Comment et par où entrer dans la philosophie ? Elle est née d'une question : la question de l'être, avec Socrate. La question du « qu'est-ce que c'est que ? » est l'acte de naissance de la philosophie comme activité de la pensée chez ceux qui veulent atteindre la sagesse, en réglant sa vie (l'action) sur ce qui est. La question principale est donc moins la vérité que la justice (la politique), criterium par excellence pour mesurer, proportionner l'action des hommes (c'est le thème de la liberté) à ce qui est, l'Être (la métaphysique). Voilà pour ce qu'on pourrait appeler le "programme" initial de la philosophie.
Ce nonobstant, ce programme a été quelque peu modifié avec l'avènement des temps modernes. D'abord, la métaphysique a été subdivisée en deux : théologie d'un côté, onto(théo)logie de l'autre ; la morale se substituant à la vertu, la sainteté se substituant à la sagesse. Ensuite, avec la science, le savant s'est substitué au philosophe, qui n'eut d'abord plus que la liberté à se mettre sous la dent. Pour concevoir une action qui ait un sens, sans pouvoir recourir, ni à la vertu, ni à la morale, Kant a eu l'idée géniale de donner à la raison le rôle autrefois dévolu à la justice. Mais le tribunal de la raison, au moins aussi lourd que les tables mosaïques, n'a pas eu le succès attendu au box office démocratique. On a préféré cette autre idée géniale de Kant, d'inventer les sciences anthropologiques, sur le modèle de la science, à commencer par l'histoire. Les sciences anthropologiques ont le double avantage de n'être pas morales et de laisser ouverte la possibilité de trouver du sens à la vie des hommes, leur permettant ainsi, espérait-on, de régler leurs actions sur ce qui est, exhaussant par la même occasion le rêve philosophique. Les historiens de métier s'étant révélés plus raisonnables et compétents que les philosophes, on a jugé bon de les mettre au chômage. Depuis, le développement des sciences humaines ayant tenu (relativement) toutes ses promesses, ne leur reste plus qu'à méditer tout ça (joyeusement ou tristement, selon l'humeur, qui leur tient lieu de baromètre cosmique - dont la fiabilité a quelque chose du tragi-comique).
Comme on pouvait s'y attendre en pareille situation, ils ressassent et ressassent encore (ressentiment ?) ; c'est à qui aura le plus de talent pour dévoiler enfin le sens du monde. Il faut bien reconnaître que peu ont le talent qu'on était en droit d'exiger de leur part. Les nietzschéens, par exemple, se reproduisent plus vite que des bactéries, sans le génie du père. Les avatars du nihilisme essaiment avec fracas (déconstructionnisme, etc.), pourvu que ce soit post-apocalyptique, eucalyptique, ou toute autre fantaisie. Pourvu enfin qu'ils nous fassent croire que, n'ayant aucune compétence en fait, ils les ont toutes en droit.
La seule question aujourd'hui, pour qui veut entrer en philosophie, c'est : est-ce pour construire ou pour déconstruire ?
Dernière édition par Euterpe le Mar 21 Nov 2017 - 18:08, édité 4 fois
Ce nonobstant, ce programme a été quelque peu modifié avec l'avènement des temps modernes. D'abord, la métaphysique a été subdivisée en deux : théologie d'un côté, onto(théo)logie de l'autre ; la morale se substituant à la vertu, la sainteté se substituant à la sagesse. Ensuite, avec la science, le savant s'est substitué au philosophe, qui n'eut d'abord plus que la liberté à se mettre sous la dent. Pour concevoir une action qui ait un sens, sans pouvoir recourir, ni à la vertu, ni à la morale, Kant a eu l'idée géniale de donner à la raison le rôle autrefois dévolu à la justice. Mais le tribunal de la raison, au moins aussi lourd que les tables mosaïques, n'a pas eu le succès attendu au box office démocratique. On a préféré cette autre idée géniale de Kant, d'inventer les sciences anthropologiques, sur le modèle de la science, à commencer par l'histoire. Les sciences anthropologiques ont le double avantage de n'être pas morales et de laisser ouverte la possibilité de trouver du sens à la vie des hommes, leur permettant ainsi, espérait-on, de régler leurs actions sur ce qui est, exhaussant par la même occasion le rêve philosophique. Les historiens de métier s'étant révélés plus raisonnables et compétents que les philosophes, on a jugé bon de les mettre au chômage. Depuis, le développement des sciences humaines ayant tenu (relativement) toutes ses promesses, ne leur reste plus qu'à méditer tout ça (joyeusement ou tristement, selon l'humeur, qui leur tient lieu de baromètre cosmique - dont la fiabilité a quelque chose du tragi-comique).
Comme on pouvait s'y attendre en pareille situation, ils ressassent et ressassent encore (ressentiment ?) ; c'est à qui aura le plus de talent pour dévoiler enfin le sens du monde. Il faut bien reconnaître que peu ont le talent qu'on était en droit d'exiger de leur part. Les nietzschéens, par exemple, se reproduisent plus vite que des bactéries, sans le génie du père. Les avatars du nihilisme essaiment avec fracas (déconstructionnisme, etc.), pourvu que ce soit post-apocalyptique, eucalyptique, ou toute autre fantaisie. Pourvu enfin qu'ils nous fassent croire que, n'ayant aucune compétence en fait, ils les ont toutes en droit.
La seule question aujourd'hui, pour qui veut entrer en philosophie, c'est : est-ce pour construire ou pour déconstruire ?
Dernière édition par Euterpe le Mar 21 Nov 2017 - 18:08, édité 4 fois