Je dirais plutôt que Socrate ne s'est intéressé qu'à des questions éthiques, et non politiques
Mais tous les écrits de Platon traitant de politique (La République, Les Lois, etc.) n'ont-ils pas étés formés à partir de l'enseignement de Socrate ?
Je dirais plutôt que Socrate ne s'est intéressé qu'à des questions éthiques, et non politiques
leur éviction se fera par la violence
« Passé une certaine époque, on doit bien se rendre à l’évidence : symbole, harmonie, phusis, mètis, secret, retenue, refus d’accumuler… ne se rencontrent plus qu’à l’état de traces, déjà incomprises, dépassées. Mais l’évolution, au lieu de se faire partout sans heurt, a dans certains cas pris l’allure d’une lutte dans la théorie, et plus précisément d’une rupture comme liquidation. Une pensée consistante étant immortelle, on ne peut la faire disparaître qu’en la liquidant, la liquéfiant, comme soudain se perd une rivière, promise à résurgence. Liquider veut dire : faire passer une pensée pour une autre, supposer de la continuité là où il n’y en a pas, destituer la place de l’autre. Au moment même où le symbole aurait pu et dû devenir un schème de référence, la pensée du Trop ou de l’incommensurable se fait “souffler” par son antagoniste, et le symbole se racornit en beau mythe (Androgyne). Il est alors essentiel de rassembler la série des liquidations pour les comparer, comme s’il s’agissait de repérer un serial killer : liquidation du continent de l’intelligence rusée, du poikilos, du kairos, de la physis, de l’harmonie, du symbole et de ce Tout particulier qui reste compatible avec des parties antagonistes. Liquidation d’Héraclite, de Parménide, des Mégariques, des Sophistes, des Cyniques. Toutes ces liquidations pointent alors vers un unique coupable. Et le plus beau, c’est qu’il a avoué. Mais dans son aveu, il a diaboliquement masqué d’un seul geste (le « tour de main » de Nietzsche), toutes ces liquidations en série.
Platon avoue en effet le parricide de Parménide. Il transgresse l’interdit sur le non-être, le définissant comme l’autre que l’être. Mais là où Parménide maintenait un sens ontologique, (plus qu’évident par le fragment IV), la transgression platonicienne fixe et confirme le statut désormais uniquement logique de l’être.
[...] Non seulement la pensée platonicienne et postplatonicienne a « tué » certains présocratiques, à coup sûr les Sophistes, peut-être même Socrate, mais nous pouvons maintenant dire exactement comment : en faisant disparaître leurs corps, c’est-à-dire leur pensée-corps. Il y a certes symbole de la pensée symbolique et de la pensée non-symbolique. L’heuristique prouve assez que la pensée globalisante et à grande vitesse n’a jamais cessé d’être requise et agissante. Mais l’histoire de la philosophie montre que, dans ce symbole rabaissé à une simple opposition, on a fait comme si l’un des deux termes pouvait être éliminé, refaisant ainsi l’erreur des mortels dénoncée par la déesse chez Parménide.
Entendons-nous. Hors de question de dire avec Feyerabend : « Adieu la raison ! » Mais il convient d’urgence de se demander pourquoi la pensée s’est si longtemps privée (ou a feint de se priver) de sa part incarnée, de sa symphyse. Y aurait-il en philosophie le destin d’une « double frénésie », selon le mot de Bergson : lancer les deux tendances jusqu’au bout de ce qu’elles peuvent, en les laissant s’ignorer mutuellement ? Sans doute, et c’est tant mieux. Reste pourtant que la relation était d’emblée trop déséquilibrée. La pensée symbolique, par sa constitution même, ne peut pas « tuer » son antagoniste, tandis que le contraire est strictement inévitable. Pensée inerme contre pensée armée : si subtile que soit la première (ou plutôt à proportion même de cette subtilité), l’issue ne pouvait faire doute. Maintenant que nous sommes un peu dégrisés des prestiges de la mathématique et des sciences expérimentales, tout semble indiquer un retour, sinon une revanche du Sophiste et de certaines autres figures marginalisées et méprisées, ici rassemblées sous le nom de “pensée symbolique”. Le mort saisit le vif, pour une nouvelle image de la pensée, plus englobante, plus digne, plus congruente aux enjeux d’un XXIe siècle. »
Non seulement la pensée platonicienne et postplatonicienne a « tué » certains présocratiques, à coup sûr les Sophistes, peut-être même Socrate,
Les disciples de Socrate figent dans l’éternité une fiction qui prend le pas sur la réalité. Car pour la majorité des gens, Socrate coïncide exactement a ce qu’en dit Platon ou Xénophon. Socrate souffre de ses médiateurs. Même Aristophane, dans Les Nuées, se moque d’un Socrate platonisé. Socrate souffre d’un excès de textes fautifs cannibalisant sa véritable identité.