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Le conditionnement social

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5 participants

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Texte initial, de Margaret Mead :
Quand nous opposons le comportement typique de l’homme ou de la femme arapesh à celui, non moins typique, de l’homme ou de la femme mundugumor, l’un et l’autre apparaissent de toute évidence, être le résultat d’un conditionnement social [...]. Seule la société, pesant de tout son poids sur l’enfant, peut être l’artisan de tels contrastes. Il ne saurait y avoir d’autre explication, que l’on invoque la race, l’alimentation ou la sélection naturelle.
Nous sommes obligés de conclure que la nature humaine est éminemment malléable, obéit fidèlement aux impulsions que lui communique le corps social.



Vangelis a écrit:
Crosswind a écrit:
Le conditionnement social serait donc l'action, étalée dans le temps, de la société sur les comportements cognitifs de chaque être humain qui la compose.


A moins que vous ne développiez l'interaction entre le comportement et le conditionnement par le biais des processus cognitifs  - ce qui n'est pas une mince affaire - vous allez embrouiller notre ami.


Oui, je m'attendais à cette remarque. A vrai dire, j'ai longtemps hésité avant d'incorporer cet adjectif, les conséquences n'étant, comme vous le soulignez, pas des plus simples à appréhender. De plus, et vu le contexte de la question, j'aurais parfaitement pu (du ?) m'en tenir à l'aspect strictement comportemental. Cependant, puisque j'ai fini par l'y incorporer, je me sens dans l'obligation d'en tenter l'explication, quand bien même cette tentative aboutit à une forme de hors-sujet voire, en bout de course, à l'amputation du mot de la citation. Soit.

Il n’est pas interdit de penser que l’environnement culturel puisse influencer, conditionner, la manière dont les processus cognitifs agissent* puisque les raisonnements, les catégorisations et la mise en ordre des choses sous forme de concept ne peuvent pas être nécessairement pris pour invariants, ni comme disposant d'une base invariante, l’unicité de la relation cognitive et des catégories qui en résultent n’étant en réalité qu’une hypothèse. Partant de là, il est possible de recourir à l’abstrait et de continuer dans les tréfonds de la philosophie de la connaissance, mais cela n’est pas nécessaire dans le cadre de la question posée et l’on peut s’en tenir au constat de la multiplicité des rapports cognitifs comme point de départ explicatif. Il s'agit de montrer que, si les processus cognitifs peuvent être multiples et irréductibles entre eux pour certains, ils peuvent parfaitement être modifiés par contact culturel. Le lien nouant le comportement à la cognition me semble évident, je ne le développerai donc pas ici.

Pour appuyer mes propos, je prendrai l’acculturation subie par les populations mélanésiennes de Nouvelle-Calédonie. Chez eux, la personne n’était pas individuée. L’identité et le devenir n’étaient donc en rien liés à un corps, mais à une parenté et à un totem ancestral. La « personne » ne disposait pas d’un nom mais de plusieurs, convergents. Il y avait autant de noms que de rapports de parentés, pas de noms « propres » mais des noms de position sociale, pas d’usage exclusif du « je ». Leur langue disposait donc d’une série de mots et de règles propres à leurs processus cognitifs et leurs comportements en était d’autant influencés. Lors de la colonisation, cette population a progressivement migré d’une conception mélanésienne de la « participation sociale » vers une conception occidentale individualiste. Les pratiques et les comportements se sont modifiés suite au glissement du rapport cognitif au contact d’une culture différente. Nous avons donc bien ici, à mon sens, l’exemple d’un ensemble de relations cognitives modifiées par conditionnement social. Les colons ont diffusé leurs processus cognitifs afin de remplacer ceux des colonisés, et le comportement de ces derniers s’en est vu affecté. Ce n’étaient pas l’information et le stockage cognitifs qui étaient différents entre colons et colonisés, mais bien les concepts et les comportements associés.

Plus près de nous, je mentionnais en exemple la tendance à la neutralisation des comportements sexués des petits enfants. Je pourrais également avancer la question portant sur le sentiment d'appartenance d'une personne adulte à un sexe donné. L'origine en est-elle physique ou psychique ? Ce type de questionnement repose sur les relations cognitives de celui qui se le pose. Un processus cognitif donné peut fournir à son "propriétaire" l'évidence d'un sexe caractérisé physiquement qui se manifeste au travers d'un comportement stéréotypé (groupe A) tandis qu'un autre pourrait ne s'en tenir qu'au sexe physique, niant par là une quelconque influence de genre sur le comportement (groupe B). Cette relation cognitive particulière aura d'immanquables répercutions sur le comportement général des deux propriétaires, A et B. Si d'aventure un groupe d'individus A entre en contact avec un groupe B, les influences des uns sur les autres modifieront les rapports cognitifs de telle sorte qu'un nouvel équilibre, A, B ou C, s'établira. Mais dans tous les cas, il y aura glissement d'une partie du processus cognitif de tout ou partie du groupe, et donc modification comportementale.

Pour synthétiser l'idée : les processus cognitifs ne sont pas coulés dans le marbre mais bel et bien multiples, voire irréductibles (et ce point est d'importance) entre eux dans certains cas. Le comportement individuel est influencé par la cognition, tandis qu'elle-même se voit modifiée, influencée, par la proximité sociale.


*(nota : par souci de simplification, je considère ici la saisie d’information puis son stockage comme des fonctions invariantes au sein des processus cognitifs humains, tandis que la partie qui concerne le traitement de ces informations serait quant à lui modifiable)

Dernière édition par Crosswind le Mar 29 Sep 2015 - 14:16, édité 6 fois

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Margaret Mead déconstruit ici une certaine conception théorique de la "nature humaine" suivant laquelle se perpétue une répartition sexuée des rôles sociaux et la domination masculine. En montrant que des groupes humains adoptent de par le monde des attitudes toutes différentes à l'égard des sexes, elle attaque directement la légitimité de cette répartition sexuée, disons, occidentale. En effet, si celle-ci est pensée comme allant de soi, parce qu'ancrée dans la nature humaine - et alors il est vain et mauvais de lutter contre elle -, en montrant son caractère arbitraire (non nécessaire, non naturel) on détruit du même coup son fondement. Il devient alors possible de concevoir théoriquement une autre répartition des rôles, suivant laquelle le sexe d'un individu n'est pas susceptible de déterminer sa place, sa valeur, ses qualités... Mais à un autre niveau, plus pratique, on s'aperçoit bien vite que le "conditionnement social", l'ensemble des mécanismes conduisant à reproduire la société et plus particulièrement ici la répartition sexuée des rôles, est très puissant : il ne suffit pas de montrer que les catégories hommes-femmes sont des constructions sociales arbitraires pour que celles-ci disparaissent : non, il faut encore étudier en détail ces mécanismes, comment ils opèrent dès l'enfance, pour les "désamorcer" et les transformer petit à petit. Ce sont les Gender Studies. Le terme de conditionnement social est à penser en relation à l'idée d'une nature humaine. Si la nature humaine est "malléable", vide de contenu, si elle n'entraîne pas de nécessité particulière au point de vue des sexes, mais que, par ailleurs, on observe que la répartition sexuée des rôles est bien réelle, bien effective, et très puissamment ancrée dans les esprits, c'est qu'autre chose que la nature humaine produit cette répartition des rôles. Il s'agit du "corps social" : "la nature humaine est éminemment malléable, obéit fidèlement aux impulsions que lui communique le corps social". C'est-à-dire ce monde que vous trouvez-là, déjà-là, lorsque vous êtes "venu au monde", dans lequel vous avez été élevé. C'est-à-dire aussi ces forces qui vous contraignent quotidiennement à produire certaines pratiques, certains schémas de pensée, etc. Si vous les adoptez, vous ne sentez aucune pression ; mais aussitôt que vous tentez de dévier, les autres, votre famille, votre entourage, la police, etc., vous rappellent à l'ordre et vous signifient que vous faîtes fausse route. Quel choix avez-vous d'utiliser l'argent pour faire vos courses ? Tant que vous adhérez à cette pratique, tout va bien ; sitôt que vous la remettez en question, vous vous heurtez à "la société" toute entière. Il y a donc des "forces" sociales, extérieures à vous-même, objectives, qui façonnent votre manière d'être, vous "conditionnent". Ainsi par exemple l'attribution du rose aux fille et du bleu aux garçons fait partie de ces mécanismes concrets qui ancrent dès l'enfance, et visuellement (ce qui est très puissant), une différence entre garçons et filles, différence à partir de laquelle s'élabore, socialement construite, la domination masculine. Vous n'y pouvez rien, ou pas grand chose, du moment que la plupart des individus pratiquent et conçoivent cette différence entre les sexes : celle-ci est à l'extérieur de vous-même, quand bien même vous en prenez conscience et la rejetez, elle vous contraint, vous conditionne.

descriptionLe conditionnement social EmptyRe: Le conditionnement social

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Zingaro a écrit:
 C'est-à-dire ce monde que vous trouvez-là, déjà-là, lorsque vous êtes "venu au monde", dans lequel vous avez été élevé. C'est-à-dire aussi ces forces qui vous contraignent quotidiennement à produire certaines pratiques, certains schémas de pensée, etc.


Mais pourquoi ne pas considérer l'inverse ? Comment déterminer si le monde est appris, car déjà-là, ou constitué par procédure cognitive ? Je me doute bien que la sociologie, l'ethnologie, en tant que sciences, doivent impérativement admettre l'hypothèse d'un monde déjà-là. Mais cela déforce la portée de leurs propos quant à l'universalité de leur contenu.

Merci pour votre explication, je situe mieux la pensée de cette dame.

descriptionLe conditionnement social EmptyRe: Le conditionnement social

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Crosswind a écrit:

Mais pourquoi ne pas considérer l'inverse ? Comment déterminer si le monde est appris, car déjà-là, ou constitué par procédure cognitive ?

Je ne comprends pas le sens de votre question. Vous n'avez pas inventé le langage que vous utilisez, ni les traditions pour autant qu'il en reste, ni le droit, les institutions, le système économique, ni les techniques que vous employez chaque jour ; tout ce au sein de quoi vous évoluez, vous n'y êtes (à peu près) pour rien, et cela vous dépasse en grande partie, s'affirme face à vous : résiste lorsque vous entrez en contradiction. Ce n'est pas autre chose. Je crains que vous fassiez intervenir des problèmes qui n'ont pas vraiment lieu d'être dans ce fil. Le problème fondamental ici, comme souvent d'ailleurs en anthropologie, est la tension entre institué et instituant : la question de l'ordre, son origine, sa reproduction et son évolution (éventuellement le risque de sa "désintégration", problème qui hante par exemple la sociologie d'Émile Durkheim).

Si vous souhaitez en savoir  plus au sujet des courants dominant actuellement en sociologie, je vous conseille La construction sociale de la réalité de Berger et Luckmann, un peu daté (1966) mais toujours d'actualité et assez clair. Il me semble que vous y trouveriez quelques réponses.

descriptionLe conditionnement social EmptyRe: Le conditionnement social

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A Zingaro : je vous ai répondu par MP, afin d'éviter un hors-sujet supplémentaire.

A Kercoz :
Je me replace temporairement dans la posture scientifique. Si je peux naturellement comprendre la nuance évoquée en ce qui concerne la rigidité de notre nature comportementale, j'ai beaucoup plus de mal avec la suite de votre texte qui m'apparaît terriblement confus. De quoi parlez-vous lorsque vous opposez des "itérations successives" à un "écart important originel" ? L'exemple illustré ne m'éclaire en rien.
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