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descriptionLes figures philosophiques de l'écoute. EmptyRe: Les figures philosophiques de l'écoute.

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NOU-JE a écrit:
La figure philosophique de l'écoute se présente comme un schéma, parfois à caractère universel, un schéma présent dans toutes les situations d'écoute : débat, discussion, entre deux personnes, dans un concert, devant un film, devant la télévision, sur un plateau de télévision... L'écoute est constante ; toujours nous écoutons ; toujours nous sommes aux aguets.
Même en réfractant l'écoute ou en lui ménageant des trajectoires propres à faire entendre à retardement ce qu'on a écouté sans pouvoir lui prêter toute l'attention requise au moment où on l'écoutait, il paraît difficile d'affirmer que nous écoutions toujours. Ça suppose des capacités rares. Sans s'abstraire du monde, impossible de lui prêter toute l'attention requise, d'autant plus aujourd'hui où nous sommes sur-sollicités, même la nuit. Il faut filtrer. Bien sûr, l'écoute comme forme d'écriture, qui n'est pas sans rappeler le travail de la mémoire ou de la somatisation, est un moyen d'aménager et de supporter le fait que chacun est toujours en même temps plusieurs, multiple (et même qu'il est sommé de l'être). Mais sans faire le vide de temps à autre, pas de salut. Comme les vertus de l'oubli, chez Nietzsche, il faut faire le vide pour faire résonner le monde et le faire entendre (cf. aussi l'entendement). L'écoute suppose bien quelque chose comme un concert et tout ce qu'un concert implique, mais elle suppose tout autant la solitude et la surdité, absolument vitales.

La parole humiliée de Jacques Ellul vous intéresserait peut-être.

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NOU-JE a écrit:
je ne pense pas qu'il soit insensé d'affirmer que nous soyons toujours en situation d'écoute. Par exemple dans le métro, il m'arrive de fermer les yeux, faire en quelque sorte abstraction des flux du réel qui m'entoure ; mais tant que je ne dors pas, j'entends ce qui se passe autour. Une femme se met à hurler, et je me retourne, parce que toutes les situations de la vie quotidienne sont en partie des situations d'écoute. Quand je discute avec quelqu'un, quand je suis dans le métro, même seul, quand j'écoute mon professeur parler, et même lorsque je dors. L'écoute n'est pas consciente, certes, mais je ne me réveillerais pas en sursaut après un cauchemar ou à cause d'un bruit dans la maison si je n'étais plus en situation d'écoute. L'écoute a cela de très animal qu'elle n'est jamais absente. C'est la vie même. Écouter c'est observer attentivement, comprendre.

Écouter suppose une attention orientée : c'est bien moi qui prête l'oreille, qui tend l'oreille au monde qui m'entoure (une personne me parle, etc.). Entendre, en sens inverse, c'est être sollicité par le monde en tant qu'être-là, en tant qu'il est cet au-dehors (qui est un toujours-là objectivement, mais pas subjectivement) qui entre dans cet au-dedans que nous sommes. Écouter, c'est le fait d'une intériorité qui s'engage dans le monde que, ce faisant, elle engage ; c'est s'enquérir du monde en le requérant. Entendre, c'est le fait d'une extériorité qui nous pénètre, de gré ou de force, sans savoir le degré de notre disponibilité réelle. L'attention n'est alors requise et possible qu'en fonction de paramètres dont la conjonction même les rend parfois inextricables : je me rends au travail en voiture, j'écoute la radio, un de mes enfants me parle, mon téléphone sonne au même instant, et voilà l'accident. Entendre, c'est être envahi, ou bien se trouver dans une état de disponibilité ou de confiance totale, un consentement absolu et libre à un monde. Les moments où un tel abandon et un tel repos nous sont accordés sont rares. La plupart du temps, nous sommes envahis par un au-dehors qui nous (sur)détermine sans que nous entretenions le moindre rapport avec lui : je discute avec un être cher et, au moment d'une confidence absolument vitale, une moto passe dont le vrombissement résonne et rebondit pendant de trop longues secondes. Ce bruit, je l'ai entendu, et même écouté peut-être, pour concentrer toute ma contrariété dans un sentiment d'autant plus intense de rejet que je n'ai pas le moyen de lutter contre ce réel intrusif, qui a immergé, submergé un instant non moins réel et consistant de mon existence. Or l'exemple de la moto n'est pas le seul. Sans cesse, je suis requis de prêter une attention d'autant plus superficielle aux choses que toutes s'imposent à moi sans que j'aie la possibilité de m'en défaire : la rue est truffée d'enseignes et de bruits inévitables, permanents, qui nous pénètrent et occupent notre intériorité qui, à mesure qu'elle s'amoindrit, n'est plus la disponibilité ou la réceptivité qui la caractérise pourtant essentiellement.

Bref, à l'invasion permanente d'un au-dehors, on répond souvent par l'évasion non moins permanente de notre au-dedans. Nous voici ailleurs. On plane, dit-on. On reprend sa respiration, autrement dit de quoi retrouver sa réceptivité, sa disponibilité. L'usage si répandu des lecteurs mp3 me paraît une réponse faite à la sur-sollicitation permanente qui rend si rares les instants où l'on entend de nouveau, et d'autant plus heureux en cela qu'on ne s'y attendait plus, le silence. Remarquez comme le silence résonne, justement : l'être parle. Alors on se croirait revenu au matin du monde ; on renaît à soi-même et aux autres, prêt, à nouveau, et avec plaisir, à les écouter.

Écouter, entendre, suppose une circulation, un va-et-vient comparable à celui qu'on opère entre la vision (non orientée, par définition), et le regard (qui ne relève pas de la vision, mais qui l'oriente). Écouter, c'est s'orienter, et peut-être, parfois, orienter quelqu'un, révélé à lui-même dans la disponibilité d'un autre qui, l'ayant écouté, l'a rendu à toute sa consistance, à tout son être. Entendre, si notre intériorité n'existe plus, c'est être désorienté, ne plus comprendre, parfois jusqu'à la violence, celle de la suppression, réelle ou symbolique, de l'autre.

Dernière édition par Euterpe le Jeu 4 Aoû 2016 - 14:51, édité 2 fois

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Pour vous faciliter la tâche. Écouter, c'est entendre nécessairement ; entendre n'est pas nécessairement écouter. Le critère du hasard n'est pas, ici, opératoire. Vous pouvez entendre une chose par hasard et, parce qu'elle vous concerne, vous plaît, ou tout ce qu'on voudra, vous l'écoutez. Dans les deux cas, il y a bien un choix conscient.

Quand vous discutez avec une personne et qu'une moto passe, vous l'entendez, et sauf à être un mécanicien passionné par la musique motorisée, distinguant soudain quelque chose dans le vrombissement de la moto, vous ne l'écoutez pas. Écouter, c'est distinguer, séparer quelque chose du reste, opérer une sélection (musique, parole importante d'un ami, etc.). L'écoute suppose immanquablement de s'abstraire partiellement de son environnement pour être tout à celui ou à celle qu'on écoute.

Le reste, autrement dit ce qu'on entend, on ne l'écoute guère que si ça revient (vous parliez de trace). Ce sont des rémanences et/ou des réminiscences. On le sait, rien de ce qu'on voit n'est oublié. Il serait étonnant que ce qu'on entend le soit aussi. Mais, pour n'être pas oublié, c'est mis de côté. Et puis, un beau jour, un hasard fait que ce qu'on avait enfoui revient, parce qu'il l'a sollicité. Il y a évidemment d'autres cas de figure.

Pour la musique, en revanche, c'est autre chose. La fugue par exemple exige d'écouter plusieurs choses à la fois distinctement (séparément) et ensemble. Malheureusement, les bruits de la rue sont loin de composer une symphonie.

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NOU-JE a écrit:
Nous sommes toujours aux aguets, notre sensibilité tend constamment à s'emparer de la matière et des phénomènes ambiants. En un sens, ce serait le Conatus chez Hobbes et chez Spinoza, ce qui nous permettrait de maintenir cette attention, cette écoute perpétuelle. L'écoute n'est pas qu'une affaire de paires d'oreilles, c'est le centre de mon propos, j'espère que vous l'aurez bien compris ;)
Vous parlez de la réceptivité en réalité, que vous assimilez abusivement au fait d'être aux aguets. La réceptivité ne requiert pas nécessairement une attention soutenue, et elle varie très nettement d'une personne à l'autre. Être aux aguets suppose une attention, autrement dit un esprit orienté vers quelque chose. D'un côté, de la disponibilité (dis-ponere : se mettre à plusieurs endroits à la fois), de l'autre être sur le qui-vive, sur ses gardes, méfiant, prêt à (ré)agir au moment choisi ou opportun.
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