Je vais tenir ici les prémices d'une thèse afin qu'elle soit largement critiquée. Ce raisonnement est déjà le fruit d'un ensemble de propos qui m'a été adressé. Dans l'optique d'une présentation la plus claire possible, je vais essayer de découper mon exposé non pas organiquement, mais selon les analyses des commentateurs. Par ce biais, je pourrai expliciter et consolider mon étude dans une démarche dynamique tout en invitant les lecteurs à s'engager positivement et/ou négativement dans cette dialectique.
Introduction :
Imaginez un monde où l'on serait rémunéré (et non pas indemnisé) au moment de chaque vote. Le vote est-il producteur de richesses particulières ? Voter n'est-ce pas là décider pour la marche de notre société ? Voter tant pour ses représentants, pour des sujets... décider n'est-ce pas là un acte productif ? Est-ce un bon remède à l'abstentionnisme ? Une solution pour révolutionner la démocratie représentative ? Les hommes et femmes ne gagneront-ils pas à se voir reconnaître qu'ils participent aussi économiquement par le biais de la décision politique ?
Nous pouvons résumer les différentes idéologies qui sous-tendent la représentation de ce qu'est l'acte de voter (tant pour des représentants que pour des sujets) :
- Voter est un privilège pour les plus méritants.
- Voter est globalement inutile.
- Voter est un acte patriotique sans valeur économique.
- Voter est un travail pour la vie de la cité.
Cette dernière proposition invite à considérer enfin l'acte de voter comme la participation à la vie de la cité méritant un salaire. Pourquoi ne reconnaît-on pas une majorité économique et sociale en plus d'une majorité civile et politique ?
De l'absence de lien avec la corruption :
La corruption est la perversion ou le détournement d'un processus ou d'une interaction avec une ou plusieurs personnes dans le dessein, pour le corrupteur, d'obtenir des avantages ou des prérogatives particulières ou, pour le corrompu, d'obtenir une rétribution en échange de sa bienveillance.
Il n'y a ici ni corrupteur ni corrompu. Recevoir une rémunération, lorsque l'on vote, ceci pour tous et quel que soit le vote.
Du vote en tant que production économique :
Être citoyen n'est-ce pas déjà faire partie d'une entreprise où l'employeur serait le peuple tout entier ?
Être citoyen c'est participer à la vie de la cité, et ceci comporte une valeur économique car sans la participation du grand nombre nous n'aurions pas de dynamique démocratique (cette démocratie qui engage la légitimité des choses, leur questionnement, leur performance, leur justesse, leur développement...).
Être payé pour voter c'est reconnaître que nous tous apportons une pierre à l'édifice du débat pour bâtir l'avenir. C'est donner à tous la possibilité de contribuer parce qu'à tous nous aurions reconnu la majorité politique, civile, économique et sociale.
Le vote est-il un service économique comme les autres ?
1) Le vote ne vise pas un particulier mais l'universel : à la fois pour chacun mais aussi pour tous. Un vote est la convergence des vies prises tant dans leur sphère individuelle que dans leur sphère publique.
2) On ne paye pas le contenu du service (!), seulement la participation à la vie de la cité. Si le salaire est différent entre les citoyens-producteurs, la variation sera seulement la conséquence de conditions posées avant-vote. Dans tous les cas, si on considère qu'il s'agit d'un salaire alors il n'y a pas de raison de ne pas l'indexer sur le SMIC.
3) Tous les citoyens-producteurs sont à la fois producteurs et demandeurs de services, en même temps. Le vote c'est permettre d'initier une question ("demander" une question) à laquelle il y aura une réponse ("offrir" une réponse). Le vote c'est la possibilité d'une question trouvant sa réalisation dans celui-ci en tant que réponse.
4) Le vote n'attend pas une compétence sine qua non. La majorité civile et politique est suffisante. Le salaire à l'embouchure du vote est inconditionnel.
5) Augmenter le nombre d'instants démocratiques est certes augmenter le salaire inconditionnel, mais il est pour tous une augmentation identique. Il n'y a pas de concurrence dans la réponse à la question en terme de rémunération. La concurrence est politique. Ce caractère singulier du vote produit non pas une accumulation du nombre de fois où le citoyen sera appelé à voter, mais une complexification. Plus la démocratie s'intensifie plus les sujets posés se diversifient et se singularisent.
Au contraire d'un service marchand lucratif, la qualité recherchée n'est pas dans l'offre (la réponse à la question) mais dans la demande (la qualité de la question posée). Il ne s'agit donc pas pour le citoyen-producteur (à la fois employé et employeur du peuple) de rechercher sa rentabilité personnelle mais de rechercher la viabilité (capacité d'une entité à vivre) en posant les bonnes questions. L'enjeu est donc non pas dans le simple choix (le vote n'est pas une fin en soi) mais dans la formulation des problématiques et dans la pertinence de leur portée.
L'intérêt est donc dans l'amélioration qualitative du capital culturel collectif et général à questionner justement.
Nota Bene : Je ne réponds pas dans l'abstrait sur ce qu'est le verbe produire car cet agir s'inscrit dans un système, un cadre entier qui donne sens au verbe produire. Ainsi, produire est former d'une manière dont le sens particulier est relatif au cadre qui le structure.
Du "coût" du vote :
L'argument économique n'est pas valable puisqu'il n'est pas l'axiome du raisonnement. Toute la question réside dans la volonté ou non d'admettre que voter est un travail nécessitant un salaire. Si on admet qu'il s'agit bien d'un acte productif et dynamisant la société entière, ce que les économicistes perçoivent comme une dépense, les citoyens le percevront comme une reconnaissance de leur production.
Les élus sont bien rémunérés pour leur "travail". Pourquoi ne pas étendre le raisonnement pour tous les citoyens ? Reconnaître la valeur de ce service rendu pour la vie de la cité est fonder en fait (et non plus seulement en droit) toute l'importance dans l'acte de voter.
Du vote en tant que concrétisation du capital culturel :
Il est possible de conditionner la rémunération au moment du vote par des formations tout au long de la vie sur des thèmes variés. Les rêves de Condorcet, de Victor Hugo et bien d'autres pourraient devenir un peu plus réalité. Bâtir des citoyens ayant un solide capital intellectuel, une capacité redoutable de questionner, défaire l'élitisme par une démocratie approfondie, voilà quelques buts honorables.
Il me faut ainsi pas partir du moment du vote mais entreprendre une démarche d'analyse complète de l'acte de voter qui prend ses sources dans une réflexion et une teneur pédagogique profonde au sein de la société.
Voter c'est participer à la vie de la cité dans ses moments de décision. Encore faut-il produire des questionnements. Pas de choix sans question. Comment faire émerger les questions ? Par la formation continue du citoyen. Il est essentiel de donner les moyens aux citoyens d'appréhender un capital culturel monumental qui flotte dans la sphère des idées. La meilleure manière d'intéresser le citoyen est de le faire dès l'enfance puis de poursuivre ses questions dans son travail professionnel. Il faut pouvoir articuler la technique de son métier avec les enjeux (science politique, philosophique...) qui gouvernent son environnement professionnel. Mais il s'agit ici seulement d'un point d'appui où le citoyen doit faire face aux raisons justifiant sa place dans la société (la famille pouvant ne plus remplir ce rôle à cause des aléas de la vie familiale). Nous pouvons mesurer à quel point nous en sommes loin lorsqu'on voit le taux de chômage aujourd'hui (sans parler des conditions de travail).
Le moment pré-vote est un long chemin qui ne s'arrête qu'au décès, le vote n'étant pas une fin en soi, il n'est que l'instant où s'exprime le citoyen en public, et la réflexion peut/doit se poursuivre après le vote. Toutefois le vote est essentiel dans le processus de politisation de la masse citoyenne. Il marque l'aboutissement d'un choix et d'un débat dialectique. Cependant, légiférer n'est pas que voter. Le vote s'inscrit dans l'ensemble du processus institutionnel de cristallisation des normes juridiques, certes, mais aussi sociales, culturelles... En des termes guerriers, le vote est une arme mais il n'est pas la guerre.
De la différence entre vote blanc et abstentionnisme :
L'Homme s'engage lorsqu'il s'affirme en tant que citoyen, producteur prospectif au sein d'un groupe dynamisé par les dialectiques qui le stimulent. Le vote blanc traduit une prise de position politique. L'abstention traduit une absence. Être citoyen c'est affirmer une position. Ne rien dire c'est ne rien dire, mais dire que rien ne répond à sa prise de position c'est déjà quelque chose.
Quelqu'un de muet est une personne à la merci de l'instrumentalisation.
Un abstentionniste est un abstentionniste. On lui fait dire ce que l'on veut parce que les absents ont toujours tort. Si vous êtes révoltés c'est que vous avez quelque chose à dire et dans ce cas dites-le en des situations où personne ne pourra déformer votre propos. La méthode démocratique reste la meilleure en ce sens.
Je dis une chose essentielle : se taire c'est laisser les précieux instants de parole, écoûtés de manière égale entre tous ceux qui ont voix au chapitre, à autrui.
Voter blanc et l'abstentionnisme sont deux choses distinctes et bien différentes. Comme je l'ai dit plus haut voter blanc c'est affirmer une position politique, qui ne peut pas faire l'objet d'instrumentalisation. Je vote blanc pour vous dire à quel point vos propositions ne conviennent pas à ce que je pense. Je conviens que voter blanc ce n'est pas dire positivement ce que l'on pense. Cette absence de positivité peut être une brèche antidémocratique puisque (selon le système choisi) celui qui ne se décide pas est une voix supplémentaire qui va s'agréger à la majorité, malgré lui.
Toutefois, voter blanc c'est déjà affirmer son existence en tant que parole, que cela soit dans une démocratie directe ou représentative. Tous ceux qui s'abstiennent (qui ne votent pas) acceptent d'être les esclaves de ceux qui parlent à leur place. Tous ceux qui voteront blanc, pourront avoir droit à être écouté sur les motifs de leur refus de décider entre les propositions données parce qu'ils auront affirmé leur présence dans la cité et qu'on ne peut pas, sans risque, les contourner.
Nota Bene : En France, le vote blanc a été voté par l'Assemblée Nationale et le Sénat, en 2013.
Des dérives du consensus :
Pourquoi chercher à ce que les individus votent absolument ? Certains défendent l'inutilité de ce concept et proposent d'autres voies non démocratiques.
Le consensus c'est l'absence de vote. Nous rejetons les faux consensus qui bien souvent noient les multiples voix qui n'ont pas pu s'exprimer soit par manque de capital culturel (la peur de la honte face à l'infériorité ressentie envers les plus politisés), soit par impossibilité de s'exprimer à cause d'institutions déficientes. Le consensus empêche la transparence de l'expression car il fait voir l'alternative éventuelle comme une minorité irrecevable face à une majorité détenant la prétendue légitimité du monopole de la pensée.
L'exemple de l'autogestion est flagrant. L'autogestion se détermine par le consensus et personne n'est dupe de ce que contient en réalité ce terme. En outre, le concept même d'auto-gestion est biaisé. On ne gouverne pas par la gestion. La gestion est le propre d'un technocrate. L'autogestion est viciée par l'absence de vision générale dans ses aboutissements. Finalement, elle rejoint la vision libérale de l'anthropologie humaine, celle où la société n'est que la somme des intérêts individuels.
L'autogestion requiert le consensus. Il s'agit d'élaborer une norme qui va contenter tout le monde parce que personne n'est censé avoir la voie de l'intérêt général, et surtout pas ceux qui composent ce consensus. Avec la fin de l'intérêt général, va compter dans l'autogestion, l'intérêt privé (la voix d'un individu pris dans sa sphère privée, celle qu'il perçoit immédiatement). Le devoir sera de contenter l'avis de chacun en sachant pertinemment que tous les avis ne vont pas s'imbriquer comme dans un puzzle. Il y aura des oppositions (dont la source est notamment issue des oppositions économiques et sociales, des visions du monde différentes...) et parce qu'il faut un consensus alors devient nécessaire l'élaboration de critères de conciliation. Ces critères (déterminés par un arbitre éventuel) devront obtenir l'accord de chacun, mais que se passe-t-il si ici aussi il n'y a pas consensus ? L'obligation sera alors de chercher des sous-critères pour trouver les critères permettant le compromis, et s'il n'y a toujours pas consensus le même processus se poursuivra dans une régression à l'infini. Le problème subsistera indéfiniment et le gagnant sera le mieux loti, le plus malin, ou tout simplement celui qui a le plus d'intérêts à défendre. L'autogestion nourrit le plus cyniquement possible l'oligarchie.
Introduction :
Imaginez un monde où l'on serait rémunéré (et non pas indemnisé) au moment de chaque vote. Le vote est-il producteur de richesses particulières ? Voter n'est-ce pas là décider pour la marche de notre société ? Voter tant pour ses représentants, pour des sujets... décider n'est-ce pas là un acte productif ? Est-ce un bon remède à l'abstentionnisme ? Une solution pour révolutionner la démocratie représentative ? Les hommes et femmes ne gagneront-ils pas à se voir reconnaître qu'ils participent aussi économiquement par le biais de la décision politique ?
Nous pouvons résumer les différentes idéologies qui sous-tendent la représentation de ce qu'est l'acte de voter (tant pour des représentants que pour des sujets) :
- Voter est un privilège pour les plus méritants.
- Voter est globalement inutile.
- Voter est un acte patriotique sans valeur économique.
- Voter est un travail pour la vie de la cité.
Cette dernière proposition invite à considérer enfin l'acte de voter comme la participation à la vie de la cité méritant un salaire. Pourquoi ne reconnaît-on pas une majorité économique et sociale en plus d'une majorité civile et politique ?
De l'absence de lien avec la corruption :
La corruption est la perversion ou le détournement d'un processus ou d'une interaction avec une ou plusieurs personnes dans le dessein, pour le corrupteur, d'obtenir des avantages ou des prérogatives particulières ou, pour le corrompu, d'obtenir une rétribution en échange de sa bienveillance.
Il n'y a ici ni corrupteur ni corrompu. Recevoir une rémunération, lorsque l'on vote, ceci pour tous et quel que soit le vote.
Du vote en tant que production économique :
Être citoyen n'est-ce pas déjà faire partie d'une entreprise où l'employeur serait le peuple tout entier ?
Être citoyen c'est participer à la vie de la cité, et ceci comporte une valeur économique car sans la participation du grand nombre nous n'aurions pas de dynamique démocratique (cette démocratie qui engage la légitimité des choses, leur questionnement, leur performance, leur justesse, leur développement...).
Être payé pour voter c'est reconnaître que nous tous apportons une pierre à l'édifice du débat pour bâtir l'avenir. C'est donner à tous la possibilité de contribuer parce qu'à tous nous aurions reconnu la majorité politique, civile, économique et sociale.
Le vote est-il un service économique comme les autres ?
1) Le vote ne vise pas un particulier mais l'universel : à la fois pour chacun mais aussi pour tous. Un vote est la convergence des vies prises tant dans leur sphère individuelle que dans leur sphère publique.
2) On ne paye pas le contenu du service (!), seulement la participation à la vie de la cité. Si le salaire est différent entre les citoyens-producteurs, la variation sera seulement la conséquence de conditions posées avant-vote. Dans tous les cas, si on considère qu'il s'agit d'un salaire alors il n'y a pas de raison de ne pas l'indexer sur le SMIC.
3) Tous les citoyens-producteurs sont à la fois producteurs et demandeurs de services, en même temps. Le vote c'est permettre d'initier une question ("demander" une question) à laquelle il y aura une réponse ("offrir" une réponse). Le vote c'est la possibilité d'une question trouvant sa réalisation dans celui-ci en tant que réponse.
4) Le vote n'attend pas une compétence sine qua non. La majorité civile et politique est suffisante. Le salaire à l'embouchure du vote est inconditionnel.
5) Augmenter le nombre d'instants démocratiques est certes augmenter le salaire inconditionnel, mais il est pour tous une augmentation identique. Il n'y a pas de concurrence dans la réponse à la question en terme de rémunération. La concurrence est politique. Ce caractère singulier du vote produit non pas une accumulation du nombre de fois où le citoyen sera appelé à voter, mais une complexification. Plus la démocratie s'intensifie plus les sujets posés se diversifient et se singularisent.
Au contraire d'un service marchand lucratif, la qualité recherchée n'est pas dans l'offre (la réponse à la question) mais dans la demande (la qualité de la question posée). Il ne s'agit donc pas pour le citoyen-producteur (à la fois employé et employeur du peuple) de rechercher sa rentabilité personnelle mais de rechercher la viabilité (capacité d'une entité à vivre) en posant les bonnes questions. L'enjeu est donc non pas dans le simple choix (le vote n'est pas une fin en soi) mais dans la formulation des problématiques et dans la pertinence de leur portée.
L'intérêt est donc dans l'amélioration qualitative du capital culturel collectif et général à questionner justement.
Nota Bene : Je ne réponds pas dans l'abstrait sur ce qu'est le verbe produire car cet agir s'inscrit dans un système, un cadre entier qui donne sens au verbe produire. Ainsi, produire est former d'une manière dont le sens particulier est relatif au cadre qui le structure.
Du "coût" du vote :
L'argument économique n'est pas valable puisqu'il n'est pas l'axiome du raisonnement. Toute la question réside dans la volonté ou non d'admettre que voter est un travail nécessitant un salaire. Si on admet qu'il s'agit bien d'un acte productif et dynamisant la société entière, ce que les économicistes perçoivent comme une dépense, les citoyens le percevront comme une reconnaissance de leur production.
Les élus sont bien rémunérés pour leur "travail". Pourquoi ne pas étendre le raisonnement pour tous les citoyens ? Reconnaître la valeur de ce service rendu pour la vie de la cité est fonder en fait (et non plus seulement en droit) toute l'importance dans l'acte de voter.
Du vote en tant que concrétisation du capital culturel :
Il est possible de conditionner la rémunération au moment du vote par des formations tout au long de la vie sur des thèmes variés. Les rêves de Condorcet, de Victor Hugo et bien d'autres pourraient devenir un peu plus réalité. Bâtir des citoyens ayant un solide capital intellectuel, une capacité redoutable de questionner, défaire l'élitisme par une démocratie approfondie, voilà quelques buts honorables.
Il me faut ainsi pas partir du moment du vote mais entreprendre une démarche d'analyse complète de l'acte de voter qui prend ses sources dans une réflexion et une teneur pédagogique profonde au sein de la société.
Voter c'est participer à la vie de la cité dans ses moments de décision. Encore faut-il produire des questionnements. Pas de choix sans question. Comment faire émerger les questions ? Par la formation continue du citoyen. Il est essentiel de donner les moyens aux citoyens d'appréhender un capital culturel monumental qui flotte dans la sphère des idées. La meilleure manière d'intéresser le citoyen est de le faire dès l'enfance puis de poursuivre ses questions dans son travail professionnel. Il faut pouvoir articuler la technique de son métier avec les enjeux (science politique, philosophique...) qui gouvernent son environnement professionnel. Mais il s'agit ici seulement d'un point d'appui où le citoyen doit faire face aux raisons justifiant sa place dans la société (la famille pouvant ne plus remplir ce rôle à cause des aléas de la vie familiale). Nous pouvons mesurer à quel point nous en sommes loin lorsqu'on voit le taux de chômage aujourd'hui (sans parler des conditions de travail).
Le moment pré-vote est un long chemin qui ne s'arrête qu'au décès, le vote n'étant pas une fin en soi, il n'est que l'instant où s'exprime le citoyen en public, et la réflexion peut/doit se poursuivre après le vote. Toutefois le vote est essentiel dans le processus de politisation de la masse citoyenne. Il marque l'aboutissement d'un choix et d'un débat dialectique. Cependant, légiférer n'est pas que voter. Le vote s'inscrit dans l'ensemble du processus institutionnel de cristallisation des normes juridiques, certes, mais aussi sociales, culturelles... En des termes guerriers, le vote est une arme mais il n'est pas la guerre.
De la différence entre vote blanc et abstentionnisme :
L'Homme s'engage lorsqu'il s'affirme en tant que citoyen, producteur prospectif au sein d'un groupe dynamisé par les dialectiques qui le stimulent. Le vote blanc traduit une prise de position politique. L'abstention traduit une absence. Être citoyen c'est affirmer une position. Ne rien dire c'est ne rien dire, mais dire que rien ne répond à sa prise de position c'est déjà quelque chose.
Quelqu'un de muet est une personne à la merci de l'instrumentalisation.
Un abstentionniste est un abstentionniste. On lui fait dire ce que l'on veut parce que les absents ont toujours tort. Si vous êtes révoltés c'est que vous avez quelque chose à dire et dans ce cas dites-le en des situations où personne ne pourra déformer votre propos. La méthode démocratique reste la meilleure en ce sens.
Je dis une chose essentielle : se taire c'est laisser les précieux instants de parole, écoûtés de manière égale entre tous ceux qui ont voix au chapitre, à autrui.
Voter blanc et l'abstentionnisme sont deux choses distinctes et bien différentes. Comme je l'ai dit plus haut voter blanc c'est affirmer une position politique, qui ne peut pas faire l'objet d'instrumentalisation. Je vote blanc pour vous dire à quel point vos propositions ne conviennent pas à ce que je pense. Je conviens que voter blanc ce n'est pas dire positivement ce que l'on pense. Cette absence de positivité peut être une brèche antidémocratique puisque (selon le système choisi) celui qui ne se décide pas est une voix supplémentaire qui va s'agréger à la majorité, malgré lui.
Toutefois, voter blanc c'est déjà affirmer son existence en tant que parole, que cela soit dans une démocratie directe ou représentative. Tous ceux qui s'abstiennent (qui ne votent pas) acceptent d'être les esclaves de ceux qui parlent à leur place. Tous ceux qui voteront blanc, pourront avoir droit à être écouté sur les motifs de leur refus de décider entre les propositions données parce qu'ils auront affirmé leur présence dans la cité et qu'on ne peut pas, sans risque, les contourner.
Nota Bene : En France, le vote blanc a été voté par l'Assemblée Nationale et le Sénat, en 2013.
Des dérives du consensus :
Pourquoi chercher à ce que les individus votent absolument ? Certains défendent l'inutilité de ce concept et proposent d'autres voies non démocratiques.
Le consensus c'est l'absence de vote. Nous rejetons les faux consensus qui bien souvent noient les multiples voix qui n'ont pas pu s'exprimer soit par manque de capital culturel (la peur de la honte face à l'infériorité ressentie envers les plus politisés), soit par impossibilité de s'exprimer à cause d'institutions déficientes. Le consensus empêche la transparence de l'expression car il fait voir l'alternative éventuelle comme une minorité irrecevable face à une majorité détenant la prétendue légitimité du monopole de la pensée.
L'exemple de l'autogestion est flagrant. L'autogestion se détermine par le consensus et personne n'est dupe de ce que contient en réalité ce terme. En outre, le concept même d'auto-gestion est biaisé. On ne gouverne pas par la gestion. La gestion est le propre d'un technocrate. L'autogestion est viciée par l'absence de vision générale dans ses aboutissements. Finalement, elle rejoint la vision libérale de l'anthropologie humaine, celle où la société n'est que la somme des intérêts individuels.
L'autogestion requiert le consensus. Il s'agit d'élaborer une norme qui va contenter tout le monde parce que personne n'est censé avoir la voie de l'intérêt général, et surtout pas ceux qui composent ce consensus. Avec la fin de l'intérêt général, va compter dans l'autogestion, l'intérêt privé (la voix d'un individu pris dans sa sphère privée, celle qu'il perçoit immédiatement). Le devoir sera de contenter l'avis de chacun en sachant pertinemment que tous les avis ne vont pas s'imbriquer comme dans un puzzle. Il y aura des oppositions (dont la source est notamment issue des oppositions économiques et sociales, des visions du monde différentes...) et parce qu'il faut un consensus alors devient nécessaire l'élaboration de critères de conciliation. Ces critères (déterminés par un arbitre éventuel) devront obtenir l'accord de chacun, mais que se passe-t-il si ici aussi il n'y a pas consensus ? L'obligation sera alors de chercher des sous-critères pour trouver les critères permettant le compromis, et s'il n'y a toujours pas consensus le même processus se poursuivra dans une régression à l'infini. Le problème subsistera indéfiniment et le gagnant sera le mieux loti, le plus malin, ou tout simplement celui qui a le plus d'intérêts à défendre. L'autogestion nourrit le plus cyniquement possible l'oligarchie.