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Nietzsche et l'éternel retour.

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descriptionNietzsche et l'éternel retour. EmptyNietzsche et l'éternel retour.

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Nietzsche parle très explicitement de l'éternel retour du même. Il en fait une sorte d'expérience de pensée et de test psychologique visant à sélectionner ses interlocuteurs. En effet, il nous demande d'imaginer qu'un démon vient un jour nous délivrer un terrible secret. L'appellera-t-on un démon ou un dieu ? Tout dépend de la façon dont nous pouvons supporter sa vérité. Quelle est-elle ? Imagine, dit-il, que tout revienne éternellement à l'identique, que ta vie se répète une infinité de fois. Trouverais-tu cela libérateur ou horrible ? Le but, bien évidemment, est de s'opposer au nihiliste. Ce dernier manque de volonté et préfère, par exemple au travers de la croyance en la transcendance de Dieu et en un au-delà, le néant à la vie, voire au réel, car voudrait-on que tout revienne, c'est-à-dire aussi bien les joies que les peines ? Or, le chrétien méprise la vie en ceci qu'il la condamne en raison de la prépondérance de la souffrance née de la cruauté du réel.

Pour Nietzsche, au contraire, l'affirmation de l'éternel retour vise à nous débarrasser de toute transcendance et donc de toute illusion : il s'agit d'accepter le devenir, dans toute son innocence, et également de vouloir inscrire dans le temps, par un projet, sa volonté visant un but supérieur. Car, si tout revient à l'identique, si d'ailleurs la mort n'existe pas et ne doit pas nous entraver par la crainte qu'elle pourrait susciter, il faut que la volonté se veuille elle-même, que l'on assume nos désirs pour nous réaliser en une perfection supérieure. Ainsi, je dois vouloir ce qui m'arrive et créer mon propre destin. Il faut dire, aussi, que la pensée de l'éternel retour donne à voir le réel dans la conjonction du hasard et du destin : si tout m'est déjà arrivé, pour autant, je vis tout au présent (mais a-t-on forcément besoin de l'éternel retour pour penser cela ? n'y a-t-il pas un risque de tomber dans un platonisme considérant l'éternité avant le temps, ce dernier étant "l'image mobile de l'éternité" ?), et puisque tous les cycles supposés, que je ne vivrai jamais, se superposent, tout se recentre sur l'ici et le maintenant, cet instant qui déjà passe en un autre : de sorte que je découvre le temps comme contingence et factualité, de même que je peux penser que si le temps est imprévisible et irréversible il est aussi nouveauté. Je peux alors oser vouloir jouer, c'est-à-dire façonner mon propre destin. Mais, ajoutons à cela que Nietzsche se soucie de ce destin, car toutes les actions que j'entreprends, et qui vont façonner ce destin, ne sont pas bonnes. Or si j'admets que je m'enferme dans un destin pour l'éternité, il faut que je sois vigilant quant à ce que j'entreprends. Il y a donc à la fois une ambition qui peut ou doit s'exprimer, un accord avec soi-même à trouver, prenant appui sur cette contingence, ce qui produit une sorte d'enthousiasme et une légèreté, tandis que la gravité naît en même temps de la responsabilité induite par cette liberté, la question de la détermination de soi au regard de l'éternité se présentant comme un impératif éthique, pensée qui d'ailleurs me responsabilise mais aussi m'influence en ceci que le but que je me fixe me transforme dès à présent pour y coïncider.

Néanmoins, j'ai l'impression que Nietzsche insiste trop sur l'éternité du retour, sur une méditation de l'Un qui ne prend plus en compte le devenir, là où l'opération, au contraire, devrait pourtant conduire à se détacher de l'Un au profit du seul devenir.

Une autre interprétation, celle de Deleuze, insiste bien plus sur le retour éternel de la différence. Il s'agit de dire, si je comprends bien, que le temps n'est pas substantiel. Ce qui revient sans cesse, ce n'est pas l'Un au travers du temps, il n'y a pas un cycle complet qui se répète à l'infini, c'est le temps qui "revient" sans cesse. Il n'y a que le présent qui s'invente, et d'un instant à un autre, entre eux ou en eux, c'est le temps qui existe. Certes, Deleuze pense aussi le chaos, comme un Un ouvert où tous les temps existent en même temps à des vitesses trop rapides, ainsi l'actuel cohabiterait avec le passé. Mais il me semble qu'il faille comprendre que, si le présent n'est pas sans passé, il est ouvert au devenir, en ce que le temps est création perpétuelle, continue. En fait, ce qui revient sans cesse, c'est le passage d'un instant à l'autre. Deleuze parle de différence et de répétition. On pourrait aussi parler de reprise avec Kierkegaard, comme on dirait d'une broderie qu'elle est reprise : le temps est pulsionnel, il se répète, mais la répétition, en tant qu'elle introduit de l'autre dans le même, même dans et par le similaire, est aussi production de variation, d'écart, même infime, donc production d'une différence. Le temps, qui ne s'appuie sur rien mais se phénoménalise tout le temps, comme s'il était éternel, revient, s'affirme sans cesse : c'est un zigzag entre l'instant qui s'écoule et ce qui advient, un accroc dans l'ancien qui le déborde vers autre chose. En sorte que, pour Deleuze, le "retour éternel" (autre nom du temps) est comme un coup de dé en chaque instant qui produit des différences. Le temps n'est pas un en soi, c'est ce procès qui fait qu'un maintenant est possible, un maintenant toujours singulier, mais pris dans une continuité. C'est aussi, en un sens, le même comme différence qui se répète à l'infini. Le temps est toujours en tant que différence, c'est-à-dire comme répétition et écart à ce qui a été. Mais en même temps, s'il n'y a que différence, on parle toujours du temps, du même, la différence actualise donc toujours le même, le temps qui n'existe que par cet éclair qui se produit entre deux instants.

Deleuze échappe donc à la conception cyclique du temps et insiste sur l'immanence du monde. Nietzsche semble encore trop platonicien en insistant sur l'éternité du même (le monde conçu comme fini spatialement et temporellement), tandis que Deleuze reprend une conception linéaire du temps (comme chez Kant) qui toutefois, au contraire d'une conception chrétienne, n'en finit jamais car le temps revient sans cesse. Ce n'est pas l'éternel qui revient sans cesse, comme si tout était déjà achevé. L'éternel, c'est la nouveauté en tant qu'elle se produit sans cesse. En spinoziste, Deleuze sait qu'on peut faire l'expérience, dans l'instant, que nous sommes éternels : car la différence, l'écart entre les instants, s'éprouve comme intensité. On se libère aussi de la tentation de penser que la vie s'est déjà jouée, que le destin empiète sur le hasard, bref d'un déterminisme lié au cycle (mais je ne suis pas certain que Nietzsche s'en libère totalement, à force de faire comme si l'Un existait).

descriptionNietzsche et l'éternel retour. EmptyBonjour Silentio,

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Bonjour Silentio,

C'est étrange de voir ces deux interprétations presque comme "s'affronter".
Deleuze dit pour sa part que l'éternel retour du même serait celui vu par Zarathoustra "malade", et qu'une fois "convalescent", il en aurait une "autre compréhension" : qu'il reconnaîtrait lui-même "n'y avoir rien compris" ("Nietzsche", page 38).
Ne peut-on pas en déduire que c'est du sens dont il est question dans cet "éternel retour" ? Alors les constats en quelque sorte se rejoindraient : le retour du manque de sens correspondrait au retour du même, et celui de l'affirmation du sens au retour du différent. Bref un sens au cœur du problème, le manque ne se référant alors que par rapport à l'affirmation.

Alors pourquoi Deleuze insiste-t-il tant pour dire que le retour du même serait un faux sens ?
Peut-être parce que, si l'on suit votre explication, la parade au ressentiment, à la mauvaise conscience, semble être la volonté, celle qui ferait que l'homme décide de faire de sa vie un destin, de "façonner son destin" écrivez-vous. Il est difficile de l'entendre autrement que dans le sens d'une philosophie dont la volonté donc serait la clef de voûte, le vecteur central de différence entre les hommes, les "esclaves" et les autres. 
N'est-ce pas là l'interprétation de Nietzsche avec laquelle Deleuze veut en finir ? Sans doute parce qu'elle ressemble de trop près à celles qui en ont fait un auteur si longtemps incompris voire dénigré ?

Aussi ce serait les "forces" et non le sujet que Deleuze voudrait ramener au premier plan ; Nietzsche devant être vu en tant que philosophe des forces, et non d'un sujet et de sa volonté interne (refusant donc ainsi de dire que Nietzsche différencierait les hommes à partir de la volonté).
En tous cas, ça colle, me semble-t-il, avec l'interprétation deleuzienne de la volonté de puissance où, de la même façon, il refuse de cantonner la volonté à un sujet, et préfère envisager des combinaisons de forces où ce ne serait pas tant un individu, ou une volonté, qui voudrait la puissance, mais plutôt ce qu'il y a dans la puissance qui, en combinaison avec l'individu, serait porteur de volonté.

descriptionNietzsche et l'éternel retour. EmptyRe: Nietzsche et l'éternel retour.

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Voulez-vous dire que Zarathoustra serait encore trop métaphysicien, prophète encore pris dans les rets de son temps, malade (comme Nietzsche) d'être à la fois un décadent et son contraire (car, après tout, les décadents se satisfont peut-être très bien de leur état, tandis que l'entre-deux, qui est aussi une forme de décadence accentuée, est invivable, insupportable) ?

En tout cas, je ne suis pas sûr que l'éternel retour soit affaire de sens. Certes, c'est un mythe à incorporer pour se sauver de la mort de Dieu, du nihilisme qui en découle. Mais la grande affaire, là-dedans, c'est l'action. Sans sens, du moins c'est là le problème du christianisme, nous nous sentons perdus et nous n'avons plus qu'à nous replier sur nous-même, la vie se dévorant alors à petit feu et, n'ayant plus confiance en soi, créant les conditions négatives de sa conservation et de sa perpétuation, mais cela dans la crainte... de la vie elle-même. Or Nietzsche ne me semble pas vouloir remplacer un sens (toujours transcendant) par un autre, comme si l'on avait besoin de la Loi pour nous dire comment vivre. Au contraire, il s'agirait plus de réhabiliter la spontanéité de l'action, passant par le rétablissement d'une confiance en soi qui implique la confiance dans le monde lui-même (cf. l'immanence). C'est en ce sens que je vois aussi le pragmatisme de Nietzsche comme une variante athée du pari pascalien - pari qui devrait fonder une foi apte à changer nos instincts, si bien que la théorie devrait être oubliée pour de nouveaux automatismes. Vivre, ce ne serait plus chercher un sens (comme une compensation), ce serait avoir changé de rapport au monde sans avoir besoin d'un sens. Dans ce rapport innocent au monde, il n'y aurait plus que le jeu, conçu comme création de sens (il ne serait plus question de vérité, étant entendu qu'il n'y aurait plus besoin de chercher une certitude, mais de se créer un monde habitable qui intensifierait notre vie). La question du sens, même dans le cas de l'éternel retour, ne se pose que pour les croyants, pour ceux qui sont conscients d'avoir perdu un rapport confiant au monde et qui cherchent à ne plus subir ni la flagellation chrétienne ni le poids du désenchantement. Dès lors, je serais tout de même d'accord avec vous pour dire qu'il s'agit de pallier le manque de sens - il faut apprendre que le sens n'est pas un problème. Mais est-ce que le processus que j'ai décrit ne correspondrait pas alors au passage entre les conceptions de l'éternel retour selon Nietzsche et selon Deleuze ? D'une vision encore transcendante à une vision purement immanentiste...

Quant à ce que vous dites ensuite, il est troublant d'opposer une manière active de se faire un destin et de constater, par ailleurs, qu'on ne choisit pas d'être un esclave ou non, puisque la volonté ne peut qu'à la mesure des forces qui nous habitent, mais nous ne choisissons (ce qui serait un acte de la volonté) jamais ces forces (ce seraient même bien plutôt elles qui nous détermineraient, l'individu, que Nietzsche montre en réalité comme un dividus, n'étant qu'un composé de forces, pour reprendre le terme de Deleuze). Quelle est la part d'initiative qui nous reste pour devenir de véritables individus ? Est-ce que nous pouvons décider de libérer les forces actives en nous, ou si libération il y a, n'est-elle pas le fait du hasard, de rencontres qui modifient notre composition et seraient favorables à l'expression de ces forces, à la constitution de nouveaux instincts et à la domination de forces sur d'autres ?

descriptionNietzsche et l'éternel retour. EmptyRe: Nietzsche et l'éternel retour.

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J'avoue ne pas avoir réussi à finir "Ainsi parlait Zarathoustra", et donc être incapable de discuter au mieux de son "éternel retour" (si j'ai eu envie de répondre à votre texte, c'est plus en référence à ce qu'en dit Deleuze, que je connais mieux que Nietzsche). 
Ce qui m'a troublé, c'est qu'à vous lire, j'ai eu l'impression que vous circonscriviez les propos de Nietzsche aux seuls croyants ; voire que vous penseriez qu'on aurait "dépassé" je-ne-sais quel rapport à la croyance sous prétexte qu'une majorité de gens aujourd'hui et ici ne croient plus en Dieu. Pour ce que j'en pense, la croyance est investie ailleurs, voilà tout.... même si des choses ont changé, bien sûr.


Il me semble à moi que si Nietzsche invoque la religion comme dispensatrice de ressentiment ou de mauvaise conscience, il a du d'abord en faire le constat en regardant les hommes vivre... et que c'est à partir de là qu'il s'essaie à en rechercher les origines.
Dit autrement, on pourrait se demander si ne ferait pas le même constat aujourd'hui, dans une société plus ou moins indifférente au fait religieux. Car n'oublions pas qu'à l'époque, tout le monde ou presque était plus ou moins croyant ; même s'il est difficile aujourd'hui de dire dans quelle mesure, de quelle façon. Si l'on se réfère par exemple aux sociétés contemporaines encore très marquées par la religion (ce qui est certes casse-gueule), l'existence de Dieu ne faisait peut-être tout simplement pas l'objet d'un débat à son époque, en tous cas pour 95% des gens. S'il était donc crédible pour Nietzsche de mettre le doigt sur la religion comme cause de certains maux, ça n'empêche pas d'imaginer que sa critique portait sur les façons d'être de ses contemporains sans exclusive.
Ensuite il y a un malentendu entre nous, je ne parle pas d'un sens transcendant, mais de sens au pluriel. Si l'on peut sans doute mettre le mot au masculin quand il est question de manque, il en va autrement en dehors de ce problème spécifique : philosopher relève pour moi d'une affaire de sens (au pluriel) : trouver du sens aux choses, en donner. On n'y parle que de ça (mais peut-être ne dites-vous pas autre chose, si je vous lis bien).
Vous dites donc que la fin de la religion créerait un autre rapport au sens (Sens), je trouve que c'est très délicat de discuter de ça. Il me semble en fait que tout ça est plus théorique que pratique. La représentation du monde a sans doute changé, mais qu'en conclure : qu'en est-il réellement dans la psyché des gens ? La croyance n'a-t-elle pas simplement été "recyclée" ailleurs ?
... c'est un peu comme quand la science a convaincu le monde que la terre tournait autour du soleil et non l'inverse : l'homme en a-t-il déduit pour autant qu'il n'était plus le centre du monde ? Hum hum...
Très compliqué par exemple pour moi, en tant qu'agnostique (voire athée), d'arriver à simplement imaginer ce que pourrait être le Sens pour un croyant au sein d'une société religieuse.


Ces remarques faites, je ne nie pas que votre interprétation soit bonne, en tous cas elle a le mérite d'être cohérente et, je l'ai dit, je ne suis pas à même d'argumenter plus que ça. Ce qui m'étonnait, c'est de vous lire prétendre que Deleuze, pourtant réputé pour être un excellent lecteur, aurait "raté" le concept d'éternel retour". C'est aussi un peu à partir de là que j'ai réagi.
(grrr... toujours impossible de simplement passer à la ligne)

descriptionNietzsche et l'éternel retour. EmptyNietzsche et l'éternel retour.

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aldolo a écrit:
Pour ce que j'en pense, la croyance est investie ailleurs, voilà tout.... même si des choses ont changé, bien sûr.

Vous avez tout à fait raison. Les athées sont encore plein de croyances. En fait, il est peut-être même impossible de se passer entièrement de croyances. La vie suppose l'illusion vitale. De sorte que le problème de Nietzsche me semble encore et toujours (puisque je défends cette idée depuis de nombreuses années) de trouver une croyance qui nous réconcilie avec le monde (donc qui ne porte pas à la transcendance, ne la reconduise pas sous de nouvelles formes) et que l'on puisse trouver suffisamment convaincante pour que l'on puisse finir par y croire, sortir de notre torpeur sceptique et l'incorporer pour qu'elle devienne comme une seconde nature. Peut-être est-ce pour cela que Nietzsche joue délibérément avec quelque chose qui se rapproche du mysticisme, et ce mythe doit nous émerveiller, éveiller en nous nos sentiments (pour susciter notre adhésion, au-delà de toute démonstration logique), une nouvelle piété (Deleuze parle de pietas pour le monde) qui puisse nous engager affectivement dans une transformation de notre être. Et si Nietzsche a cru, semble-t-il, en ce mythe (par sa révélation à Sils-Maria), et s'il a abandonné toute démonstration scientifique (parce qu'il a compris que cela ne pouvait avoir l'effet escompté ?), c'est qu'il était convaincu de la nécessité de régénérer la culture. Mais c'est aussi que l'éternel retour constitue, même en étant fictif, la plus haute pensée envisageable pour affirmer le monde, voire sa propre volonté puisqu'il s'agit moins de dire qu'il est vrai que tout revient (même si c'est cela qu'il faudrait parvenir à croire !) que de vouloir que tout revienne (comme si l'éternel retour était vrai). Alors on peut agir librement, parce que le devenir est innocent, et libérer notre puissance en agissant en vue d'inscrire notre loi dans l'être...
aldolo a écrit:
philosopher relève pour moi d'une affaire de sens (au pluriel) : trouver du sens aux choses, en donner. On n'y parle que de ça (mais peut-être ne dites-vous pas autre chose, si je vous lis bien).

Disons que Nietzsche veut que les hommes se donnent des buts pour se dépasser eux-mêmes, parce que toute vie veut le maximum de puissance. Redonner du sens au monde, contre le désenchantement post-chrétien, c'est permettre à l'homme de s'élever et non de croupir dans son coin, de moisir de l'intérieur. La philosophie, tout comme l'esprit, ne sont que des instruments pour viser la puissance, c'est-à-dire qu'ils permettent une emprise sur le réel qui en retour nous fortifie (il faut oublier la vérité, elle n'est qu'une erreur, une condition d'existence de l'homme qui ne recherche, en réalité, que de quoi vivre, vivre en accord avec lui-même et le monde, et vivre intensément).
aldolo a écrit:
... c'est un peu comme quand la science a convaincu le monde que la terre tournait autour du soleil et non l'inverse : l'homme en a-t-il déduit pour autant qu'il n'était plus le centre du monde ? Hum hum...

Effectivement, les hommes cherchent plus le confort que la perte de puissance (de maîtrise du monde) provoquée par la désillusion qui s'ensuit des vérités scientifiques, elles rendent le monde "froid" et la confiance dans tous nos repères est ébranlée (d'où l'on ne sait plus agir). Cela dit, pour certains hommes d'exception, les contrées sauvages que la science permet de parcourir peut être source d'une ivresse liée au danger et à la découverte, à la nouveauté et à la création.
aldolo a écrit:
Ce qui m'étonnait, c'est de vous lire prétendre que Deleuze, pourtant réputé pour être un excellent lecteur, aurait "raté" le concept d'éternel retour".

Les spécialistes s'accordent pourtant pour dire que Deleuze s'est trompé, a même inventé une certaine conception de l'éternel retour (non du même mais de la différence), notamment du fait qu'il s'est basé sur un aphorisme de la Volonté de puissance qui est le résultat d'un collage de deux autres aphorismes et fut mal traduit en français. Il y a d'ailleurs des éléments de l'interprétation deleuzienne dont je n'ai pas parlé, comme celle de sélection, d'un processus d'affirmation de l'affirmation rejetant tout le négatif (les faibles, le ressentiment, ne reviendraient pas). Or Zarathoustra guéri accepte le nihilisme parce que tout est innocent, et il doit accepter même que le négatif revienne (en un sens, il doit apprendre à affirmer toute l'existence, toute existence, donc aussi à affirmer le négatif). Concernant tout cela, cf. Paolo d'Iorio. Il faut toutefois noter que si Nietzsche semble ramener le devenir à l'être, il insiste sur le fait qu'il n'y a pas d'être (sinon tout serait déjà achevé, anéanti, etc.). Mais l'éternel retour, n'est-ce pas une façon de faire comme s'il y avait de l'être ? A des fins purement pratiques... Là où Deleuze est plus clair : l'être est ramené au devenir, c'est la Différence qui se répète, revient, crée chaque instant comme nouveauté, ce "même" qui ne suppose pas d'être déjà achevé de tout temps. Comme chez Heidegger, l'être comme temporalité procédant d'un néant actif ? Alain Badiou semble suggérer un tel rapprochement dans une lettre à Deleuze, il y aurait chez lui une sorte de différence ontologique. Quant à Nietzsche, c'est difficile à dire, lui qui semble vouloir supprimer tout dualisme, aborder les choses de manière physiologique, tout en faisant de la volonté de puissance le "fond" de toute chose...
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