Chez Marx, le réel est constitué de contradictions motrices, lesquelles se nichent seulement au sein du réel, mais pas dans la pensée elle-même (cf. Hegel). Le sens (l'histoire) n'est que le reflet du mouvement interne du réel, mouvement constitué de surgissements et de dépassements de la contradiction, qui est l'élément moteur du processus de l'évolution historique, i. e. de la réalité elle-même. Encore une fois, il faut y insister, selon Marx le mouvement de la pensée n'est que le reflet du mouvement de la réalité. L'histoire des idées n'est que le reflet de l'histoire du réel. La dialectique du maître et de l'esclave de Hegel, par exemple, est opposée à la dialectique de la lutte des classes, qui désigne le mouvement de la réalité matérielle. (cf. "Ce ne sont pas les idées qui mènent le monde mais le monde qui les mène"). Marx ne conçoit pas d'idées autonomes dans le réel, et il tient la dialectique hégélienne pour une stricte réécriture de la logique du réel.
Sources :
- La Sainte Famille, Chap. 5, 2, "Le mystère de la construction spéculative, où Marx dénonce le caractère abstrait et spéculatif de la dialectique hégélienne
- Le Capital, Portface à la 2e édition allemande (1873), notamment la fin du texte, dont voici un extrait :
- Introduction générale à la Critique de l'économie politique, (1857), 3. Méthode de l'économie politique [en Pléiade, tome 1, p. 254]
- Engels, La dialectique de la nature
- Lénine, Cahiers sur la dialectique de Hegel (notes prises en lisant La Logique de Hegel, notamment l'introduction).
Bibliographie française :
- Althusser, Pour Marx, Éd. La découverte, Chap. 6 (version anglaise) ; Lire le Capital, Maspero, 1973.
- Étienne Balibar, Cinq études du matérialisme historique, Maspero, 1974, chap. 4 : "Sur la dialectique historique", p. 203.
- Gérard Bensussan, Georges labica, Dictionnaire critique du marxisme, Quadrige, PUF, art. "Dialectique", p. 312.
- Lucien Sève, Une introduction à la philosophie marxiste, Éd. sociales, 1980 (p. 672 notamment).
1. Dans l'Introduction générale à la Critique de l'économie politique, 3. "Méthode de l'économie politique", Marx explique que la méthode consiste à commencer par le réel et le concret. Pour répondre à la question de savoir si la population est la base et le sujet de l'acte social de la production dans son ensemble, toute hypothèse doit être tenue pour fausse dès lors qu'elle ne tient pas compte des classes qui composent la population. A leur tour, ces classes ne sont elles-mêmes réelles et concrètes que dans la mesure où l'on considère les éléments dont elles se composent, et sur lesquels elles reposent, savoir : le travail salarié, le capital, etc. A leur tour encore, ces éléments eux-mêmes supposent : l'échange, la division du travail, le prix, etc. Puis, de là, il faut retourner, remonter à la population.
La bonne méthode consiste à établir des rapports généraux abstraits et déterminants. Le concret, c'est la synthèse des déterminations, donc l'unité de la diversité (cela permet de comprendre pourquoi le concret n'apparaît dans la pensée que comme le travail de synthèse, que comme le résultat, alors même qu'il est le véritable point de départ). Les déterminations abstraites doivent aboutir à la reproduction du concret par la voie de la pensée (tandis que le réel n'est pas le résultat de la pensée). La méthode qui consiste à s'élever de l'abstrait au concret n'est, pour la pensée, que la manière de s'approprier le concret, de le reproduire en tant que concret pensé. Mais ce n'est nullement là le procès de la genèse du concret lui-même.
La totalité, telle qu'elle apparaît dans l'esprit comme un tout pensé, est un produit du cerveau pensant, qui ne fait là que s'approprier le monde de la seule manière possible. Le sujet réel subsiste, après comme avant, dans son autonomie, en dehors de l'esprit, tout au moins aussi longtemps que l'esprit n'agit que spéculativement, théoriquement.
2. Dans Le Capital (pp. 552-559 en Pléiade), la méthode dialectique consiste à trouver la loi des phénomènes :
- la loi qui les régit sous leur forme arrêtée
- dans leur liaison observable pendant une certaine période
- mais surtout, la loi de leur changement, de leur développement, de leur passage d'une forme à l'autre, d'un ordre de liaison à un autre.
Après cela, Marx se livre à un examen détaillé des effets par lesquels cette loi se manifeste dans la vie sociale. Le mouvement social désigne l'enchaînement naturel de phénomènes historiques, enchaînement soumis à des lois indépendantes de la volonté, de la conscience et des desseins de l'homme, mais qui déterminent sa volonté. La série des phénomènes, l'ordre dans lequel ils apparaissent comme phases d'évolution successives, doivent être étudiés très rigoureusement, car chaque période historique a ses propres lois.
Le procédé d'exposition doit différer, formellement, du procédé d'investigation. L'investigation s'occupe de la matière dans ses moindres détails. C'est à cette seule condition que l'exposition du réel, du mouvement réel dans son ensemble est possible.
Au total, on peut opposer la dialectique de Hegel et la dialectique de Marx. Chez Hegel, le mouvement de la pensée est le démiurge du réel, dont il n'est que la manifestation phénoménale ; chez Marx, le mouvement de la pensée, c'est la réflexion du mouvement réel, transporté et transposé dans le cerveau de l'homme.
Sources :
- La Sainte Famille, Chap. 5, 2, "Le mystère de la construction spéculative, où Marx dénonce le caractère abstrait et spéculatif de la dialectique hégélienne
- Le Capital, Portface à la 2e édition allemande (1873), notamment la fin du texte, dont voici un extrait :
Marx a écrit:Ma méthode dialectique, non seulement diffère par la base, de la méthode hégélienne, mais elle en est même l'exact opposé. Pour Hegel le mouvement de la pensée, qu'il personnifie sous le nom de l'idée, est le démiurge de la réalité, laquelle n'est que la forme phénoménale de l'idée. Pour moi, au contraire, le mouvement de la pensée n'est que la réflexion du mouvement réel, transporté et transposé dans le cerveau de l'homme.
- Introduction générale à la Critique de l'économie politique, (1857), 3. Méthode de l'économie politique [en Pléiade, tome 1, p. 254]
- Engels, La dialectique de la nature
- Lénine, Cahiers sur la dialectique de Hegel (notes prises en lisant La Logique de Hegel, notamment l'introduction).
Bibliographie française :
- Althusser, Pour Marx, Éd. La découverte, Chap. 6 (version anglaise) ; Lire le Capital, Maspero, 1973.
- Étienne Balibar, Cinq études du matérialisme historique, Maspero, 1974, chap. 4 : "Sur la dialectique historique", p. 203.
- Gérard Bensussan, Georges labica, Dictionnaire critique du marxisme, Quadrige, PUF, art. "Dialectique", p. 312.
- Lucien Sève, Une introduction à la philosophie marxiste, Éd. sociales, 1980 (p. 672 notamment).
1. Dans l'Introduction générale à la Critique de l'économie politique, 3. "Méthode de l'économie politique", Marx explique que la méthode consiste à commencer par le réel et le concret. Pour répondre à la question de savoir si la population est la base et le sujet de l'acte social de la production dans son ensemble, toute hypothèse doit être tenue pour fausse dès lors qu'elle ne tient pas compte des classes qui composent la population. A leur tour, ces classes ne sont elles-mêmes réelles et concrètes que dans la mesure où l'on considère les éléments dont elles se composent, et sur lesquels elles reposent, savoir : le travail salarié, le capital, etc. A leur tour encore, ces éléments eux-mêmes supposent : l'échange, la division du travail, le prix, etc. Puis, de là, il faut retourner, remonter à la population.
La bonne méthode consiste à établir des rapports généraux abstraits et déterminants. Le concret, c'est la synthèse des déterminations, donc l'unité de la diversité (cela permet de comprendre pourquoi le concret n'apparaît dans la pensée que comme le travail de synthèse, que comme le résultat, alors même qu'il est le véritable point de départ). Les déterminations abstraites doivent aboutir à la reproduction du concret par la voie de la pensée (tandis que le réel n'est pas le résultat de la pensée). La méthode qui consiste à s'élever de l'abstrait au concret n'est, pour la pensée, que la manière de s'approprier le concret, de le reproduire en tant que concret pensé. Mais ce n'est nullement là le procès de la genèse du concret lui-même.
La totalité, telle qu'elle apparaît dans l'esprit comme un tout pensé, est un produit du cerveau pensant, qui ne fait là que s'approprier le monde de la seule manière possible. Le sujet réel subsiste, après comme avant, dans son autonomie, en dehors de l'esprit, tout au moins aussi longtemps que l'esprit n'agit que spéculativement, théoriquement.
2. Dans Le Capital (pp. 552-559 en Pléiade), la méthode dialectique consiste à trouver la loi des phénomènes :
- la loi qui les régit sous leur forme arrêtée
- dans leur liaison observable pendant une certaine période
- mais surtout, la loi de leur changement, de leur développement, de leur passage d'une forme à l'autre, d'un ordre de liaison à un autre.
Après cela, Marx se livre à un examen détaillé des effets par lesquels cette loi se manifeste dans la vie sociale. Le mouvement social désigne l'enchaînement naturel de phénomènes historiques, enchaînement soumis à des lois indépendantes de la volonté, de la conscience et des desseins de l'homme, mais qui déterminent sa volonté. La série des phénomènes, l'ordre dans lequel ils apparaissent comme phases d'évolution successives, doivent être étudiés très rigoureusement, car chaque période historique a ses propres lois.
Le procédé d'exposition doit différer, formellement, du procédé d'investigation. L'investigation s'occupe de la matière dans ses moindres détails. C'est à cette seule condition que l'exposition du réel, du mouvement réel dans son ensemble est possible.
Au total, on peut opposer la dialectique de Hegel et la dialectique de Marx. Chez Hegel, le mouvement de la pensée est le démiurge du réel, dont il n'est que la manifestation phénoménale ; chez Marx, le mouvement de la pensée, c'est la réflexion du mouvement réel, transporté et transposé dans le cerveau de l'homme.