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descriptionRemettre en cause une figure d’autorité lui fait elle perdre son autorité ?  EmptyRemettre en cause une figure d’autorité lui fait elle perdre son autorité ?

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Pour vivre en société, nous devons obéir à des règles, à des lois, celles-ci étant établies et mise en application par des garants, figures d’autorités (Instituteurs, forces de l'ordre, juges, ministres...). Or, pour que ces figures d’autorité soient légitimes, la société est en droit de demander des comptes, de contrôler ou faire contrôler, et donc de remettre en cause cette autorité. Le fait de remettre en cause une figure d’autorité lui fait elle perdre son autorité (on pourrait dire qu'il s'agit de manque de respect injurieux, voire d'orgueil offensant) ? Corolaire à cette question, une figure d’autorité non remise en cause est-elle légitime pour avoir autorité ?

descriptionRemettre en cause une figure d’autorité lui fait elle perdre son autorité ?  EmptyRe: Remettre en cause une figure d’autorité lui fait elle perdre son autorité ?

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Bonjour Maïra.

Deux textes sur l'autorité qui font ... autorité. 


"Puisque l'autorité requiert toujours l'obéissance, on la prend souvent pour une forme de pouvoir ou de violence. Pourtant l'autorité exclut l'usage de moyens extérieurs de coercition : là où la force est employée, l'autorité proprement dite a échoué. L'autorité, d'autre part, est incompatible avec la persuasion qui présuppose l'égalité et opère par un processus d'argumentation [...]. Le mot auctoritas dérive du verbe augere, "augmenter", et ce que l'autorité ou ceux qui commandent augmentent constamment, c'est la fondation [...]. L’autorité, c’est la hiérarchie elle-même dont chacun reconnaît la justesse et la légitimité, et où tous deux ont d’avance leur place fixée. Pour cette raison, l’autorité implique une obéissance dans laquelle les hommes gardent leur liberté"(Hannah Arendt, la Crise de la Culture, III).


"Qui ne voudrait suivre que la raison serait fou au jugement du commun des hommes. Il faut juger au jugement de la plus grande partie du monde. Il faut, puisqu'il lui a plu, travailler tout le jour pour des biens reconnus pour imaginaires, et quand le sommeil nous a délassés des fatigues de notre raison, il faut incontinent se lever en sursaut pour aller courir après les fumées et essuyer les impressions de cette maîtresse du monde. Voilà un des principes d'erreur, mais ce n'est pas le seul. Nos magistrats ont bien connu ce mystère. [...] S'ils avaient la véritable justice et si les médecins avaient le vrai art de guérir, ils n'auraient que faire de bonnets carrés ; la majesté de ces sciences serait assez vénérable d'elle-même. Mais n'ayant que des sciences imaginaires, il faut qu'ils prennent ces vains instruments qui frappent l'imagination à laquelle ils ont affaire ; et par là, en effet, ils s'attirent le respect. [...] La coutume fait toute l'équité, par cette seule raison qu'elle est reçue ; c'est le fondement mystique de son autorité. Qui la ramène à son principe, l'anéantit. Rien n'est si fautif que ces lois qui redressent les fautes ; qui leur obéit parce qu'elles sont justes, obéit à la justice qu'il imagine, mais non pas à l'essence de la loi ; elle est toute ramassée en soi ; elle est loi, et rien davantage. Qui voudra en examiner le motif le trouvera si faible et si léger, que, s'il n'est accoutumé à contempler les prodiges de l'imagination humaine, il admirera qu'un siècle lui ait tant acquis de pompe et de révérence"(Blaise Pascal, Pensées, B82-294).

A discuter. Ou pas.

descriptionRemettre en cause une figure d’autorité lui fait elle perdre son autorité ?  EmptyLes figures d'autorité

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Bonjour à tous

D'abord je demande votre indulgence car c'est mon 1er post sur ce forum
Merci à Phiphilo pour les 2 extraits. J'y ai découvert l’extrême modernité de Pascal ..

Pour tenter de proposer une approche différente à Maira - qui la fasse échapper à l'aporie qu'elle relève - je suggérerais de séparer le principe de l'autorité conféré à des figures d'autorité, de leur mise en œuvre in concreto par des hommes faillibles. Le contrôle, la reddition de compte ne s’applique qu'à des cas de la vraie vie, afin d'éviter des dévoiements. La croyance partagée de l'autorité de ces figures reste ..

Jusqu'au moment où il y a une remise en cause générale à la fois de ceux qui ont attribué l'autorité, et de ceux à qui on l'a conféré en vertu de leurs fonctions dans la société.
Ainsi va de monde des croyances : il n'y pas de vérité, il n'y a que des présupposés

descriptionRemettre en cause une figure d’autorité lui fait elle perdre son autorité ?  EmptyRe: Remettre en cause une figure d’autorité lui fait elle perdre son autorité ?

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Bonjour Geneviève.

La problématique de Maïra, telle que je l'ai comprise, est : une autorité n'est légitime qu'à condition qu'elle puisse rendre des comptes, or rendre des comptes est de nature à ruiner l'autorité, donc la notion d'autorité semble auto-contradictoire. D'où l'aporie que vous relevez à juste titre.

Cette tension est, justement, l'objet des deux textes que j'ai cités. Arendt et Pascal se rejoignent pour admettre que l'autorité est peu compatible avec la justification : "L'autorité [...] est incompatible avec la persuasion qui présuppose l'égalité et opère par un processus d'argumentation"(Arendt) ; "La coutume fait toute l'équité, par cette seule raison qu'elle est reçue ; c'est le fondement mystique de son autorité. Qui la ramène à son principe, l'anéantit"(Pascal). Bref, il n'y aurait d'autorité qu'incontestée et même incontestable. 

L'éthologie montre, en effet, que l'autorité est une relation sociale fondamentalement naturelle : "c’est la hiérarchie elle-même dont chacun reconnaît la justesse et la légitimité, et où tous deux ont d’avance leur place fixée"(Arendt). "Naturelle" ne veut d'ailleurs pas dire "innée" : lors d'un processus de dressage, il s'établit une relation d'autorité à la fois naturelle et acquise (non-innée). "Naturelle" veut dire simplement, comme le souligne justement Maïra, que "pour vivre en société, nous devons obéir à des règles, à des lois, celles-ci étant établies et mise en application par des garants" (à condition toutefois que par "nous", on entende "nous autres vivants" et non exclusivement "nous autres humains"). En d'autres termes, il n'y a pas de solidarité sociale sans hiérarchie. C'est donc cette notion de "hiérarchie" (en grec ἱεραρχία, "ordre fondamental", retour à Pascal) comme solidarité sociale fondamentale qui est "naturelle", inscrite dans la nature même de la vie, en ce sens, qui semble exclure toute violence (je reprends l'opposition que fait Aristote entre ce qui est naturel et ce qui est violent).

Tout le problème est maintenant de savoir dans quelle mesure les processus de "légitimation", de "reddition de comptes", de "justification", etc. qui sont propres aux sociétés humaines (notamment celles dites "démocratiques") sont compatibles ou non avec le caractère "naturel" de l'autorité  ou, au contraire, sont une forme de coercition, celle-ci fût-elle "douce", persuasive (retour à Arendt).

A suivre ...
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