L'époque semble gagnée par l'idée d'un progrès en matière de technique. Les nouvelles technologies se développent à un rythme effréné, voire exponentiel (cf. la théorie de la singularité technologique). La science semble ainsi trouver un débouché et fonder sa certitude sur les productions qu'elle rend possible. Jamais le réel n'a été aussi soumis à notre esprit, le calcul et la technique se perfectionnant et aidant à l'utilisation des énergies et ressources naturelles à notre profit. La science semble ainsi bien plus au fait de la réalité que la philosophie : non seulement on ne spécule pas en vain, puisque les théories trouvent des applications concrètes et partent de l'expérience, mais elles nous livrent un monde d'objets qui nous sont utiles. Ces réalisations semblent également démontrer le bien-fondé de la science : certes, elle est probabiliste, mais son savoir informé par l'expérience est constamment en progrès, les applications concrètes venant fonder ou balayer à jamais certaines hypothèses. Mais comment la science peut-elle prétendre à la vérité ? De plus, en quoi est-elle supérieure, est-elle plus certaine, que la philosophie ? Le philosophe doit-il suivre la science et son évolution ? Peut-on légitimement rejeter différentes philosophies, notamment métaphysiques, au regard de la science ? Plus précisément, est-ce que la science ne relève pas aussi, elle-même, d'une décision métaphysique et n'est-elle pas limitée dans son approche du réel par sa perspective théorique ? Qu'est-ce qui la distingue de la philosophie ? Enfin, la philosophie peut-elle juger en dernier lieu de la science ou est-elle le plus souvent une fantaisie qui pourrait être déjouée par le réalisme scientifique ouvrant à des perspectives bien plus complexes et objectives sur l'être que la singularité du philosophe ? Peut-il y avoir en ce sens une philosophie vraie car au fait des découvertes scientifiques les plus récentes (censées rejeter une fois pour toutes certaines illusions) ? Qu'en est-il de notre vision du monde aujourd'hui, via la science, et existe-t-il des philosophies à sa mesure ? Par ailleurs, l'atomisme a-t-il triomphé et toute philosophie qui se veut réaliste doit-elle être dorénavant matérialiste en ce sens ? Par exemple, un énergétiste ou phénoméniste comme Nietzsche, prônant en plus l'éternel retour contre les lois de la thermodynamique, n'est-il pas de facto et irrémédiablement réfuté, et en droit d'être pris pour un idéaliste ?