Pour un premier sujet j'aimerais que l'on se penche sur le Cas Nietzsche. En effet, j'aimerais savoir s'il est possible de critiquer la pensée de Nietzsche à partir de sa propre philosophie et si des penseurs et philosophes qui se réclament de son influence ont montré certaines des limites de sa philosophie. Il ne s'agit pas de discréditer l'homme ou d'émettre une critique partant d'une problématique tout autre. Je connais suffisamment les mauvaises interprétations et les attaques virulentes faites à l'encontre de Nietzsche.
Néanmoins, dans Après Nietzsche Giorgio Colli réussissait déjà à montrer quelques failles ou en tout cas quelques hypothèses à prolonger et certains obstacles dans la démarche et l'élaboration de la pensée du philosophe allemand. Par ailleurs, il enjoignait le lecteur à se montrer aussi sévère que Nietzsche à l'égard de lui-même. En effet, si Nietzsche se veut probe et s'il s'est fait le critique le plus virulent et pertinent de la tradition philosophique et des modes de vie des philosophes, peut-on également lui appliquer la même méthode et qu'en ressortirait-il ?
D'autre part, je suppose que nous sommes tous ici sensibles à sa pensée et la fréquentons, avec parfois il faut le dire un risque de ferveur qui ne va pas dans le même sens que la destruction des idoles et le conseil ou l'injonction de Nietzsche à nous libérer, mettre à profit l'art de la nuance, devenir des expérimentateurs, nous retourner contre nos meilleurs maîtres, et même savoir se défaire de son enseignement pour mieux le retrouver. Dès lors, se pose aussi la question de savoir comment concilier une certaine loyauté envers Nietzsche tout en la poussant jusqu'à se faire suffisamment intelligent pour reconnaître à la fois chez lui ce qu'il y a de bon et, plus difficile, ce qu'il y aurait à corriger. Bref, est-ce que la meilleure compréhension de son œuvre nous la fait accepter ou peut-on encore trouver sur la base de ce qui y est développé de quoi remettre en cause cette pensée elle-même ?
Pour ma part, je comprends parfaitement le mot de Nietzsche, plus je fais l'effort de m'en éloigner, de me singulariser, et plus je reviens finalement à ce que son enseignement préconise. Mais il n'y a pas de rupture radicale et les écarts semblent se résorber, nous lier plus que de nous éloigner. Ou, paradoxalement, le même amour du lointain nous rapproche. Il y a toujours cette reconnaissance, cette amitié (même dans une possible rivalité) mais jamais hostilité comme si l'emprise de Nietzsche ne pouvait plus être défaite, ses jugements étant toujours confirmés, validés. Peut-on alors décapiter ce philosophe comme il l'avait fait avec son propre éducateur ?
Pour finir, je dirais que si je comprends très bien la responsabilité et l'enjeu de sa grande politique il me semble aussi que nous devons en considérer l'aspect utopique. Suspicieux à l'égard de la démocratie je me suis pourtant réconcilié avec cette notion au regard de conceptions nouvelles faisant intervenir bien des thèmes nietzschéens (multiplicité, ordre et chaos, exigence de singularité, disensus et conflit, etc.). Je ne vois pas cela comme une trahison, néanmoins il me semble que la partie politique, même si elle est peut-être au finale la plus importante, est aussi la plus fragile et je comprends mieux en un sens ce que l'on appelle le nietzschéisme de gauche. Mais cela relève peut-être d'une préférence et non d'une critique fondée d'après la logique de la pensée de Nietzsche puisque l'on sait à quel point il était hostile à la démocratie et à l'État - quoiqu'il trouvait la plus grande noblesse chez Périclès ou Brutus (dans le cadre de la République romaine), même si cela s'explique par sa conception de ce qui fait un homme supérieur.
Et si l'on ne peut aborder Nietzsche dans sa propre perspective (ce qui de toute façon n'est pas vraiment envisageable puisque nous l'interprétons) quelles critiques vous paraissent fondées ?
Néanmoins, dans Après Nietzsche Giorgio Colli réussissait déjà à montrer quelques failles ou en tout cas quelques hypothèses à prolonger et certains obstacles dans la démarche et l'élaboration de la pensée du philosophe allemand. Par ailleurs, il enjoignait le lecteur à se montrer aussi sévère que Nietzsche à l'égard de lui-même. En effet, si Nietzsche se veut probe et s'il s'est fait le critique le plus virulent et pertinent de la tradition philosophique et des modes de vie des philosophes, peut-on également lui appliquer la même méthode et qu'en ressortirait-il ?
D'autre part, je suppose que nous sommes tous ici sensibles à sa pensée et la fréquentons, avec parfois il faut le dire un risque de ferveur qui ne va pas dans le même sens que la destruction des idoles et le conseil ou l'injonction de Nietzsche à nous libérer, mettre à profit l'art de la nuance, devenir des expérimentateurs, nous retourner contre nos meilleurs maîtres, et même savoir se défaire de son enseignement pour mieux le retrouver. Dès lors, se pose aussi la question de savoir comment concilier une certaine loyauté envers Nietzsche tout en la poussant jusqu'à se faire suffisamment intelligent pour reconnaître à la fois chez lui ce qu'il y a de bon et, plus difficile, ce qu'il y aurait à corriger. Bref, est-ce que la meilleure compréhension de son œuvre nous la fait accepter ou peut-on encore trouver sur la base de ce qui y est développé de quoi remettre en cause cette pensée elle-même ?
Pour ma part, je comprends parfaitement le mot de Nietzsche, plus je fais l'effort de m'en éloigner, de me singulariser, et plus je reviens finalement à ce que son enseignement préconise. Mais il n'y a pas de rupture radicale et les écarts semblent se résorber, nous lier plus que de nous éloigner. Ou, paradoxalement, le même amour du lointain nous rapproche. Il y a toujours cette reconnaissance, cette amitié (même dans une possible rivalité) mais jamais hostilité comme si l'emprise de Nietzsche ne pouvait plus être défaite, ses jugements étant toujours confirmés, validés. Peut-on alors décapiter ce philosophe comme il l'avait fait avec son propre éducateur ?
Pour finir, je dirais que si je comprends très bien la responsabilité et l'enjeu de sa grande politique il me semble aussi que nous devons en considérer l'aspect utopique. Suspicieux à l'égard de la démocratie je me suis pourtant réconcilié avec cette notion au regard de conceptions nouvelles faisant intervenir bien des thèmes nietzschéens (multiplicité, ordre et chaos, exigence de singularité, disensus et conflit, etc.). Je ne vois pas cela comme une trahison, néanmoins il me semble que la partie politique, même si elle est peut-être au finale la plus importante, est aussi la plus fragile et je comprends mieux en un sens ce que l'on appelle le nietzschéisme de gauche. Mais cela relève peut-être d'une préférence et non d'une critique fondée d'après la logique de la pensée de Nietzsche puisque l'on sait à quel point il était hostile à la démocratie et à l'État - quoiqu'il trouvait la plus grande noblesse chez Périclès ou Brutus (dans le cadre de la République romaine), même si cela s'explique par sa conception de ce qui fait un homme supérieur.
Et si l'on ne peut aborder Nietzsche dans sa propre perspective (ce qui de toute façon n'est pas vraiment envisageable puisque nous l'interprétons) quelles critiques vous paraissent fondées ?