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descriptionÉtat et théocratie sont-ils compatibles ? EmptyÉtat et théocratie sont-ils compatibles ?

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Bonjour,
Je souhaiterais faire appel à des esprits éclairés pour m'aider dans une réflexion concernant la possibilité qu'un régime véritablement théocratique puisse être un authentique État.

De ce que j'en sais, l'une des caractéristiques propres à l’État est la souveraineté. Est dit souverain celui qui ne subit pas la puissance d'une autorité supérieure, et qui par conséquent a la capacité de déployer sa propre puissance (c'est là l'explicitation de la définition que donne Bodin de la souveraineté : "la puissance absolue et perpétuelle de la république"). Cela implique qu'on ne peut pas qualifier d'État tout régime politique qui dépendrait d'une autorité extérieure à lui-même où à la société qu'il régit (le peuple pouvant être souverain). Or dans une théocratie véritable, l'autorité politique est subordonnée à celle de Dieu - puisque c'est Dieu qui détient le pouvoir. Si l'on prend cela pour prémisses, on ne peut, selon moi, qu'en conclure qu'un État ne peut être une théocratie, et vice versa ; et que la dénomination "État théocratique" n'est qu'un parfait oxymore...

Tout avis sur la question sera fort apprécié !

Merci d'avance

descriptionÉtat et théocratie sont-ils compatibles ? EmptyRe: État et théocratie sont-ils compatibles ?

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Yorick08 a écrit:
Cela implique qu'on ne peut pas qualifier d'État tout régime politique qui dépendrait d'une autorité extérieure à lui-même où à la société qu'il régit (le peuple pouvant être souverain).
Or dans une théocratie véritable, l'autorité politique est subordonnée à celle de Dieu - puisque c'est Dieu qui détient le pouvoir.

Bonsoir Yorick,

Vous ne devriez pas prendre pour argent comptant ce que les hommes veulent bien raconter, il serait peut-être plus sage de remettre les choses en question, en particulier, toutes les prétentions et idéologies de base.
Ainsi, allons à la source de votre problématique : avez-vous vu Dieu descendre régulièrement des nuées, en personne, pour dicter ses lois et conditions ? Réponse : non.
Avez-vous lu, dans un seul livre religieux fondamental, de quelque religion que ce soit, qu'une société humaine devait autoritairement s'organiser, par la politique, autour de lois écrites dans les livres sacrés à des fins d'ascèse individuelle ? Ou qu'il fallait nommer un Roi, représentant de Dieu sur Terre ? Réponse : non.
(même la Charia islamique est traduite par "voie à suivre pour la paix", il n'est pas indiqué qu'il faille imposer des règles contraignantes à toute une communauté, par le biais du pouvoir politique, selon Tarik Ramadan, lui-même, tel qu'il l'a exprimé récemment. Même s'il y a d'autres interprétations, bien sûr. De même, le Tibet, avant l'arrivée des Chinois, avait beau ressembler à une théocratie, c'était aussi une interprétation humaine, collective et matérielle, de conseils transcendants, individuels et spirituels, et vous ne trouverez nulle trace de lois politiques autoritaires chez Bouddha ou chez tout éveillé, dans les écrits fondamentaux. Au contraire, les éveillés orientaux, ou les saints dans la chrétienté, n'ont pas prétendu au pouvoir politique, mais se sont cantonnés dans une ascèse personnelle, humble et discrète, parfois même en ermitage ou en monastère.

Par conséquent, ce n'est pas Dieu qui détient le pouvoir dans une théocratie, ce sont simplement les hommes qui ont interprété ce qu'ils voulaient à partir des livres sacrés, avec les mots et les idées qui leur convenaient, et qui en ont déduit une politique générale et collective à appliquer de façon plus ou moins autoritaire. Et ce, alors qu'il est spécifié dans les écritures sacrées que les conseils ou ordres divins sont des outils de réalisation spirituelle personnels et intimes.
Que les hiérarchies religieuses officielles aient appuyé ces agissements politiques ne change strictement rien au caractère totalement subjectif de la démarche : mordicus, cela n'est pas dans les livres sacrés.
Ainsi, la théocratie est basée, non pas sur Dieu, ni sur une Objectivité surnaturelle, mais sur une idéologie humaine subjective, comme l'est aussi toute société démocratique ou dictatoriale, toute société communiste ou capitaliste, etc. On peut donc dire qu'une théocratie est un État comme un autre.
Je ne prétends pas que la théocratie est forcément négative, car elle peut être aussi très positive, voire, nécessaire à l'évolution et à la création d'un pays. Je dis simplement que, compte tenu du fait que la théocratie se manifeste sous forme de bonnes et mauvaises choses, et sous une forme collective relativement contraire à l'esprit des Ecritures sacrées, on ne peut la qualifier de divine et de parfaite.

Et puis, on peut aussi penser à l'Histoire, voir que la laïcité n'a pas toujours existé, et que, par exemple, l'Église avait une forte position à certains moments, et a fort heureusement influencé la société en termes de mœurs, de charité, d'éducation, d'élévation de l'esprit dans les arts et sciences, etc., malgré quelques drames évidents, puisqu'une évolution est toujours lente et chaotique, et qu'on partait de la barbarie. Le pays a même pour origine constitutive, un choix religieux, la conversion de Constantin, alors si une théocratie n'est pas un État, qu'est-ce qui est un État ?
La France n'a pas été bâtie, ni créée, avec les valeurs actuelles laïques et matérialistes, ne l'oublions pas.
Ceci pour dire que les éléments théocratiques font aussi partie, indirectement, de la France d'aujourd'hui, de l'État, grâce à l'Histoire et à notre héritage. L'humanisme est la suite logique de la chrétienté, d'une certaine façon, de même que l'adoucissement progressif des mœurs, ainsi que tant d'autres choses...

descriptionÉtat et théocratie sont-ils compatibles ? EmptyRe: État et théocratie sont-ils compatibles ?

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Merci pour votre réponse !

Vous m'avez d'ores et déjà apporté des éléments d'éclaircissement. Cela dit, ce que j'entends par théocratie est quelque chose d'absolument théorique : soit un régime politique où Dieu est souverain, et qui n'a à vrai dire que peu de chance d'avoir jamais existé, ou d'exister un jour (car Dieu n’apparaîtra probablement jamais sur terre pour se poser en substitut à l'autorité politique préexistante).

Je crois qu'il y a un vrai problème avec la notion de théocratie, dans le sens où on confond souvent cette catégorie purement théorique de régime avec la hiérocratie, qui correspond au gouvernement des clercs et des religieux prétendant être les dépositaires de l'autorité divine. 

État et hiérocratie ne me paraissent pas incompatibles, puisqu'en hiérocratie les dépositaires de la souveraineté sont des individus faisant partie d'un groupe social qui forme un État. La souveraineté n'est donc pas dans ce cas extérieure au gouvernement et à la société, contrairement à une situation de théocratie "pure" et théorique où la souveraineté est en dehors de la société (et même du monde tel qu'il nous est accessible).

L'exemple type de la hiérocratie serait la République islamique d'Iran : le clergé détient le pouvoir suprême, avec notamment un droit de veto sur les lois votées par le parlement et les décisions de l'exécutif ; et il s'agit bien d'un État.

descriptionÉtat et théocratie sont-ils compatibles ? EmptyRe: État et théocratie sont-ils compatibles ?

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Votre problématique vient d’un défaut de définition. Brièvement :
-  État : ensemble d’institutions (politiques, militaires, économiques, juridiques) qui organisent une société sur un territoire donné. La pouvoir doit être permanent, entendons détaché d’une personnalité. C’est en partie le sens de la formule « le roi est mort, vive le roi ».

De ce que j'en sais, l'une des caractéristiques propres à l’État est la souveraineté. Est dit souverain celui qui ne subit pas la puissance d'une autorité supérieure, et qui par conséquent a la capacité de déployer sa propre puissance (c'est là l'explicitation de la définition que donne Bodin de la souveraineté : "la puissance absolue et perpétuelle de la république").

Chez Bodin, la monarchie est sacrée. Le prince n’est qu’un lieutenant de Dieu, il ne dispose que d’une majestas secunda – qui existe déjà à Rome avec les Empereurs. Il s’inspire d’ailleurs de Hobbes, la monarchie est absolue – mais sans l’individualisme hobbien. Pourtant, il ne s’agit nullement d’une tyrannie – comme « Le Prince », pour lequel il a des mots durs. Le roi doit suivre les lois naturelles, reflet de la volonté divine. Votre problématique devient tout d’un coup moins complexe. La transcendance du pouvoir n’est en rien incompatible avec l’État.

Pour terminer le travail de définition :

- Théocratie : gouvernement émanent d’une divinité, et dont le souverain est présenté comme représentant, en étant lui-même vénéré comme un dieu. On voit bien la différence avec la monarchie française, avec des nuances selon les époques.

Dernière édition par Impero le Sam 4 Avr 2015 - 11:01, édité 1 fois

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Impero a écrit:
Chez Bodin, la monarchie est sacrée. Le prince n’est qu’un lieutenant de Dieu, il ne dispose que d’une majestas secunda – qui existe déjà à Rome avec les Empereurs. Il s’inspire d’ailleurs de Hobbes
Bodin, 1529-1596 ; Hobbes, 1588-1679. Ça laisse peu de temps à Bodin pour s'inspirer de Hobbes.
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