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Diverses questions sur Socrate.

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Desassocega
nnikkolass
6 participants

descriptionDiverses questions sur Socrate. EmptyDiverses questions sur Socrate.

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Bonjour,

Je ne suis ni philosophe, ni sophiste, ni psychologue ou autre, mais simplement un être humain qui essaie de comprendre la nature humaine au plus profond. Le seul moyen que j'ai trouvé est d'accompagner (c'est mon travail) des personnes schizophrènes (j'ai écrit un livre sur le sujet)... Dans le cadre de mon premier projet j'ai été amené dans mes recherches à constater deux choses :

- la maladie psychique : schizophrénie, bipolaire, dépression est une composante de notre humaine condition. Les symptômes vécus peuvent apparaitre chez n'importe lequel d'entre nous dans des situations particulières (comme les pensées automatiques par exemple), ces symptômes seraient juste un excès de la normalité...
- pour contrer des sentiments de persécution, il n'y a pas grand chose à faire à part la maïeutique (et les traitements), Socrate a inspiré clairement les programmes de réhabilitation sociale des patients psychiatriques. Les thérapies comportementales et cognitives en revendiquent la filiation. Le fait par exemple de faire un travail d'hypothèses sur des situations particulières afin d'assouplir le sentiment de persécution d'une personne schizophrène (remédiation cognitive)...

Bref aujourd'hui, j'ai un autre projet d’écriture (je ne sais pas encore s'il va aboutir) concernant Socrate (je préfère ne pas trop en dire pour le moment), pour cela j'ai entamé un travail de recherche que j'aimerais faciliter par des échanges avec vous, j'ai entamé la lecture du livre de Roustang : Le secret de Socrate, pour changer de vie et l'Histoire de la psychiatrie d'Alexander (qui parle beaucoup du traitement de la folie à l'âge antique), je constate qu'il est difficile d’appréhender Socrate au vu de nombreux témoignages (Platon, Xénophon...) contradictoires.

1. j'aurais besoin de comprendre sa personnalité : était-il colérique ? pauvre (comme le prétendent Xénophon et Platon) ? A-t-il eu des enfants connus ? se considérait-il comme un sophiste ou un maître à penser ? aimait-il boire du vin à même l'amphore ? des détails un peu personnels, avez-vous une idée de son caractère ? était-il un guérisseur initié au chamanisme comme j'ai pu le lire dans certains livres ?
2. sur sa philosophie : j'en suis à essayer de comprendre en quoi la science et la vertu ne sont pas à dissocier comme le prétend Socrate et ce que conteste Aristote,
en quoi la justice colle-t-elle à la peau de Socrate ? pourquoi se méfiait-il de la sagesse?
3. mais surtout et le plus important pour moi, la stratégie et la tactique qu'il a mises en place pour amener par la rhétorique son interlocuteur à une forme de choc traumatique qui l’amène vers la lumière de la connaissance et donc de l’ignorance : j'ai pu vivre un peu cette expérience avec deux ou trois personnes schizophrènes que j'accompagne, j'ai essayé d'utiliser le questionnement socratique pour assouplir des délires, je ne les ai pas éradiqués mais j'ai réussi à les assouplir... je crois de plus en plus que Socrate n'est pas un philosophe mais un thérapeute très efficace face aux personnes qui ont des croyances ou des interprétations très résistantes...

Merci pour ceux qui me répondront, je continue mes recherches et au fur et à mesure je serai amené sûrement à vous poser des questions... je suis preneur des interprétations subjectives et hypothèses concernant Socrate...
Merci encore

descriptionDiverses questions sur Socrate. EmptyRe: Diverses questions sur Socrate.

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Quant à Socrate, on ne le connaît que par intermédiaire. Personne ne l'a croisé ou l'a connu personnellement. Le seul moyen de le connaître, c'est en lisant ceux qui parlent de lui (Platon, Xénophon, Diogène, etc.). Ainsi certaines de vos questions n'ont aucun sens dans la mesure où il nous est impossible de répondre. Sinon, oui, il était assez pauvre ; il a effectivement eu des enfants ; il ne se considérait ni comme un sophiste ni comme un maître à penser (cf. l'Apologie de Socrate)

j'en suis à essayer de comprendre en quoi la science et la vertu

Chez Platon/Socrate, il y a cette idée que si nous faisons une mauvaise action, c'est par ignorance. Ainsi, l'enseignement permet la vertu. A ce sujet, vous pouvez lire Protagoras. ;)

Qu'entendez-vous en disant qu'il se méfiait de la sagesse ?

Dernière édition par Desassossego le Mer 24 Avr 2013 - 20:47, édité 1 fois

descriptionDiverses questions sur Socrate. EmptyRe: Diverses questions sur Socrate.

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Bonsoir,

J'ai suggéré des réponses subjectives et interprétatives : d’après votre sentiment Socrate était-il calme ? colérique ? était-il végétarien ? etc. Ce que vous pensez personnellement (même si c'est faux ou pas prouvé).

Socrate se méfiait de la sagesse, d’après F. Roustang (Le secret de Socrate pour changer de vie, éditions Odile Jacob) :
Il (la sagesse) faut donc s'en méfier, se demander si elle est solide, et donc la défaire et aller jusqu'à jeter un doute sur son existence. A travers la sagesse se profile le non-savoir qui n'est pas, comme la justice, l'index et la matière de sa vie, même s'il en est sa condition. Ce qui marque la différence de façon décisive, c'est que la justice, comme on l'a vu, est élevée à la dignité d'un art et que la sagesse ne le peut pas. On verra qu'elle ne peut être ni un art, ni un organe des sens, ni une grandeur ou un nombre, mais qu'elle renvoie à la cité ou se combinent les différents arts


Je pense que Roustang fait une libre interprétation de Socrate (il le dit lui-même), mais son livre est passionnant car il révèle un véritable travail de recherche au plus près de la vérité sur les idées de Socrate en analysant et critiquant les écrits de Xénophon et Platon. Mais j'aurais d'abord dû commencer par lire Xénophon et Platon avant Roustang, j'ai pris un peu les choses à l'envers...

Merci pour les conseils de lecture, j'ai aussi imprimer la bibliographie concernant Socrate proposée sur le forum, j'irais à la bibliothèque la semaine prochaine (je suis en congés) pour entamer un travail de recherche sérieux...

descriptionDiverses questions sur Socrate. EmptyRe: Diverses questions sur Socrate.

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Bonne chance à vous pour ce travail ;)

descriptionDiverses questions sur Socrate. EmptyRe: Diverses questions sur Socrate.

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merci,

j'espère que vous m'aiderez un peu à mieux le comprendre et aussi à mieux le connaître...

Je pense que tous les hommes sont reliés entre eux de par leur appartenance à la même espèce animale, nous avons un même passé d'évolution et sommes construits sur un même modèle. Pourtant il existe tellement de singularités dans chaque être humain pris individuellement... Cela s'explique par nos expériences et notre vécu (à la fois intra et extra utérin) et leur rapport avec la construction et dégénérescence de nos cellules (pour ce thème je conseille d'aller voir du côté de Bayles et le « vieillissement réussi ») tout au long de notre vie (d'ailleurs ou commence la vie ? Dès la fécondation ou bien à l'apparition du système nerveux ?). Nous ne vivons pas de la même manière des expériences de vie (même si parfois elles semblent communes) : le décès d'un proche, le mariage, son premier enfant, etc. C'est cette idée sous-tendue (d'un questionnement à la fois scientifique et mystique (sur le mystère de la vie) qui m'amène à penser que des personnes schizophrènes, bipolaires, dépressives font partie de la « normalité » ou plutôt d'un excès de processus normaux et communs à tous les être humains. Nous avons tous des biais cognitifs qui nous conduisent à interpréter et prendre des décisions fondées sur nos croyances, conscientes ou inconscientes. Qui n'a jamais eu de sentiments de persécution face à certaines situations ? Qui n'a pas de pensées automatiques ? Le symptôme apparaît dans l'excès lorsque ces pensées sont récurrentes et qu'elles produisent une gène et bien souvent des sentiments de culpabilité. La plupart d'entre nous laisse filer ses pensées automatiques en en prenant à peine conscience, elles ne nous font pas culpabiliser et on les oublie aussi vite qu'elles sont arrivées. Le modèle d'Ellis est vraiment intéressant :

Le modèle A-B-C d'Ellis : Activating stimulus (stimulus activateur), Belief (croyances ou cognitions, les pensées automatiques en font partie), Conséquence (conséquences affectives ou comportementales).

Selon ce modèle, un événement extérieur ou interne (émotion), A ---> déclenche des cognitions et des pensées automatiques, B ---> qui ont des conséquences émotionnelles et comportementales, C.

Souvent, nous n’avons conscience que du lien A ---> C événement-conséquence. Les thérapies cognitives et comportementales cherchent à dévoiler le rôle essentiel du chaînon manquant, la croyance ou pensée automatique B. Et c'est ici que s'exprime le génie de Socrate : on le dit instigateur de la philosophie, mais il a sans doute grandement influencé la psychologie qu'elle soit psychanalytique, cognitive ou autre... Il s'est intéressé à l'influence des croyances (biais cognitifs) sur nos comportements :

Cicéron est peut-être le seul auteur de l’Antiquité à avoir exprimé que l’homme est responsable de son propre comportement, normal ou morbide. Pour lui, ce n’est pas Dieu qui brouille l’intelligence et cause la maladie, mais bien les erreurs de l’homme lui-même, et seule la philosophie peut le guérir. Et oui la philosophie peut venir nous aider à être de meilleurs hommes et particulièrement celle prônée par Socrate (la reconnaissance de son non savoir)... Se pose alors une première série d'interrogations : d’où nous viennent nos croyances, notre propre subjectivité et nos interprétations ? est-ce un processus inné propre à la race humaine ?
Socrate a raison de définir la sagesse comme la prise de conscience de son non-savoir, de son ignorance : Un être qui n'aurait pas d'interprétation, de biais cognitifs serait un être de raison pure (quoique la question de l'intelligence artificielle laisse envisager cette possibilité : cf. Science et vie de février 2013 sur le cerveau artificiel et qui pose la question notamment de la possibilité d'une âme à une intelligence de pure raison non humaine), il ne pourrait éprouver de sentiments. Or ce serait paradoxal au processus de la maïeutique qui amène à apprendre de nos erreurs, finalement nos expériences en interaction avec l’environnement peuvent cristalliser des croyances fortes qui influeront sur nos jugements mais ne nous invitent pas naturellement à les dépasser comme nous invite à le faire Socrate. Il est plus confortable de s'accrocher à des repères stables même s'ils sont ancrés sur un sol douteux et un peu mou... En gros on pourrait dire : "on sait ce qu'on va perdre, mais on ne sait pas trop ce qu'on va trouver", on pourrait ajouter : "... ni si cela va nous plaire..." Par exemple si je m’aperçois que mon paillasson est déplacé à chaque fois que je rentre (A : événement) je vais peut-être me dire que c'est un voisin qui s'essuie les pieds sur mon paillasson (B : croyance) et de ce fait je vais peut-être adopter un comportement de méfiance ou même une vengeance contre le voisin que je soupçonne d’être responsable de ce méfait (comportement C).

Il est possible de travailler sur nos biais cognitifs qui nous amènent des croyances et bien souvent des comportements qui ne sont pas adaptés à la situation (quand on se dispute avec quelqu'un par exemple ou que l'on prête de mauvaises pensées à une personne (theorie of mind : théorie de l'esprit). Cela fait appel à des mécanismes complexes d'inférence. Alors comment faire pour vivre une vie qui soit la plus heureuse possible ? Comment faire pour éviter le stress lié à nos erreurs de communication et d'interprétation ?

Je pense qu'il faut s'approprier la pensée de Socrate et de son fameux « connais-toi toi-même ». Socrate est l'un des rares philosophes à n'avoir jamais écrit, on peut retrouver ses pensées à travers ses deux disciples que sont Platon et Xénophon. Mais tous deux n'ont-ils pas non plus déformé voire parfois interprété la pensée de Socrate ? (c'est d'ailleurs, je pense paradoxal à la pensée de Socrate que de l'interpréter de façon subjective, je commence à soupçonner Platon d'approprier à Socrate certaines de ses propres idées), le « connais-toi toi-même », ce ne sont pas de simples mot assemblés, Socrate a poussé très loin sa réflexion jusqu'à inventer la maïeutique. Cette technique qui consiste à questionner sans jamais affirmer. Socrate met en doute nos croyances fondamentales et nous laisse face à un vide sidéral extrêmement anxiogène. L'homme a besoin de points de capiton (concept de Jacques Lacan concernant la structuration du langage), de repères stables afin de pouvoir naviguer au milieu des eaux parfois troublées et troublantes. Socrate nous enlève ses repères, ce qui dans un premier temps peut nous angoisser et nous pousser à mettre en place des actes de résistance (comme le déni, l'évitement ou la fuite, l'agressivité afin de préserver l'estime de soi), mais nous ouvre des perspectives et des horizons dont nous ne soupçonnions pas l’existence. Il nous pousse à voguer sans boussole au delà des limites connues, repoussant nos repères loin derrière et nous invite à plonger sans filet vers la découverte de nous-mêmes et des Autres.

Pour l'exemple du paillasson déplacé, Socrate pourrait nous dire : mais n'y a-t-il pas d'autres explications que votre interprétation concernant votre voisin ?
« - si peut-être que c'est moi qui m'essuie les pieds et qui le déplace sans faire attention (c'est sans doute plus facile et préserve le narcissisme (ou l'estime de soi) de se dire que c'est de la faute de quelqu'un d'autre)
- ou le gardien d'immeuble qui fait le ménage déplace le paillasson sans le remettre à sa place
- peut-il exister d'autres explications à celle-ci ? Et parmi toutes celles évoquées y en a-t-il une qui vous paraissent plus probables qu'une autre ? »

Socrate nous amène à nous interroger sur notre être profond et à prendre conscience de nos automatismes de pensée. Penser autrement demande de gros efforts et parfois une mise à l'écart de son narcissisme. Aujourd'hui, je sais que Socrate n'aurait pas accepté le terme d’élève ou d'enseignant : « je sais que je ne sais rien... » il ne prodigue pas de la connaissance mais nous amène à nous approprier la connaissance par nous-mêmes en ne niant jamais notre propre subjectivité.

Le lien entre Socrate et nos biais cognitifs est un sujet qui m’intéresse particulièrement, je me demande aussi quelle serait son analyse s'il vivait encore aujourd'hui ? quel serait son avis sur les hommes politiques ? sur les Nexus comme le World Trade Center ? Sur nos habitudes de vie ? et de leur comparaison avec d'autres cultures ? faire ressusciter Socrate n'est pas chose aisée et peut être même impossible, on verra...

Sur mon précédent message concernant Roustang qui dit que Socrate se méfiait de la sagesse... Je commence à appréhender ses raisons : il définit la sagesse comme la prise de conscience de son ignorance, elle est une sorte d'état d'esprit qui a lieu d'être chez tout le monde quelle que soit sa connaissance, ses compétences ou son métier... Ainsi elle n'est pas comme la justice qui elle est un art à part entière avec une fonction bien précise qui consiste à préserver les institutions gouvernantes de leurs biais cognitifs (B : du schéma d'Ellis) qui pourraient les amener à prendre des décisions dangereuses pour le peuple (c : d'Ellis).
Cependant la sagesse doit être présente chez tout le monde en général, y compris la justice, selon Roustang : "elle transcende les arts".

Enfin dernier point : Socrate se méfiait de la démocratie, car il pense que le peuple, dans sa grande naïveté, pourrait être amené à choisir dans ses gouvernants non pas celui qui est le plus compétent mais celui qui a la plus belle rhétorique.
Je n'ai pas encore tout lu sur Socrate, je n'ai pas encore la réponse à mes interrogations suivantes :
- d'abord ne peut-on être compétent (avoir la connaissance) tout en étant un maître de la rhétorique ? est-ce antinomique pour Socrate ? Peut-on être à la fois un bon médecin et posséder des qualités d'argumentation ? peut-on allier plusieurs savoirs et plusieurs connaissances ?
- d'autre part s'il faut choisir le plus compétent dans un domaine afin qu'il exerce sa compétence dans le métier dans lequel il excelle (d'abord est-ce là bien le postulat de Socrate ?) qui va pouvoir déterminer la compétence des personnes à exercer le métier en question ? qui va pouvoir juger des compétences de la personne ? par exemple hier je regardais Mélanchon à la TV ( t non pas Monsieur Mélanchon puisqu'il a tendance a appeler tout le monde par son nom de famille sans y mettre de titre auparavant, faisons comme lui), c'est un homme politique qui paraît sincère dans son désir d'aider le peuple mais comment juger de sa compétence à gouverner ? est-ce que son programme politique correspond bien à une connaissance et une compétence au vu des besoins qu'exige un poste de gouvernant ? (je vais au delà des partis pris gauche ou droite, peu importe, mais plutôt sur un questionnement de comment on fait pour suivre Socrate dans sa critique de la démocratie et dans ce qu'il propose) ?

En dernier lieu je vous conseille la lecture du livre de Jolien : Eloge de la faiblesse (en sous titre : dialogue avec Socrate)... Jolien est un philosophe victime d'un grave handicap de naissance (tétraplégique) et explique son parcours dans un dialogue avec Socrate...

N'hésitez pas à me répondre, et à me critiquer, je me trompe peut-être dans des postulats Socratiques, si j'écris dans ce forum, c'est aussi pour mieux le comprendre et essayer de suivre sa façon de faire, c'est-à-dire de confronter des points de vue. Je serais très heureux de pouvoir mieux le comprendre à travers des dialogues avec vous tous...

Merci
Nicolas

Merci de ne pas changer le titre du sujet et d'utiliser la fonction EDITER plutôt que d'aligner plusieurs messages à la suite - Vangelis.
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