Il s'agit d'un individualisme considérant la liberté et le pouvoir comme négatifs. La liberté consiste à se défendre de toute atteinte, de toute contrainte. Qu'elle soit le fait d'autrui ou de l'État. Ajoutons à cela ce paradoxe : l'État est puissant et conduit d'autant plus à le laisser faire et à se retirer devant lui que le libéralisme justifie la primauté de l'individu (recherchant ses jouissances en privé) sur le citoyen (lequel n'existe quasiment pas, puisque la contradictoire "démocratie représentative" spolie le peuple, rendu absent de l'exercice du pouvoir et de la souveraineté, de cette dernière). Ainsi vous êtes d'autant plus à la merci du pouvoir étatique. C'est d'ailleurs le paradoxe terrifiant du Leviathan : par l'État, l'homme devient un dieu pour l'homme, mais le prix de la sûreté est cher à payer puisqu'il s'agit de sacrifier une partie de sa liberté à un souverain tout-puissant qui a droit de vie et de mort sur soi. Entre les autres et moi, entre les institutions et moi, pour limiter le pouvoir, il y aura le rempart du droit.
Quant aux relations violentes ou conflictuelles, elles résultent justement de ces rapports de force entre différentes libertés essayant de s'accaparer différents biens ou en concurrence pour l'obtention d'honneurs, ce qui est causé par l'amour-propre comme ressort de la société telle que décrite et critiquée par Rousseau. Hobbes a projeté ces conflits d'intérêts et d'egos sur une fausse condition naturelle de l'homme dépouillé de cette même société qui le pousse à se comparer à autrui. Il est alors facile de justifier la monarchie lorsque l'on croit montrer que l'homme est naturellement avide de pouvoir et agressif (alors que cela implique déjà la société !), il faudra nécessairement lui opposer un pouvoir et le légitimer par cette menace. Le pouvoir a besoin de se légitimer par la sécurité, il faut donc faire peur. Hobbes a fait de la peur de la mort (notamment de la mort violente) l'un des ressorts les plus déterminants de la nature humaine. Mais dans l'état de nature, sans institutions, sans le langage et la reconnaissance des signes, etc., l'homme n'existe pas en tant que tel, ni son ennemi, car il ne peut y avoir de reconnaissance de soi et d'autrui. C'est au contraire l'apparition de cette reconnaissance, via la sociabilité et son développement historique, qui pose la question du pouvoir et de la lutte pour y accéder. On ne se contente plus d'être soi (amour de soi), on s'ouvre à une insuffisance de soi dans la rencontre avec autrui, notamment autour de la question de l'accès aux ressources. C'est l'état de société qui s'est fondé sur la violence, par la violence, dans le cadre de cette accumulation de ressources. L'état de droit régule ces conflits, tout en légitimant sans le remettre en cause l'ordre établi qui s'appuie sur cette violence originaire. L'état de nature violent n'est qu'un mythe pour s'auto-justifier et faire perdurer une forme de domination (qu'on pourra par exemple interpréter en termes marxistes, cf. l'histoire comme lutte des classes dans le Manifeste).