Udenlandske a écrit: L'État est-il bon ou mauvais ?
Rousseau de nous dire que dans une démocratie, l'État sera forcément bon, car il contribuera au bonheur de son souverain, le peuple, et qu'il est même indispensable à notre liberté civile...
Mais Bakounine de rétorquer que "L'État est forcément mauvais en soi parce qu'il asservit et avilit les gouvernés. Même mis au service du bien, il dégrade et aliène parce qu'il impose le bien, alors que la dignité humaine consiste à vouloir librement le bien".
Allons aux choses. Votre question se ramène à celle-ci : anarchisme ou pas ?
J'ajoute aux excellentes interventions d'Intemporelle que ce qu'on appelle l'État est d'autant plus "moderne" que, outre qu'il est désincarné (les hommes passent, les institutions restent), il n'est pas réductible au lieu effectif de son exercice.
A Rome ou en Égypte, le pouvoir était dynastique ; sans cela, les institutions perdaient leur garantie principale. Les hommes
étaient l'institution, le pouvoir, etc. (Auguste craignit moins d'être assassiné à partir du moment où il se sentit assuré d'avoir un successeur avant de mourir - peu importent les rivalités entre les juliens et les claudiens). Même à l'époque de la république, la classe sénatoriale, numériquement faible, incarne l'institution, le pouvoir, etc. Le consulat, c'est elle, plus encore que tel ou tel consul, puisque le consulat est son chasse-gardée.
Enfin, le morcellement tétrarchique du pouvoir et la mobilité géographique des capitales qui allait avec (Rome, Constantinople, Ravenne, Milan, etc.) en dit long sur l'impossibilité technique d'un État romain, comme de tout État. Les empereurs étaient très mal renseignés sur ce qui se produisait dans les provinces, et quand ils apprenaient quelque chose, il était toujours bien tard. On ne compte plus les usurpateurs qu'il fallait aller combattre sous l'empire. Ne parlons pas de la réalité même de la "pax romana". Pas un règne, ou presque, sans qu'il faille maintenir le pouvoir, le consolider, le reprendre, etc. L'éternité romaine n'est si admirable que parce qu'elle se déploie dans une précarité de fait qui nous renseigne surtout sur des qualités spécifiquement romaines. Même un État aussi élaboré que celui de Louis XIV reste un pouvoir
local. L'État français moderne, vous le trouvez partout, à toute heure, sur le territoire français. Hollande peut disparaître, peu importe, le propre de l'État moderne est d'avoir intégré ce genre d'aléas.
Dernière édition par Euterpe le Mar 11 Fév 2014 - 14:28, édité 1 fois