La crise de 2008 a remis Marx au goût du jour. Mais si l'on en fait un analyste compétent du libéralisme et de la crise financière et économique, il semble que cette réhabilitation se paye au prix fort. En effet, Marx est salué par tous les acteurs principaux de cette crise et les idéologues du système capitaliste, par exemple Alain Minc (conseiller des patrons du CAC40) ou Jacques Attali en France. Ce dernier nous dit même que Marx a "pressenti la marchandisation du monde" (Karl Marx ou l'esprit du monde, Fayard, 2006). Mais il semble que cet intérêt pour Marx ne soit qu'une manière de comprendre les maux du capitalisme pour le corriger et le perpétuer. Ainsi, toute l'idéologie marxiste et communiste est discréditée et permet de mettre aux oubliettes tout l'aspect important de l'analyste marxienne consistant à montrer les conséquences sociales d'une société placée sous le signe de l'économie et par conséquent c'est toute la dimension politique de la lutte des classes qui est oubliée. Ne reste plus qu'un Marx hémiplégique servant les intérêts du système et des puissants, ce qui revient à contribuer à sauver les conditions de possibilité de la crise. J'ai été extrêmement choqué de lire ceci dans le Challenges n°286 (2 au 8 février 2012) qu'on m'a prêté pour son article principal sur les "pères de l'économie" :
En somme, on nage entre idéologie et non-sens...
Natacha Valla, économiste Europe chez Goldman Sachs a écrit:Quoi qu'on en pense, Karl Marx compte parmi les pères fondateurs de la science économique moderne. Il a sa place dans le bagage des économistes actuels. Je retiendrai de son œuvre un éclairage sur l'accumulation du capital et ses interactions avec le progrès technique et le "facteur travail", trois éléments-clés de la production dans un système capitaliste. Il a fait évoluer la notion de salaire et créé en quelque sorte celle de plus-value. Enfin, il met la puissance de la philosophie - via la dialectique, ou par la transposition de thèmes tels que la dynamique ou le progrès - au service de la science économique. C'est par une lecture dépassionnée, débarrassée d'idéologie superflue qu'il faut l'aborder. Adieu fétichisme, contradiction ou aliénation ! En revanche, sa pensée n'est pas la bonne pour comprendre la croissance de demain dans un monde globalisé où l'information, la connaissance et le capital humain ont une place centrale. L'économie est devenue bien plus complexe : nous vivons dans des démocraties technologiques, dotées d'une régulation sophistiquées des marchés financiers et du travail. Ce n'est donc pas avec les thèmes marxiens de "rapport de production" ou d'aliénation que la crise actuelle des grandes économies industrialisées peut être appréhendée.
En somme, on nage entre idéologie et non-sens...