Sarah Za a écrit: tant donné qu'on ne peut réellement réfuter l'existence d'une puissance transcendante supérieure à l'homme, peut-on blâmer toute religion et toute croyance se basant sur le fait de croire en l'existence d'une supériorité ?
A partir de Kant, on ne peut prouver ni l'existence ni l'inexistence de Dieu. La religion postule donc quelque chose en trop, soit l'existence de Dieu, lequel est inconnaissable. Il n'est donc affaire que de croyance. Or, par définition, toute croyance est croyance en
rien. Rien qui soit démontrable, qui puisse faire l'objet d'une preuve. La rigueur intellectuelle voudrait, comme le disait Wittgenstein, que "ce dont on ne peut parler, il faut le taire." La croyance ressortit à l'intime, mais ne peut et ne doit pas influencer notre recherche philosophique. Et ce par rigueur intellectuelle.
Le problème, si chacun se contente de croire ce qu'il veut, c'est que dans la plupart des cas, non seulement cela justifie le dogmatisme, mais aussi l'hétéronomie individuelle de celui qui est à lui-même sa propre autorité et ne se rend pas compte que ses préjugés sont hérités, qu'il n'est au fond que le relai d'un discours qui n'est pas le sien. Difficile, donc, de dire que chacun croit ce dont il a envie, au sens de vouloir et décider l'objet de ma croyance. Cependant, on désire le plus souvent croire en ce que l'on croit, car la croyance est censée soutenir nos préférences, les justifier. Mais encore faut-il savoir si l'on désire soi-même vraiment cela en quoi l'on croit, et si cela est désirable. Or, le plus souvent, on désire aveuglément ce que d'autres désirent et choisissent pour nous, et cela peut tout à fait justifier un état de domination à notre propre encontre. Enfin, dire ce que l'on croit en quelque chose, c'est paradoxalement avouer qu'on ne dispose pas de la vérité que l'on prétend détenir. Même la certitude, comme sentiment, ne fait pas la réalité de l'objet de la croyance. Il faudra donc bien poser la question de la vérité, au regard de laquelle seules les personnes logiques, cohérentes (non disposées à se laisser guider par leur sentimentalité, leur désir que ce qu'elles souhaitent pour elles-mêmes soit vrai, puisque ce souhait ne crée pas son objet mais suscite l'illusion de son existence) se sentent malheureusement gênées par les différentes prétentions non fondées des uns et des autres. Par ailleurs, comparer des croyances, c'est les exposer à leur propre incertitude.
Sarah Zia a écrit: Je vois, depuis quelque temps, de plus en plus d'athées affirmer qu'ils détiennent la vérité
Ce sont donc des croyants. Mais le problème c'est que de nombreux religieux verront là un argument pour réfuter les athées et prouver leur propre position. Or ils sont eux-mêmes des croyants. Il vaut donc mieux s'abstenir, ce qui somme toute nous rapproche le plus de la position athée. Si l'on ne peut dire que Dieu existe ou inexiste, on peut en tout cas s'en passer. Du moins, intellectuellement. Car certains semblent en avoir un besoin pathologique, quitte à influencer leur raisonnement dans le sens d'une justification de son existence. Or ce que je désire, et qui devrait exister pour me satisfaire, existe-t-il nécessairement ?
Sarah Zia a écrit: Chacun sa vérité, mais respectons celle des autres... non ?
Le respect d'autrui ne signifie pas qu'il a raison. Tout le monde aurait raison en même temps ? Non, et il faut donc pouvoir discuter nos croyances, nos opinions. Cela signifie qu'il faut un espace public de discussion où la pluralité peut être garantie. C'est un problème politique. Plus profondément, il faut peut-être considérer qu'il n'y a plus une vérité à atteindre. A viser, oui, mais tout dogmatisme est à exclure, puisque chacun revendique sa vérité. Par la discussion, cependant, on peut à la fois réfuter ce qui ne tient pas la route, voire progresser dans nos connaissances, ne serait-ce que dans la manière de soulever les problèmes. Je vous renvoie à Milton et à Popper.