiens des années 70 ont ouvert la notion de langage à l'art. Si l'art est le vecteur d'un sens, émotions incluses, alors c'est du langage. 

Partant de cette définition, tout le monde passe son temps à se demander depuis si les animaux ont un langage, si les adolescents doivent apprendre la "littératie visuelle" ou si l'art est déchiffrable en signes comme signifiants. Le parallèle avec les langues pose évidemment problème, notamment sur la question fondamentale de la stabilité d'un système langagier codé. En linguistique stricto sensu, on appelle cela la grammaire au sens large. Mais pour les couleurs, les formes, les motifs, les textures ? Comment faire pour filer la métaphore du langage sérieusement sans admettre à un moment ou à un autre que le sens que véhicule une œuvre d'art est contextuel et instable et non systémique et rationalisable ? 

En effet, si une œuvre d'art vous "parle", cette "parole" est une métaphore et rien d'autre. Si c'était une parole au sens linguistique, il y aurait une grammaire du signifiant. Or, j'ignore l'existence de dictionnaires des formes et des sons. Cette lexicographie est impossible par essence. Même au sein d'une doctrine ou d'un mouvement artistique, la stabilité du signifiant est toute relative et le fait même d'avoir besoin de se reporter à une théorie esthétique avant de comprendre une œuvre implique une pluralité non seulement du sens mais des systèmes langagiers visuels et auditifs (pour caricaturer : la peinture et la musique, mais le raisonnement est le même pour tous les arts). Or, il n'y a aucune nécessité pour une création artistique de s'y référer, donc l'art peut très bien être hors cadre référentiel langagier, ce qui pose sérieusement la question de la validité de la métaphore en question. 

On peut donc à mon humble avis voir plutôt une métaphore qu'un concept dans le titre de cette exposition.

descriptionL'art est une parole ?  EmptyRe: L'art est une parole ?

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Or, j'ignore l'existence de dictionnaires des formes et des sons. Cette lexicographie est impossible par essence.

Kandinsky a fait une typologie des formes et des couleurs dans Du spirituel dans l'art et Point et ligne sur plan.


Veillez à bien utiliser la balise de citation (Desassossego)

descriptionL'art est une parole ?  EmptyRe: L'art est une parole ?

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Desassossego a écrit:
L'exposition du Quai Branly qui s'est terminée en Janvier avait pour titre "L'art est une parole". Cet intitulé me semble pouvoir mener à une réflexion philosophique importante sur l'art et le langage. Je ne m'intéresserai pas ici au contenu de l'exposition, mais seulement à ce que le titre semble admettre, à savoir le rapprochement entre l'art et le langage.

Le problème, c'est que le titre complet de l'exposition, c'est : "Kanak, l'art est une parole", et ça change tout ! Que dit le site du musée ? En voici un extrait :
À propos de l'exposition

Cette exposition, la plus importante réalisée sur la culture kanak, rassemble plus de 300 œuvres et documents exceptionnels issus de collections publiques d’Europe (Autriche, Suisse, France, Allemagne et Italie) et de Nouvelle-Calédonie.

Elle montre de nombreuses pièces inédites et spectaculaires parmi les grandes œuvres classiques du monde de l’art kanak : chambranles sculptés des Grandes maisons, haches ostensoirs de jade, sculptures faitières, statuettes et ornements d’une large diversité.

L’exposition est organisée autour de deux grands principes :

LES KANAK PARLENT D’EUX-MÊMES
Ce sont les Kanak eux-mêmes qui assurent au visiteur la voie de la compréhension de leur monde et de leur vision. Ils en commentent les aspects essentiels à la première personne et en les insérant dans l’histoire, distinguant entre l’intemporel et le factuel. C’est pourquoi l’exposition est structurée selon des catégories culturelles propres au monde kanak.

KANAK ET EUROPÉENS ÉCHANGENT LEURS REGARDS
L’exposition tente de concilier deux points de vue : celui du Kanak qui regarde ces visiteurs venus d’un autre monde et celui du marin, du colon ou du missionnaire européen sur la vie et la parole kanak.  L’exposition est ainsi l’occasion, autour des objets et des documents présentés, de faire dialoguer le riche patrimoine immatériel du monde kanak et des œuvres en grande partie issues d’institutions muséales occidentales qui sont aujourd’hui les gardiennes d’une bonne part du patrimoine matériel.

Parcours de l'exposition

L’exposition suit un parcours circulaire dont l’introduction est aussi la conclusion. Cette circularité s’organise suivant un parcours principal intitulé "les cinq visages", caractérisé par la présence forte et rendue évidente de la parole kanak, et un parcours secondaire intitulé "les reflets", rendant lisible l’évolution du regard occidental sur le monde kanak par l’accumulation de témoignages documentaires.


Némèè : les "visages"

Dans la tradition kanak, se présenter revient à montrer son visage : il s’agit d’un protocole traditionnel d’entrée dans des espaces coutumiers pour des individus comme pour des représentants d’un groupe. Ces cinq "visages" sont  nommés en langue ajië, l’une des 28 langues kanak toujours parlées.

NÔ : LE VERBE ET LA PAROLE

L’importance de la Parole se manifeste à travers la personne du chef (dit aussi "le grand aîné"). Elle s’exprime dans ce que l’on convient d’appeler la "coutume". Aujourd’hui les monnaies de coquillage y ont encore leur place. Autrefois de prestigieux objets y étaient échangés comme des haches de jade, objets ornés de cordonnets de poils de roussette, et ornements divers. Ces objets sont les supports de cette Parole. La figure historique du Grand Chef Mindia (1856-1921) est évoquée dans cette partie.


Donc, si j'ai bien compris, c'est plutôt l'intitulé de l'exposition qui, comme tel, vous donne l'occasion d'une réflexion sur l'art comme langage.

Desassossego a écrit:
la thèse selon laquelle l'art est langage, a fortiori parole, ne me semble pas si évidente : d'autant qu'ici, il s'agit de « parole », qui est une modalité très particulière du langage : production singulière d'un énoncé ou d'un ensemble d'énoncés, par un sujet singulier, adressés à des sujets singuliers - sauf à considérer que « la parole » existerait (un peu à la manière d'un supposé verbe divin) comme réalité en soi, existant indépendamment des sujets, des locuteurs, des destinataires et des conditions générales de sa formation (ce qui n'est pas impensable mais peut-être plus problématique encore…).

Dieu est Verbe, Dieu parle, mais il est entendu qu'Il ne parle pas comme deux personnes se parlent. Si la poésie peut être dite à bon droit Parole, c'est aussi parce qu'elle est une transgression consciente, codifiée, de la langue (pas seulement un écart par rapport à une norme, autrement dit, simplement, style), conçue pour faire parler le monde, au moins le faire transparaître. Vous connaissez enfin l'expression : "ça me parle" ("ça me dit quelque chose"), comme l'expression, curieuse : "qu'est-ce que ça veut dire ?" Quel est donc ce "ça" qui parle, ce "ça" à quoi on impute une expression ? Or, ce n'est pas une manière d'indétermination seulement. Je vous renvoie aux textes lumineux de Merleau-Ponty.

Desassossego a écrit:
savoir si l’art est lui-même un langage particulier, s’il a une manière autonome de parler, de dire. Partons du postulat que l’art a en effet une façon bien à lui de parler, qu’il a un langage propre. Pour répondre adéquatement à une telle question, il me semble qu’il va falloir trouver un dénominateur commun (le langage) à tous les arts (je me limite ici aux beaux-arts)

Du point de vue sémiologique, le "dénominateur commun" est évidemment trouvé depuis longtemps (héritage de la linguistique saussurienne). Une œuvre fait signe vers. On parle de signifiant, de signifié et de référent. Les études d'Umberto Eco ne me paraissent pas réductrices, du reste, de la question. Clément Rosset y est même allé, avec bonheur, de ses propres considérations sémiotiques, à propos de la musique.

Desassossego a écrit:
En peinture par exemple, on s’attarde souvent sur le caractère symbolique des détails : une posture, la couleur d’un vêtement, etc. En effet, l’analyse de ces détails pourrait valider mon postulat, puisque ces détails, pour ainsi dire, parlent, indiquent, créent un axe de lecture et une connivence avec celui qui les regarde, et font qu’on peut dire quelque chose de l’œuvre.

Disons que la question est moins de savoir si l'on peut dire quelque chose de l'œuvre que de savoir si l'œuvre exprime quelque chose (le postulat le plus répandu est qu'elle exprime bien quelque chose - d'où la stupéfaction des contemporains face à l'abstraction, etc.). Si l'œuvre exprime quelque chose, alors en quelque manière, quoique métaphoriquement, elle "parle" (elle veut dire quelque chose : elle a une signification ; elle a même du sens). Le symbolisme des œuvres n'en est qu'un aspect, pas forcément le plus intéressant, ni le plus étudié, du reste. C'est la composition qui intéresse d'abord les historiens et les théoriciens. D'abord, parce qu'après tout, ce sont les artistes eux-mêmes qui ont théorisé, thématisé la chose (cf. surtout, Alberti) ; ensuite, parce que la composition (quoi qu'en disent ceux qui se défient de la forme) est le support pour ainsi dire objectif de la symbolique de l'œuvre si, et quand il y en a une. La réflexivité du peintre, par exemple, témoigne d'un langage (ce qui ne veut pas dire qu'il suffirait de disposer du décodeur adéquat pour décoder les œuvres et les épuiser, au contraire).

Desassossego a écrit:
Le verrou de Fragonard. Les couleurs (rouge, jaune, blanc, noir), les postures (l’abandon de la femme ; la droiture de l’homme et sa main sur le verrou), tous ces éléments permettent une analyse, et ainsi l’œuvre parle, elle nous dit des choses. Mais ces éléments, bien qu’ils semblent aller dans le sens de mon postulat, ne sont pas ce que je cherche. Car ils ne sont après tout que des signaux, un jeu de signifiant/signifié.

Pas des signaux : des signes. Les signaux forment des codes (fermés, univoques) ; les signes forment des systèmes (ouverts, plurivoques). La distinction est impérative.

Desassossego a écrit:
L’œuvre d’art ne représente pas le monde, mais elle présente un monde nouveau, ou plutôt, le monde à neuf.

C'est aussi vieux qu'Homère !

ElieDeLeuze a écrit:
Comment faire pour filer la métaphore du langage sérieusement sans admettre à un moment ou à un autre que le sens que véhicule une œuvre d'art est contextuel et instable et non systémique et rationalisable ?

Or, c'est l'intention des peintres non figuratifs que d'essayer d'extirper l'œuvre de toute réduction rationaliste, en la restituant à sa matérialité même (jusqu'à la tentation d'une plasticité pure).

ElieDeLeuze a écrit:
Or, il n'y a aucune nécessité pour une création artistique de s'y référer, donc l'art peut très bien être hors cadre référentiel langagier, ce qui pose sérieusement la question de la validité de la métaphore en question.

Certes, du reste, plus l'artiste se tient éloigné de ces considérations somme toute intellectualistes, mieux c'est ; il n'empêche que la démarche même de création est expression, émergence d'un sens. Rodin, qui n'avait rien du théoricien, témoigne d'une conscience et d'une lucidité qui, si elles le placent au-dessus de la plupart des théoriciens, "confirment" (le mot est mal choisi) l'artiste.

joseph curwan a écrit:
Kandinsky a fait une typologie des formes et des couleurs dans Du spirituel dans l'art et Point et ligne sur plan.

Soit, mais si un artiste peut s'en inspirer, on ne peut guère systématiser (système) cette typologie. Pour cela, il nous faudrait au moins un peintre dont le langage pictural serait le même que celui de Kandinsky.
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