Je ne le mets pas au même niveau que Pascal, ce serait absurde. Mais il me semble que vous idéalisez Montaigne, vous ne voyez pas l'homme sous les beaux discours héroïques de ses moments de bien-être ou de victoire sur lui-même. Cependant, je ne nie absolument pas la sagesse de Montaigne et son goût pour la vie, sa plasticité et sa chaleur humaine qui va à l'encontre de ces froides statues que sont les anciens, ces insensibles par excellence. J'aime Montaigne, tout comme Nietzsche, pour ses élans d'amour du monde (voyez les quelques éloges que j'ai fait de lui sur un autre topic). Je ne le prends pas pour autant entièrement pour un chantre de la joie qu'il incarnerait systématiquement ; il y a une différence entre ce que l'on souhaite et la façon dont on lutte pour satisfaire l'envie qui s'exprime. Je persiste à penser, d'après ma lecture (je me souviens de la façon dont il est obnubilé par la mort, qu'il craint, ou plutôt le moment du mourir, et dont il trouve que la vie est faite d'ennui ; certes, il critique les illusions et faiblesses des hommes, mais si lui détient des solutions en parole elles sont plus dures à faire vivre en acte et ce dont Montaigne nous parle c'est de ses propres déboires avec l'existence ; Montaigne expose son propre moi, ses fêlures, et en cela anticipe Descartes, Pascal et même Rousseau, il y a forcément aussi du pathos là-dedans) et certaines critiques (Pascal), que Montaigne a une part obscure, il reste insatisfait. Mais c'est aussi en cela qu'il est profondément humain et proche de nous.
Quant au bonheur, je n'y crois pas. On pourrait effectivement le concevoir de manière dynamique, dans la transition entre souffrances et joie, mais personnellement j'en resterais à ces souffrances et à ces joies, faisant d'ailleurs de la joie une intensité de l'instant qui nous fait adhérer à l'être de manière purement absurde. Seul ceci est réel et désirable. Le bonheur reste trop abstrait. Enfin, s'agissant du doute, je le conçois aussi comme un moteur, mais au prix de tensions et contradictions et d'une certaine perdition qui menacent et font prendre des risques au sceptique. Voyez, tout de même, l'abîme devant lequel se trouve souvent Nietzsche après ses jeux et ses danses (il serait absurde, de plus, de croire que je critique le scepticisme, ces auteurs sont loin d'être mes ennemis, bien au contraire, je ne fais que rappeler qu'il n'y a pas de sceptique triomphant, que lorsque l'on vainc on est déjà dépêtré d'un problème, on n'est plus sceptique, parce que douter c'est avant tout exercer un certain nombre de forces contre soi-même, en tout cas lorsqu'il s'agit d'un scepticisme existentiel qui engage celui qui pense).
Dernière édition par Silentio le Mer 29 Fév 2012 - 15:45, édité 6 fois
Quant au bonheur, je n'y crois pas. On pourrait effectivement le concevoir de manière dynamique, dans la transition entre souffrances et joie, mais personnellement j'en resterais à ces souffrances et à ces joies, faisant d'ailleurs de la joie une intensité de l'instant qui nous fait adhérer à l'être de manière purement absurde. Seul ceci est réel et désirable. Le bonheur reste trop abstrait. Enfin, s'agissant du doute, je le conçois aussi comme un moteur, mais au prix de tensions et contradictions et d'une certaine perdition qui menacent et font prendre des risques au sceptique. Voyez, tout de même, l'abîme devant lequel se trouve souvent Nietzsche après ses jeux et ses danses (il serait absurde, de plus, de croire que je critique le scepticisme, ces auteurs sont loin d'être mes ennemis, bien au contraire, je ne fais que rappeler qu'il n'y a pas de sceptique triomphant, que lorsque l'on vainc on est déjà dépêtré d'un problème, on n'est plus sceptique, parce que douter c'est avant tout exercer un certain nombre de forces contre soi-même, en tout cas lorsqu'il s'agit d'un scepticisme existentiel qui engage celui qui pense).
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