(Je ne sais pas s'il est préférable de publier ce post dans la rubrique "Vérité" ou dans celle du "Rêve".)
Ainsi, j'aimerais en savoir plus sur l'opinion de Nietzsche :
Sur quoi s'appuie-t-il pour dire que le rêve est une sorte "d'immersion" dans les "abîmes" de la civilisation humaine qui est d'autant plus antérieure ? - En prenant en compte la « conclusion de l'effet à la cause », cela voudrait dire que lorsque nous rêvons nous cherchons « inconsciemment » à savoir d'où nous provenons ? (J'emploie le terme « inconscient » pour signifier l'état endormi, c'est-à-dire non éveillé.)
Par conséquent, d'où provient ce « phénomène » ?
Aussi, le rêve ne pourrait-il pas être connoté d'un semblant de vérité ? - Notre cerveau étant éteint durant le sommeil, notre esprit (pour garder le modèle de Nietzsche) est délivré pendant un temps donné de la machine infernale de la pensée « dirigée ». Même s'il n'est plus « dirigé » durant le sommeil, l'« autonomie » de notre esprit pourrait-elle relever d'une certaine vérité juste dans ses « conclusion[s] de l'effet à la cause » ? Je ne saisis pas ce que peut bien signifier « dans le rêve, nos raisonnements sont faux, non pas parce qu'ils sont « inconscients », mais parce qu'ils sont « primitifs » ». Quel est le sens ici de la primitivité ?
J'ai peur d'avancer une ânerie mais par le passé (je ne sais plus exactement la source – c'est pour cela que j'ai peur de dire une ânerie) j'ai cru comprendre que les rêves se nourrissent de diverses informations (images, sens, etc.) stockées dans des recoins de nos cerveaux auxquels nous n'avons pas accès. L'imaginaire se construirait alors à partir de certaines de ces données notamment pour la réalisation des décors, de l'environnement, mais également des personnes et des objets invoqués. Comme ces informations stockées sont des choses que nous avons vécues d'une manière « consciente » (éveillée), quelque part, nous les avons validées ou réfutées dans leur vérité.
Donc le fait que les rêves se nourrissent d'une base de données que nous ne consultons pas dans un état éveillé, indique forcément que ces informations sont fausses ?
Qu'en pensez-vous ?
Je n'ai pas assez d'informations et de connaissances pour avancer avec certitude ce que je dis. C'est pour cela que je vous demanderais d'être un minimum indulgents à mon égard, et par ailleurs, de ne pas hésiter à développer davantage ou de me faire revoir mes propos, propos que je déploie avec les limites de mon expression.
Nietzsche, Humain, trop humain.
"LOGIQUE DU RÊVE. -
Dans le sommeil, notre système nerveux est continuellement mis en excitation par de multiples facteurs intérieurs ; presque tous les organes séparent leur activité, le sang accomplit son impétueuse révolution, la position du dormeur comprime certains membres, ses couvertures influencent la sensation de diverses façons, l'estomac digère et agite par ses mouvements d'autres organes, les intestins se tordent, la situation de la tête entraîne des états musculaires inusités, les pieds, sans chaussures ne foulant pas le sol de leurs plantes, occasionnent le sentiment de l'inaccoutumé, tout comme l'habillement différent de tout le corps - tout cela, selon son changement, son degré quotidien, émeut par son caractère extraordinaire tout le système jusques et y compris la fonction du cerveau : et ainsi il y a cent motifs pour l'esprit de s'étonner et de chercher les raisons de cette excitation : mais le rêve est la recherche et la représentation des causes des sensations ainsi éveillées, c'est-à-dire des causes supposées. Celui qui par exemple entoure ses pieds de deux bandes peut rêver que deux serpents entourent ses pieds de leurs replis : c'est d'abord une hypothèse, puis une croyance, accompagnée d'une représentation et d'une invention de forme : "Ces serpents doivent être la causa de cette impression que j'ai, moi, le dormeur", - ainsi juge l'esprit du dormeur. Le passé prochain ainsi trouvé par raisonnement lui est rendu présent par l'imagination excitée. Ainsi chacun sait par expérience avec quelle rapidité l'homme qui rêve introduit un son fort qui lui parvient, par exemple, des glas de cloches, des coups de canon, dans la trame de son rêve, c'est-à-dire en tire l'explication après coup, si bien qu'il pense éprouver d'abord les circonstances occasionnelles, puis le son. - Mais comment se fait-il que l'esprit des rêveurs frappe ainsi toujours à faux, tandis que le même esprit, dans la veille, a coutume d'être si réservé, si prudent et si sceptique à l'égard des hypothèses ? au point que la première hypothèse venue suffit pour l'explication d'une sensation et fait croire incontinent à sa vérité ? (car dans le rêve nous croyons au rêve comme s'il était une réalité, c'est-à-dire que nous tenons notre hypothèse pour complètement démontrée). - Mon opinion : comme maintenant encore l'homme conclut en rêve, l'humanité concluait aussi dans la veille durant bien des milliers d'années : la première causa qui se présentait à l'esprit pour expliquer quelque chose qui avait besoin d'explication lui suffisait et passait pour vérité. (C'est ce que font encore aujourd'hui les sauvages, d'après les récits des voyageurs.) Dans le rêve, ce type très ancien d'humanité continue à agir en nous, parce qu'il est le fondement sur lequel la raison supérieure s'est développée et se développe encore dans chaque homme : le rêve nous reporte dans de lointains états de la civilisation humaine et nous met en main un moyen de les comprendre mieux. La pensée onirique nous devient aujourd'hui si facile, parce que précisément, dans d'immenses périodes de l'évolution de l'humanité, nous avons été si bien dressés à cette forme d'explication fantaisiste et bon marché par la première idée venue. Ainsi le rêve est un délassement pour le cerveau qui, dans le jour, doit satisfaire aux sévères exigences de la pensée, telles qu'elles sont établies par un degré élevé de civilisation. - Il y a un phénomène apparenté que nous pouvons encore prendre en considération, dans l'intelligence éveillée, en tant que portique et vestibule du rêve. Si nous fermons les yeux, le cerveau produit une foule d'impressions de lumières et de couleurs, vraisemblablement comme une espèce de résonance et d'écho de tous ces effets lumineux qui, au jour, agissent sur lui. Mais, de plus, l'intelligence (de concert avec l'imagination) élabore aussitôt ces jeux de couleurs, en soi sans formes, en figures déterminées, personnages, paysages, groupes animés. Le processus particulier qui intervient ici est encore une espèce de conclusion de l'effet à la cause : tandis que l'esprit demande d'où viennent ces impressions de lumières et ces couleurs, il suppose comme causes ces figures, ces personnages qui jouent pour lui le rôle d'occasion de ces couleurs et de ces lumières, parce que, au jour, les yeux ouverts, il est habitué à trouver pour chaque couleur, pour chaque impression de lumières, une cause occasionnelle. Ici donc l'imagination lui fournit constamment des images en les empruntant pour les produire aux impressions l'imagination en rêve : - cela veut dire que la cause prétendue est conclue de l'effet et présupposée après l'effet : tout cela avec une extraordinaire rapidité, si bien qu'ici comme en face du prestidigitateur il peut naître une confusion du jugement, et qu'une succession peut s'interpréter comme quelque chose de simultané, voire comme une succession dans un ordre inverse. - Nous pouvons déduire de ces processus combien tardivement la pensée logique précise, la recherche sévère de cause et effet a été développée, si nos fonctions rationnelles et intellectuelles, maintenant encore, se reprennent aux formes primitives de raisonnement et si nous vivons environ la moitié de notre vie dans cet état. - Le poète aussi, l'artiste, assigne à ses états d'âme des causes qui ne sont pas du tout les vraies ; il rappelle en cela l'humanité antérieure et peut nous aider à la comprendre.
Note associée : Texte consacré à l'interprétation du rêve, avant celle que proposera Freud, et pourtant, sinon très proche de l'interprétation freudienne, du moins présentant certaines analogies avec elle. En effet, Nietzsche ne se réfère pas à l'inconscient mais à l'esprit, s'il donne du raisonnement onirique une interprétation qui renvoie au passé archaïque de l'humanité tout entière plutôt qu'à l'expérience strictement individuelle, toutefois ce qu'il possède déjà en commun avec Freud, c'est avant tout, pour expliquer le rêve, la référence au passé ainsi que l'observation d'un type particulier de raisonnement spécifique au rêve. Pour Nietzsche, le rêve permet de comprendre l'humanité antérieure et la civilisation primitive. Dans le rêve, nos raisonnements sont faux, non pas parce qu'ils sont « inconscients », mais qu'ils sont « primitifs » - ceux de nos ancêtres primitifs. Nietzsche relève déjà toutefois une explication après coup et un type spécifique de raisonnement onirique, dont, pour l'un comme pour l'autre, on peut retrouver le développement chez Freud.
Ainsi, j'aimerais en savoir plus sur l'opinion de Nietzsche :
Sur quoi s'appuie-t-il pour dire que le rêve est une sorte "d'immersion" dans les "abîmes" de la civilisation humaine qui est d'autant plus antérieure ? - En prenant en compte la « conclusion de l'effet à la cause », cela voudrait dire que lorsque nous rêvons nous cherchons « inconsciemment » à savoir d'où nous provenons ? (J'emploie le terme « inconscient » pour signifier l'état endormi, c'est-à-dire non éveillé.)
Par conséquent, d'où provient ce « phénomène » ?
Aussi, le rêve ne pourrait-il pas être connoté d'un semblant de vérité ? - Notre cerveau étant éteint durant le sommeil, notre esprit (pour garder le modèle de Nietzsche) est délivré pendant un temps donné de la machine infernale de la pensée « dirigée ». Même s'il n'est plus « dirigé » durant le sommeil, l'« autonomie » de notre esprit pourrait-elle relever d'une certaine vérité juste dans ses « conclusion[s] de l'effet à la cause » ? Je ne saisis pas ce que peut bien signifier « dans le rêve, nos raisonnements sont faux, non pas parce qu'ils sont « inconscients », mais parce qu'ils sont « primitifs » ». Quel est le sens ici de la primitivité ?
J'ai peur d'avancer une ânerie mais par le passé (je ne sais plus exactement la source – c'est pour cela que j'ai peur de dire une ânerie) j'ai cru comprendre que les rêves se nourrissent de diverses informations (images, sens, etc.) stockées dans des recoins de nos cerveaux auxquels nous n'avons pas accès. L'imaginaire se construirait alors à partir de certaines de ces données notamment pour la réalisation des décors, de l'environnement, mais également des personnes et des objets invoqués. Comme ces informations stockées sont des choses que nous avons vécues d'une manière « consciente » (éveillée), quelque part, nous les avons validées ou réfutées dans leur vérité.
Donc le fait que les rêves se nourrissent d'une base de données que nous ne consultons pas dans un état éveillé, indique forcément que ces informations sont fausses ?
Qu'en pensez-vous ?
Je n'ai pas assez d'informations et de connaissances pour avancer avec certitude ce que je dis. C'est pour cela que je vous demanderais d'être un minimum indulgents à mon égard, et par ailleurs, de ne pas hésiter à développer davantage ou de me faire revoir mes propos, propos que je déploie avec les limites de mon expression.