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descriptionRecherche sur la modification lexicale du mot "Temps". EmptyRecherche sur la modification lexicale du mot "Temps".

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Bonjour,
Dans sa 6e édition le DAF (Dictionnaire de l'Académie française) en 1835, modifie durablement l'orthographe du mot Temps en lui adjoignant un P. Ainsi, alors que cette période est marquée par un retour aux lettres grecques dont le H (autheur, rhythme, etc.), c'est le contraire qui se produit pour le mot Temps : de sa racine grecque (couper), il lui est désormais attribué une racine latine (tempo). Dans l'article qui lui est consacré, l'Académie ne précise pas les raisons, ni conditions de ce changement. Pas davantage que dans la préface de cette 6e édition. Or, il me semble que cette "évolution" n'est pas neutre. Je soumets donc cette question ici, en espérant ne pas être hors sujet, et bien consciente de la difficulté de la tâche. Je vous remercie vivement par avance.

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Donadieu a écrit:
Dans sa 6e édition le DAF (Dictionnaire de l'Académie française) en 1835, modifie durablement l'orthographe du mot Temps en lui adjoignant un P.


Bonjour,

il s'agit d'un rétablissement plutôt que d'une adjonction. Les latins se contentèrent, comme souvent, de  conserver le terme grec : le verbe τέμνω se retrouve tel quel dans temno (auquel ils préféraient le composé contemno, parfait en -tempsi et supin en -temptum), qui n'entretient pas de rapport avec le nom tempus, -oris, semble-t-il, comme le précise Chantraine dans l'article correspondant de son Dictionnaire étymologique (dernier § de l'article, p. 1104 du dictionnaire et p. 1122 dans le format PDF) :
le rapprochement avec le lat. temnō « mépriser » est très douteux


Or aucune des 4 racines du verbe τέμνω (τεμ, τομ ─ cf. atome, anatomie, épitomé, etc. ─, ταμ, τμ) ne permet d'expliquer la morphologie du français tems ou temps, qui vient bien du tempus, -oris latin (racine temp), lequel désigne certes une coupure, une division dans la durée, par opposition à aevum, qui a donné âge, etc. La décision de l'académie s'explique précisément parce que, dans sa volonté de rendre à certains mots français leur racine grecque, elle est amenée en même temps à le faire pour les mots d'origine latine, en corrigeant certaines "irrégularités" dans la prononciation du latin à la fin de l'empire romain. L'accusatif latin, à l'origine de la forme de tant de nos vocables français, permet de comprendre ce qu'il s'est passé : tempus (neutre de la 3e décl.) a subi l'amuïssement, d'abord de la voyelle "u", ensuite de la consonne "p" (mais le "p" se maintient dans la plupart des termes de la famille). Si ce n'est pas le cas du "s", c'est sans doute qu'au moyen âge, sa fonction grammaticale était trop importante. Par exemple, au singulier, un "s" indiquait le cas-sujet (cf. anciens nominatifs singuliers en "s" du latin) par opposition au cas-régime (cf. anciens accusatifs en "m").

Vous trouverez des personnes plus compétentes dans ce forum, où l'on trouve un fil de discussion qui devrait vous interesser : ici.

Je poursuis quand même mes recherches, mais je ne trouve rien pour l'instant ─ ni chez Fernand Martin, ni chez Léon Clédat, Petitmangin, Podvin, pas plus que dans le Gaffiot ou le Bailly ─ qui permette d'établir un rapport entre le verbe grec et le nom latin (rapport d'autant moins crédible quand on connaît la facilité avec laquelle les Grecs pratiquaient la dérivation impropre).

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Merci infiniment de vos efforts, et prompts. Ces réponses et références me sont d'ores et déjà en elles-mêmes un authentique sujet de réflexion. Je ne suis suis ni latiniste, ni linguiste, juste chargée de cours sur les sujets afférents au traitement de l'information. Le Temps et les rapports que nous entretenons avec lui étant pour certains un enjeu, pour d'autres un levier, y compris d'instrumentalisation dans notre relation à ce qu'il est convenu d'appeler "l'actualité". Et oui donc : une dimension politique, au sens large. Par ailleurs, sujet passionnant que celui du Temps pour ceux qui s'intéressent à la physique, ce qui est mon cas.
Incidemment, sujet de réflexion également, que votre précision quant à l'inclinaison des Grecs à pratiquer les déclinaisons impropres. Souci "d'efficacité" langagière ? Pensée centrée sur la finalité de l'action énoncée ?
Le problème avec les questions c'est leur penchant à maintenir leur espèce par la prolifération.
Je vais essayer de ne pas abuser de votre érudition.

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Donadieu a écrit:
Je [suis] chargée de cours sur les sujets afférents au traitement de l'information. Le Temps et les rapports que nous entretenons avec lui étant pour certains un enjeu, pour d'autres un levier, y compris d'instrumentalisation dans notre relation à ce qu'il est convenu d'appeler "l'actualité". Et oui donc : une dimension politique, au sens large.

Peut-être les avez-vous déjà lus, mais si ce n'est pas le cas, je vous recommande les livres de Gilles Lapouge, Utopie et Civilisations, chez Champs Flammarion, où l'on trouve de nombreuses analyses sur l'évolution de notre rapport au temps ─ et pleines d'humour ─, et de Jacques Ellul, La parole humiliée, où l'on trouve également des remarques importantes à ce sujet (au reste, Ellul est essentiel pour penser ce qu'on appelle l' « actualité »).

Donadieu a écrit:
Par ailleurs, sujet passionnant que celui du Temps pour ceux qui s'intéressent à la physique, ce qui est mon cas.

Il y a un vieux fil de discussion consacré à la question du temps, ici, dont j'ai oublié le contenu ; peut-être y trouverez-vous quelques sujets de réflexion.

Donadieu a écrit:
l'inclinaison des Grecs à pratiquer les déclinaisons impropres.

Vous vouliez dire, sans doute : « dérivation » impropre ?

Donadieu a écrit:
Souci "d'efficacité" langagière ? Pensée centrée sur la finalité de l'action énoncée ?
Difficile à dire. La langue grecque est d'une inventivité prodigieuse. Jacqueline de Romilly en a beaucoup parlé dans son opuscule, Petites leçons sur le grec ancien, destinées au grand public.

Cordialement.
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