Il me semble que Nietzsche considérait son Zarathoustra comme un accident, et en même temps une illumination. Il y a gagné énormément mais a aussi sacrifié une part de lui, l'événement lui faisant faire un saut qualitatif dans sa vie qui pourtant lui demanda un effort physique ou nerveux bien plus intense, à la hauteur des mouvements et explosions de sa pensée sublimée. Concernant sa maladie, il semble aussi qu'il ait redouté la folie (héréditaire ?) de son père, et que lui-même était sujet à des troubles psychiques annonçant cette maladie. Sa famille aurait essayé de taire les conditions de la mort du père et de protéger la mémoire du fils, faisant de cette folie précoce un lourd secret. Avec l'activité intellectuelle et son rythme épuisant, Nietzsche aurait alors créé, sans le vouloir, les conditions permettant l'apparition de troubles similaires à ceux de son père. Quand le décadent s'efforce de se surpasser et puise dans ses réserves pour développer sa puissance et lutter contre lui-même, la tension provoquée se fait source de grandes destructions qui s'ajoutent à la maladie. La guérison est donc difficilement atteinte, sinon à un prix trop grand, et elle amplifie la cruauté qui s'exerce contre soi-même. Ce qui d'ailleurs exige que le penseur s'applique à se surpasser encore pour se sentir en maîtrise et pour qu'il se supporte lui-même. On est dans un cercle vicieux qui creuse et abîme l'organisme. L'héroïsme, en ce cas, en voulant lutter contre le destin, le réalise, c'est pourquoi il est bien tragique.