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Le Paradoxe Sorite solutionné par les probabilités ?

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"Je note tout de même que le paradoxe sorite, suivant Wikipedia ..." Outre Wikipédia, je vous suggère de lire le cours que Julien Dutant a donné à l'EHESS sur les paradoxes sorites.

"La question du continu vous aiderait à mieux comprendre de quoi il retourne". Oui et non. Certes, la considération du continu pose le problème de l'arrêt, de la frontière qui ne sera jamais, par définition, naturelle, mais toujours arbitraire. C'est manifestement le cas si une règle pose, par exemple, que telle épreuve doit durer une heure : à partir de quelle durée en plus ou en moins un candidat malheureux est-il fondé à former un recours pour non-respect de la réglementation ? Mais la difficulté à définir les termes sorites, à réduire ce que Dutant appelle "la tolérance" inhérente au "vague" et qui, selon lui, est leur principale caractéristique ne tient pas seulement au caractère arbitraire (non-naturel) de la frontière. On admettra qu'un "tas" de sable, quelle que soit l'extension qu'on est prêt à lui accorder, est nécessairement composé de "grains" de sable, c'est-à-dire d'entités atomiques (au sens étymologique atomos = "indivisible"), in fine insécables. Tandis que le temps, comme le soulignait déjà Aristote, n'est pas composé d'"instants" atomiques, insécables. Comme l'explique Cantor, une durée a la puissance du continu. En d'autres termes, quelle que soit la durée considérée, l'ensemble des fractions de cette durée est équipotent à l'ensemble R des réels, c'est-à-dire qu'entre deux fractions successives t1 et t2, aussi rapprochées qu'on voudra, on pourra toujours intercaler une fraction intermédiaire ti postérieure à t1 et antérieure à t2. Ce qui n'est pas le cas pour un tas de sable. La quantité de ses grains est toujours équipotente à l'ensemble N des entiers naturels, autrement dit, la quantité de "grains" (aussi petits soient-ils, à la limite, réduits à des quanta de matière) d'un "tas" est non seulement mesurable mais aussi dénombrable. Bref, un tas de sable n'a pas la puissance du continu et ce n'est donc pas cela qui fait de "tas" un terme sorite. On voit, au passage, à quel point est ridicule l'attitude scientiste consistant à penser que réfléchir à de tels problème "c'est philosopher là où ce n'est pas utile, puisque l'approche scientifique fournit le point de vue le plus juste, le plus vrai" : loin de supprimer les sorites, c'est au contraire la précision de la mesure (dénombrable ou pas) qui les crée. Une mole d'atomes, c'est 6.02 ... x 10^23 atomes (nombre d'Avogadro) : si on enlève un atome, est-ce qu'on a toujours une mole ? Peut-on donner une réponse autre que probabiliste (en termes de cette logique floue évoquée supra) ?

Comme est ridicule la condescendance avec laquelle on peut affirmer que "réfléchir sur un paradoxe vieux de 2400 ans, cela me semblait anachronique". "Le paradoxe sorite [...] a été formulé au IVème siècle av. J-C. [...] les Grecs pouvaient-ils distinguer le continu du discontinu ? [...] Le tas de grains n'était-il pas pour eux une métaphore du milieu continu ? L'impossibilité de peser un grain  les aurait empêché de déterminer une limite quantitative claire". Non. Le paradoxe dit "du sorite" est attribué à Eubulide de Milet, un contemporain d'Aristote. Or, celui-ci, dans le livre VI de la Physique, déconstruit les paradoxes de Zénon au moyen, précisément, de l'argument du continu. Soit, par exemple, le paradoxe d'Achille et de la tortue : Zénon prétend qu'Achille ne rattrapera jamais la tortue au motif que, quelle que soit la fraction de distance (Zénon prend 1/2, mais il est facile de montrer qu'on peut prendre n'importe quel rationnel non nul inférieur ou égal à 1) qui les sépare au départ, il existe une infinité de parties à parcourir (et entre deux parties contiguës, une infinité de sous-parties, etc.) pour accomplir cette fraction de distance. Et comme, même la plus infime de ces parties requiert une certaine durée pour être parcourue, Achille, qui aurait donc besoin d'une durée infinie pour atteindre son but, ne l'atteindra jamais. Or, objecte Aristote, ni la distance, ni la durée ne sont des quantités discrètes, c'est-à-dire composées par contiguïté, ou, si l'on préfère, par addition ou composition de parties. L'une et l'autre ont, comme le dirait Cantor, la puissance du continu dans le sens où, quelle que soit la partie du tout d'une durée ou d'une distance, la partie ne pré-existe pas à ce tout qui en serait la composition mais, à l'inverse, c'est ce tout qui pré-existe à la partie, laquelle n'en est qu'une division a posteriori. Bref, les Grecs du IV° siècle avant l'ère commune possèdent manifestement la notion de continuité. En revanche, Zénon et les éléates, un siècle avant Aristote, semblent bien l'ignorer.

"Mais si vous pensez que les Philosophes n'échapperont jamais à la tentation de la Métaphysique [...]". Tous les philosophes ne sont pas métaphysiciens : Épicure, Hume, Nietzsche, Bergson, Arendt, Wittgenstein en sont quelques exemples. Par ailleurs, tous les paradoxes ne sont pas métaphysiques : si, comme l'explique Bergson, les paradoxes de Zénon le sont clairement (puisqu'ils visent à établir le caractère illusoire du mouvement), il existe des paradoxes logiques (par exemple, le premier théorème de Gödel), des paradoxes géométriques (illusions d'optique, objets impossible d'Escher), des paradoxes épistémiques (par exemple, celui de Russell), et, comme le souligne Julien Dutant, des paradoxes sémantiques, catégorie dont fait partie le sorite. Ce que tous les paradoxes ont en commun c'est, comme le suggère l'étymologie (para tèn doxan, "contre l'opinion"), de poser un problème théorique. À savoir que nous sommes toujours, à y bien réfléchir, irrésistiblement entraînés vers une conclusion contre-intuitive dans un raisonnement dont, par ailleurs, nous acceptons les prémisses : il existe des énoncés mathématiques vrais mais indémontrables, Achille-aux-pieds-de-vent ne devrait pas rattraper la tortue, l'escalier d'Escher nous ramène au rez-de-chaussée tout en continuant à monter indéfiniment, le barbier de Russell ne se rase lui-même que si et seulement s'il ne se rase pas lui-même, le tas de sable peut, à la limite, ne plus comporter qu'un seul grain. En pratique (ou plutôt, en pragmatique au sens où Peirce écrit que "le pragmatisme consiste à considérer quels sont les effets pratiques que nous pensons pouvoir être produits par l'objet de notre conception"), c'est-à-dire dans les faits, il n'y a jamais de paradoxe. Soit parce que le caractère contre-intuitif du problème n'a aucun enjeu pratique (le barbier de Russell, l'escalier d'Escher, l'incomplétude de Gödel), soit, au contraire, parce son enjeu pratique fait que le problème s'y trouve résolu par avance (Achille rattrape toujours la tortue, un grain de sable n'a jamais constitué un tas).

"Quel intérêt y-a-t-il à considérer une certaine masse de grains de sable comme étant un "tas" ?". Si, depuis la nuit des temps, les uns parlent de "tas de sable", d'autres de "pile of sand" ou de "mucchio di sabbia", d'autres encore de "sôros [d'où le terme "sorite"] psammou", etc., cela doit bien correspondre à quelque "intérêt" pragmatique, non ? Comme l'expliquent Wittgenstein ou Quine, le "vague" des termes sorites (c'est-à-dire, en fait, de la plupart des prédicats de nos langages naturels) n'est pas une marque de leur (de notre) imperfection. Bien au contraire : qu'ils soient difficilement définissables, que leur sens requière, donc, une grande tolérance,  leur procure une grande souplesse d'apprentissage et d'utilisation. Contrairement à l'incorrection syntaxique, le "vague" sémantique, loin d'être un défaut, est un facteur de créativité métaphorique et d'empathie communicationnelle. Sans prédicats sorites, pas d'effets rhétoriques, pas d'effets comiques, pas d'effets dramatiques, pas d'effets comiques, etc., bref, on n'a plus grand chose de ce qui constitue un langage authentiquement humain. Des problèmes pragmatiques surgissent inévitablement, en revanche, dès que la compréhension de l'un de ces termes entraîne des conflits, subjectifs ou inter-subjectifs, quant à une conduite concrète à adopter (qu'est-ce que le "bien", qu'est-ce qu'une "fièvre", qu'est-ce que la "pauvreté"?). D'où la tentation de conceptualiser, c'est-à-dire de donner des contours plus précis, sémantiquement moins "tolérants", à de tels termes, ce qui peut être du ressort des sciences, mais aussi de l'éthique, de l'art, du droit ou de la philosophie. Mais, encore une fois, définir les termes sorites ne fait que déplacer le problème sans jamais le résoudre, tant il est vrai qu'"à supposer que toutes les questions théoriques possibles soient résolues, les problèmes de notre vie demeurent encore intacts"(Wittgenstein, Tractatus, 6.52).

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Je viens de parcourir le texte de Julien Dutant. Si j'avais pu le faire quand Crampette a proposé son sujet, je ne serais pas intervenu. Je laisse la philosophie du langage aux philosophes du langage.

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 S'il est vrai que "la philosophie est un combat contre la fascination que des formes d’expression exercent sur nous"(Wittgenstein, le Cahier Bleu, 27), il est une forme d'expression qui nous fascine depuis toujours et qui, par conséquent, mérite certainement de susciter l'entreprise philosophique : c'est l'expression paradoxale. Admettons avec Julien Dutant que l'"on peut définir un paradoxe comme une conclusion apparemment inacceptable dérivée de manière apparemment valide de prémisses apparemment acceptables". Le cas des paradoxes sorites étant particulièrement intéressant, dans le prolongement de ce qui a été dit précédemment, je voudrais développer à présent deux points qui me paraissent importants : d'abord l'idée que les paradoxes sorites ne sont pas une conséquence du caractère vague de certains prédicats mais plutôt du caractère inexistant des sujets auxquels on attribue ces prédicats, aussi précis soient-ils ; ensuite (si j'ai le temps !) je montrerai que le paradoxe en général n'est rien d'autre qu'un argument sceptique qui, à ce titre, ne subsiste que d'un point de vue théorique tandis qu'il est balayé par la pratique.

Apparemment, comme le dit Julien Dutant, il n'y a de paradoxe sorite qu'en raison du caractère vague (pour la distinction du vague d'avec l'ambiguïté, la généralité et la relativité, cf. son cours) de certains prédicats. Rappelons d'abord qu'un prédicat est, dans le langage de la logique (différent en cela de celui de la grammaire) le corrélat d'un sujet logique auquel il attribue une propriété (cf. sur ce point, Sens et Dénotation des Noms chez Frege). Par exemple, dans "César conquit les Gaules", "César" est le sujet et "… conquit les Gaules" est le prédicat (pour Frege, le couple sujet/prédicat est un cas particulier du couple x/y ou x/f(x) de l'analyse mathématique). En tout cas, tout couple sujet/prédicat logiques est paraphrasable sous la forme "S est P". On voit tout de suite où se situe le danger sorite : jusqu'où peut-on valablement dire que S est un P ? Comme le souligne Julien Dutant, dans le langage naturel, nombreux sont les prédicats vagues qui rendent difficile, voire interdisent de tracer une frontière précise entre P et non-P et donc qui, en conséquence, prêtent le flanc à l'objection sceptique de l'arrêt. A contrario, en logique ou en mathématiques, la question est vite résolue : il faut et il suffit que S fasse partie du domaine de définition de P (on peut se demander si un triangle est isocèle, mais pas si un ver de terre est isocèle) pour, en consultant la définition de P, savoir si P est ou n'est pas une propriété de S. Dans de tels cas (idéaux), le risque de sorite est nul. Apparemment, il devrait en aller de même avec les concepts scientifiques. L'on sait, en effet, depuis Kant (cf. qu'apportent les Mathématiques aux Sciences ?), qu'il ne peut y avoir de concept, c'est-à-dire de prédicat scientifique (pour l'équivalence des deux termes, cf. Fonction et Concept chez Frege) que mathématisé. Or la précision du concept mathématisé devrait être de nature (peut-être est-ce même sa fonction) à garantir la bivalence d'un énoncé l'attribuant à un sujet appartenant à son domaine de définition : nécessairement tel corps résiste ou ne résiste pas à telles contraintes de température, d'humidité et de pression, telle molécule soigne ou ne soigne pas l'hypothyroïdie, etc. Dès lors, sous ces conditions, les deux réponses contradictoires "S est P" et "S n'est pas P" à la question "S est-il P ?" seront nécessairement l'une vraie et l'autre fausse. Ce qui est le propre du  principe de bivalence (pour la distinction entre "contradiction", "tiers exclu" et "bivalence", cf. Discussion du Principe de Tiers Exclu sur Wikipedia). Donc si,  comme le dit Julien Dutant, "les paradoxes sorites menacent surtout le principe de bivalence, c’est-à-dire nous poussent à considérer certains énoncés apparents comme n’étant ni vrais ni faux", on peut dire qu'à l'instar de ce qui se passe dans les mathématiques et dans la logique, en général, tout prédicat non-vague, en particulier, tout concept scientifique, est immunisé contre le risque de paradoxe sorite.

Et pourtant ce n'est pas le cas. On voit poindre ce risque, en effet, dès qu'il s'agit, non plus de répondre in abstracto, à la question "S est-il P ?", mais in concreto en vue d'en déduire une maxime d'action, et cela, quand bien même P est un prédicat (concept) scientifique.  C'est que, comme l'a remarqué Aristote, "l’intellect qui raisonne en vue d’un but [logizomenos] c’est-à-dire l’intellect pratique [praktikos] se distingue de l’intellect théorique [theoretikon] par sa fin [telei]. [...] Le terme final du raisonnement [sullogismos] est le point de départ de l’action" (Aristote, de Anima, 433a 13-16). Et de distinguer deux sortes de raisonnements ou syllogismes : le syllogisme théorique dont la forme la plus simple est "tous les Σ sont P, or S est un Σ, donc S est P", et le syllogisme pratique dont la forme canonique est "S est P, or je vise F comme fin souhaitable pour S, trouvons donc un moyen pour que P soit attribuable à F". Ce qui, rapporté à nos deux exemples précédents donne, par exemple : "cet alliage est résistant à telles contraintes, or j'envisage de construire un pont, trouvons donc un moyen de construire le pont avec cet alliage résistant" ; ou encore "manifestement, cette molécule compense les insuffisances thyroïdiennes, or il importe de soigner les insuffisances thyroïdiennes, fabriquons donc un médicament dont cette molécule soit le principe actif". Dans les deux cas, en supposant que "S est P" est la conclusion nécessaire d'un raisonnement théorique et que P n'est pas un prédicat vague mais, pour le dire avec des termes actuels, un prédicat (concept) scientifique, il reste que "le terme final du raisonnement est le point de départ de l’action". Et c'est évidemment là que commencent les difficultés : quelle proportion d'alliage dois-je utiliser pour construire le pont, quelle quantité de molécule dois-je inclure dans le médicament, etc. ? On dira que la première question n'équivaut pas à "cet alliage est-il résistant ?" ni la deuxième à "cette molécule a-t-elle des vertus thérapeutiques ?". Or, de telle questions n'exemplifient la forme générale "S est-il P ?" (rappelons que P est un concept scientifique) qu'à condition de sous-entendre tout un ensemble de conditions qui, par hypothèse, rendent P précis et non vague. Et parmi ces conditions, il en est qui sont relatives aux connexions de ce concept avec le monde réel : les "concepts" de centaure ou de pierre philosophale sont, certes, connectés avec des mondes possibles, mais non avec le monde réel. C'est pourquoi, contrairement à la formule mathématisée de la molécule médicale ou de l'alliage métallique, ce ne seront jamais des concepts scientifiques. Cela dit, dans la mesure même où P est un concept scientifique et non un pur concept mathématique ou un pur concept logique, la réponse à la question "S est-il P ?" présuppose la question "F est-il P ?" puisque F (la fin pratique visée) est une extension de S (le sujet théorique), c'est-à-dire une connexion déterminée de S avec le monde réel, et comme F n'est, par hypothèse, pas encore réalisée, "F est-il P ?" doit se comprendre comme "F sera-t-il P ?"

Il est, désormais, clair que la réponse à cette question n'a rien à voir avec la précision du prédicat (concept) scientifique de résistance aux contraintes ou de valeur thérapeutique puisqu'il s'agit d'appliquer ou non ledit concept à des choses futures, des choses qui n'existent pas encore au moment de la réflexion. Autrement dit, tandis que dans une perspective théorique, toutes les conditions d'attribution du prédicat au sujet sont supposées actuellement réalisées et connues, ce n'est plus le cas dans une démarche pratique. Dans la mesure, en effet, où "les choses futures ont leur principe dans la délibération et dans l’action, et [...] d’une manière générale, les choses qui n’existent pas nécessairement en acte renferment la puissance d’être ou de ne pas être, indifféremment"(Aristote, de l’Interprétation, 19a) : la réalisation du pont, la santé du malade sont des sujets dont l'existence, dépendante de l'issue de mon action, n'est  que potentielle et, pour cette raison, éminemment contingente. Pourtant, c'est bien de l'attribution du même prédicat P qu'il est question, tant dans le syllogisme théorique (attribution actuelle au sujet S), que dans le syllogisme pratique (attribution potentielle à la fin F impliquant le sujet S). Pour en revenir à nos exemples : l'alliage est (au présent) résistant, oui mais jusqu'à quel point le demeurera-t-il (dans le futur) une fois appliqué à la construction que nous envisageons ; cette molécule soigne l'hypothyroïdie, certes, mais jusqu'à quel point soignera-t-elle (dans le futur) les malades atteints de cette pathologie ? D'où le paradoxe sorite : j'ai beau connaître précisément la définition du prédicat "résistance à contraintes déterminées" ou "valeur thérapeutique déterminée", je ne puis savoir s'il s'appliquera à un sujet (la solidité du pont, la santé du malade) qui, non seulement n'existe pas encore, mais encore dont l'existence future dépend en partie de l'application dudit concept. Exactement de la même façon que je suis incapable de dire si ce tas de sable que j'ai sous les yeux en sera toujours un lorsque j'en aurai prélevé 1, 2, 3, … n grains, lors même que je sais avec certitude (certitude empirique, non démonstrative, mais certitude quand même, cf. la Raison est-elle seule Source de Vérité ?) ce qu'est "un tas", parce que j'ignore comment se comportera mon "tas" lorsque j'aurai effectué n prélèvements (peut-être s'affaissera-t-il et ne correspondra-t-il plus à mon schème mental actuel) et que j'ignore comment me jugera autrui si je persiste à appeler "tas" un seul grain de sable (sans doute se moquera-t-on de moi mais à partir de combien de grains serai-je à l'abri des quolibets, that's the question). Le paradoxe sorite contrevient donc bien au principe de bivalence : "il est clair qu'il n'est pas nécessaire que, pour toute affirmation ou négation prise parmi des propositions opposées l'une soit vraie, l'autre fausse. Car ce n'est pas sur le modèle des choses qui sont que se comportent les choses qui, n'étant pas, sont en puissance d'être ou de ne pas être"(Aristote, de l'Interprétation, 19a).

Bref, plutôt que de dire, à l'instar de Julien Dutant, que "les paradoxes sorites exploitent le caractère vague de certains prédicats (peut-être de tous les prédicats du langage ordinaire)", il faudrait dire plutôt que le paradoxe sorite surgit lorsque je me demande si un prédicat, aussi précis (et donc scientifique) soit-il, va pouvoir être valablement attribué à un sujet dont l'existence est conditionnée par mon action elle-même conditionnée par l'application que je vais faire dudit prédicat à des circonstances que je ne maîtrise pas. Certes le vague de certains prédicats augmente le risque de paradoxe sorite mais il ne l'engendre pas.


(Bon, je m'arrête là pour le moment. La suite -le deuxième point annoncé- viendra -peut-être- plus tard).


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Suite et fin (si ça vous intéresse) sur Paradoxe, Scepticisme et Sidération.

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