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L'idéalisation de l'État.

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Liber
Intemporelle
broceliand
Udenlandske
8 participants

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Intemporelle a écrit:
Dans les sociétés antiques, il existait encore des espaces qui échappaient au pouvoir politique : les lieux sacrés, inviolables par exemple.
Peut-être en principe, mais dans la réalité, ces espaces n'étaient pas inviolables. Par exemple, la sœur de Cléopâtre fut capturée par les Romains alors qu'elle était sous la protection d'un temple.

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Liber a écrit:
Intemporelle a écrit:
Dans les sociétés antiques, il existait encore des espaces qui échappaient au pouvoir politique : les lieux sacrés, inviolables par exemple.

Peut-être en principe, mais dans la réalité, ces espaces n'étaient pas inviolables. Par exemple, la soeur de Cléopâtre fut capturée par les Romains alors qu'elle était sous la protection d'un temple.
Oui, mais le fait qu'ils ne le soient plus non seulement en fait, mais surtout en droit, c'est très significatif. Même l'inviolabilité de l'Église n'a jamais été parfaite, mais le simple fait que le principe existait en disait long sur les limites du pouvoir séculier face au pouvoir spirituel. Or, l'État, même en principe, ne veut pas de limites autres à son pouvoir que celles qu'il s'impose lui-même.

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Udenlandske a écrit:
L'État est-il bon ou mauvais ?

Rousseau de nous dire que dans une démocratie, l'État sera forcément bon, car il contribuera au bonheur de son souverain, le peuple, et qu'il est même indispensable à notre liberté civile...
Mais Bakounine de rétorquer que "L'État est forcément mauvais en soi parce qu'il asservit et avilit les gouvernés. Même mis au service du bien, il dégrade et aliène parce qu'il impose le bien, alors que la dignité humaine consiste à vouloir librement le bien".

Allons aux choses. Votre question se ramène à celle-ci : anarchisme ou pas ?

J'ajoute aux excellentes interventions d'Intemporelle que ce qu'on appelle l'État est d'autant plus "moderne" que, outre qu'il est désincarné (les hommes passent, les institutions restent), il n'est pas réductible au lieu effectif de son exercice.

A Rome ou en Égypte, le pouvoir était dynastique ; sans cela, les institutions perdaient leur garantie principale. Les hommes étaient l'institution, le pouvoir, etc. (Auguste craignit moins d'être assassiné à partir du moment où il se sentit assuré d'avoir un successeur avant de mourir - peu importent les rivalités entre les juliens et les claudiens). Même à l'époque de la république, la classe sénatoriale, numériquement faible, incarne l'institution, le pouvoir, etc. Le consulat, c'est elle, plus encore que tel ou tel consul, puisque le consulat est son chasse-gardée.

Enfin, le morcellement tétrarchique du pouvoir et la mobilité géographique des capitales qui allait avec (Rome, Constantinople, Ravenne, Milan, etc.) en dit long sur l'impossibilité technique d'un État romain, comme de tout État. Les empereurs étaient très mal renseignés sur ce qui se produisait dans les provinces, et quand ils apprenaient quelque chose, il était toujours bien tard. On ne compte plus les usurpateurs qu'il fallait aller combattre sous l'empire. Ne parlons pas de la réalité même de la "pax romana". Pas un règne, ou presque, sans qu'il faille maintenir le pouvoir, le consolider, le reprendre, etc. L'éternité romaine n'est si admirable que parce qu'elle se déploie dans une précarité de fait qui nous renseigne surtout sur des qualités spécifiquement romaines. Même un État aussi élaboré que celui de Louis XIV reste un pouvoir local. L'État français moderne, vous le trouvez partout, à toute heure, sur le territoire français. Hollande peut disparaître, peu importe, le propre de l'État moderne est d'avoir intégré ce genre d'aléas.

Dernière édition par Euterpe le Mar 11 Fév 2014 - 14:28, édité 1 fois

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Udenlandske a écrit:
L'État est-il bon ou mauvais ?

Rousseau de nous dire que dans une démocratie, l'État sera forcément bon, car il contribuera au bonheur de son souverain, le peuple, et qu'il est même indispensable à notre liberté civile...
Mais Bakounine de rétorquer que "L'État est forcément mauvais en soi parce qu'il asservit et avilit les gouvernés. Même mis au service du bien, il dégrade et aliène parce qu'il impose le bien, alors que la dignité humaine consiste à vouloir librement le bien".


Il faut partir de l'idée que rien n'est parfait. Assez souvent, on cherche à créer l'Utopie, oubliant qu'elle n'est qu'un idéal.
Quand Rousseau dit que l'État est bon, il dit qu'il assure l'intérêt général. J'aurais voulu voir ceux qui critiquent l'État se mettre d'accord entre eux sur ce qui est bon et ce qui est mauvais. Comme je suis étudiant en droit, j'étudie assez souvent des arrêts (des décisions de justice) qui montrent que les individus veulent s'opposer les uns aux autres pour un rien.
L'État peut être une chose monstrueuse, mais il assure aussi le bien vivre. C'est à nous, citoyens de l'améliorer, de ne pas refaire les mêmes erreurs. L'État permet davantage de sécurité, organise la société. Les libéraux qui demandent moins d'État sont les premiers à demander davantage de sécurité. Ils se contredisent, puisque demander davantage de sécurité, c'est demander davantage d'État. Quant à ceux à gauche qui se plaignent de l'État, il sont les premiers à demander plus d'impôts aux riches, plus de droits sociaux, donc... plus d'État.
L'État asservit, avilit, dit Bakounine. Il y a dans cette idée la non acceptation de la contrainte de la société. Or c'est refuser la logique de la société et du vivre-ensemble : quand tu vis avec autrui, tu es obligé de te plier à des règles. Sinon, il y a davantage de tensions, et tu ne pourras pas recevoir les services d'autrui. Car comme tu l'as sans doute deviné, un avocat ne fait pas son pain et ne se soigne pas seul.
Enfin, il y a l'idée de contrat, chère aux libéraux. Oui au contrat qui permet aux individus de fixer leurs règles. Mais l'État doit être présent pour vérifier la légalité du contrat. Par exemple, un contrat qui va contre l'article 16 du Code civil qui interdit la commercialisation d'organes humains est non valable. Si dans un contrat, tu dois te suicider, ou si tu t'engages à tuer une personne, ce contrat est non valable.

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Etienne Rêvremont a écrit:
L'État asservit, avilit, dit Bakounine. Il y a dans cette idée la non acceptation de la contrainte de la société. Or c'est refuser la logique de la société et du vivre-ensemble: quand tu vis avec autrui, tu es obligé de te plier à des règles. Sinon, il y a davantage de tensions, et tu ne pourras pas recevoir les services d'autrui. 
Le problème est que vous pensez l'anarchisme comme une absence d'ordre et de pouvoir. Or ce n'est pas le cas. L'adage anarchiste est "l'ordre sans le pouvoir", faut-il vous le rappeler. Mais en réalité il faudrait préciser encore plus l'idée qui se trouve véritablement derrière : c'est l'ordre sans la domination, car il y aura toujours du pouvoir au sein des relations sociales. Et les anarchistes, du moins ceux qu'on dit "collectivistes" (par opposition aux individualistes), ne sont pas contre la société, mais bien contre l'État. Il y a des formes d'organisation sociale et politique viables sans État (au sens moderne du terme) : la démocratie directe, le fédéralisme, le conseillisme, etc. Par ailleurs, on ne peut pas dire que la question sociale, connectée à la question politique, soit évitée dans l'anarchisme, tant la question de l'éducation (et par conséquent de la relation à autrui), prime sur le reste. La morale anarchiste consiste d'ailleurs en une reconnaissance du rôle d'autrui et dans l'entraide (cf. Kropotkine) - tandis que ce sont les libéraux qui prônent une conception de l'homme qui en fait un animal asocial ayant à se protéger d'autrui, éventuellement par le biais d'un État (pourtant conçu comme une menace) qui s'interpose entre les hommes et les prive de leur pouvoir politique en tant qu'ils le cèdent à cet État. Peut-être ce dernier est-il un moindre mal, on peut en discuter, mais l'erreur serait de le confondre d'une part avec la société et d'autre part avec l'intérêt véritable de chacun (que je ne crois pas purement égoïste et passant justement par la reconnaissance du rôle formateur et essentiel de la société dans l'épanouissement de l'individu). L'anarchisme est un apprentissage de la confiance en soi, en notre liberté et en autrui, tandis que le libéralisme justifie le retrait de la société, le mépris d'autrui et la servitude volontaire en tant qu'il projette sur la nature humaine les relations violentes qu'il produit et que l'ordre établi maintient (notamment par la doctrine libérale). Je ne pense pas non plus que les anarchistes soient des idéalistes, il leur arrive de combattre l'idée rousseauiste de la bonté naturelle de l'homme (comme si celui-ci avait existé hors de la société). La morale anarchiste exige une certaine rigueur, une sorte de discipline, un effort pour se transcender - parce que notre éducation nous bride et ne nous rend pas spontané le fait de mettre avant soi ces règles qui nous rendent libres par la reconnaissance de l'autre et de la société (il faudra cependant en changer le fonctionnement). Mais les anarchistes ont reconnu que l'intérêt véritable de chacun réside là-dedans - justement par souci d'une autonomie individuelle qui ne peut pas se passer de la société, puisque nos actions se déroulent dans un monde commun et social qui leur préexiste.
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