Après avoir proposé principalement des textes antiques, je vous propose de discuter cette lettre du pape Jean-Paul II.
Cette lettre officielle du pape de l’Église catholique est datée du 16 décembre 1980.
Jean-Paul II, élu deux ans auparavant fut le premier pape non italien depuis 450 ans. Il étudia la théologie et fut successivement prêtre, archevêque puis cardinal de Cracovie en 1967. Sa nomination dans une période d’agitation pour la Pologne fut perçue comme une provocation par les autorités soviétiques.
Cette lettre s’adresse au dirigeant soviétique Leonid Brejnev. D’abord général sur le front ukrainien durant la 2nde Guerre mondiale, il fut aussi dirigeant du Kazakhstan, avant d’être membre permanent du Comité central, qu’il dirigea à partir de 1964 après l’éviction de Nikita Khrouchtchev, à laquelle il participa activement. Son nom est aussi associé à la doctrine de « la souveraineté limitée » qui veut que l’URSS puisse intervenir dans les affaires d’un État-frère si l’intérêt du socialisme le commande. Ainsi, Brejnev affirme en 1968 :
De surcroît, l’appel au retour de la Détente, et le caractère officiel de la lettre donnent une vocation universelle à celle-ci. L'auditoire du Pape s'en trouve élargi à l’ensemble de la communauté internationale.
La guerre du Kippour et le premier choc pétrolier, en 1973, marquent le début de la dégradation de la détente initiée à la suite de la crise des missiles de Cuba de 1962. Cette dynamique coïncide avec la fin du condominium des deux grands, au profit de nouveaux centres de décision : C.E.E, Japon, Chine, pays de l’O.P.E.P. La fin de la décennie 70 sonne le glas de la Détente au profit d’une paix dite tiède. Cette période est caractérisée pour l’URSS par un essor croissant des difficultés à maintenir la cohésion du camp communiste. La situation économique dramatique de la Pologne, doublée d’une inflation du prix des denrées alimentaires, va conduire élite et masses populaires à s’unir dans leur opposition à la tutelle de Moscou. Cette situation conduit à une recrudescence de l’agitation ouvrière, déjà manifestée en 1970 et 1976, qui prend cette fois la forme d’un mouvement syndical libre, « Solidarité ». Le mouvement est dirigé par Lech Walesa et soutenu par l’Église catholique. Il faut à ce titre citer le cardinal Wyszynski qui n’eut de cesse de soutenir les opposants.
« (…) je ne suis inspiré que par les intérêts de la paix et de la compréhension entre les peuples ». Cette phrase qui clôture la lettre du pape de l’Église catholique Jean-Paul II au dirigeant soviétique Léonid Brejnev résume à elle seule la vocation universelle de la lettre mais plus encore la volonté de neutralité du Pape.
Jean-Paul II se fait l’écho d’une inquiétude européenne grandissante vis-à-vis d’une situation anxiogène. Il rappelle que la Pologne est sortie exsangue de la 2nde Guerre mondiale, sans jamais faillir dans son opposition au nazisme. S’ensuit un passage sur la nécessité de résoudre cette crise, dans l’espoir de revenir à une période de détente. Pour ce faire, il est indispensable d’appliquer, et de respecter les accords d’Helsinki, signés en 1975. Le pape rappelle que cette situation résulte d’une crise économique. La fin de la lettre reprend l’ambition papale, entendons une réaction pacifique des soviétiques, et un retour à la détente.
A la lumière de ces éléments d’introduction, pensez-vous que le Pape parle comme polonais ? Ou davantage comme Pape ? Plus généralement, que pensez-vous de son rôle dans la chute du communisme ?
Dernière édition par Eunomia le Mer 9 Avr 2014 - 17:03, édité 1 fois
Jean-Paul II a écrit:"A son excellence, M Leonid Brejnev Président du Soviet suprême de l'Union des Républiques socialistes soviétiques (1)
Je me fais l'expression de l'inquiétude de l'Europe et de l'ensemble du monde à propos de la tension engendrée par les événements intérieurs survenus en Pologne au cours de ces derniers mois. La Pologne est un des pays signataires des accords d'Helsinki. Cette nation fut, en septembre 1939, la première victime d'une agression à l'origine de la terrible période de l'Occupation, qui durerait jusqu'en 1945. Pendant toute la seconde Guerre mondiale, les Polonais restèrent aux côtés des Alliés, se battant sur chacun des fronts de la bataille, et la rage destructrice de ce conflit coûta à la Pologne la perte de près de six millions de ses fils, soit un cinquième de sa population.
Ayant donc à l'esprit les divers motifs graves de préoccupation engendrés par la tension concernant la situation actuelle en Pologne, je vous demande de faire tout ce qui est en votre pouvoir afin que disparaisse ce qui constitue, selon l'opinion générale, les causes de cette préoccupation. Cela est indispensable à la détente en Europe et dans le monde. Un tel résultat ne peut être obtenu me semble-t-il qu'en demeurant fidèle aux principes solennels des accords de Helsinki, qui définissent les critères régulant les relations entre les États. Et notamment en respectant les droits relatifs à la souveraineté, ainsi que le principe de non-intervention dans les affaires intérieures de chacun des États participants. Les événements qui se sont déroulés en Pologne ces derniers mois ont été provoqués par la nécessité inéluctable d'une reconstruction économique du pays, qui exige, en même temps, une reconstruction morale fondée sur l'engagement conscient, dans la solidarité, de toutes les forces de la société.
Je suis sûr que vous ferez tout votre possible pour dissiper la tension actuelle, afin que l'opinion publique soit rassurée au sujet d'un problème aussi délicat et urgent.
J'espère vivement que vous serez assez aimable pour accueillir et examiner avec attention ce que j'ai cru de mon devoir de vous exposer, en considérant que je ne suis inspiré que par les intérêts de la paix et de la compréhension entre les peuples.
JOHANNES PAULUS PP.II
Le Vatican
16 décembre 1980"
Cette lettre officielle du pape de l’Église catholique est datée du 16 décembre 1980.
Jean-Paul II, élu deux ans auparavant fut le premier pape non italien depuis 450 ans. Il étudia la théologie et fut successivement prêtre, archevêque puis cardinal de Cracovie en 1967. Sa nomination dans une période d’agitation pour la Pologne fut perçue comme une provocation par les autorités soviétiques.
Cette lettre s’adresse au dirigeant soviétique Leonid Brejnev. D’abord général sur le front ukrainien durant la 2nde Guerre mondiale, il fut aussi dirigeant du Kazakhstan, avant d’être membre permanent du Comité central, qu’il dirigea à partir de 1964 après l’éviction de Nikita Khrouchtchev, à laquelle il participa activement. Son nom est aussi associé à la doctrine de « la souveraineté limitée » qui veut que l’URSS puisse intervenir dans les affaires d’un État-frère si l’intérêt du socialisme le commande. Ainsi, Brejnev affirme en 1968 :
Léonid Brejnev a écrit:la souveraineté de chaque pays socialiste ne peut s’opposer aux intérêts du monde socialiste ou du mouvement révolutionnaire mondial
De surcroît, l’appel au retour de la Détente, et le caractère officiel de la lettre donnent une vocation universelle à celle-ci. L'auditoire du Pape s'en trouve élargi à l’ensemble de la communauté internationale.
La guerre du Kippour et le premier choc pétrolier, en 1973, marquent le début de la dégradation de la détente initiée à la suite de la crise des missiles de Cuba de 1962. Cette dynamique coïncide avec la fin du condominium des deux grands, au profit de nouveaux centres de décision : C.E.E, Japon, Chine, pays de l’O.P.E.P. La fin de la décennie 70 sonne le glas de la Détente au profit d’une paix dite tiède. Cette période est caractérisée pour l’URSS par un essor croissant des difficultés à maintenir la cohésion du camp communiste. La situation économique dramatique de la Pologne, doublée d’une inflation du prix des denrées alimentaires, va conduire élite et masses populaires à s’unir dans leur opposition à la tutelle de Moscou. Cette situation conduit à une recrudescence de l’agitation ouvrière, déjà manifestée en 1970 et 1976, qui prend cette fois la forme d’un mouvement syndical libre, « Solidarité ». Le mouvement est dirigé par Lech Walesa et soutenu par l’Église catholique. Il faut à ce titre citer le cardinal Wyszynski qui n’eut de cesse de soutenir les opposants.
« (…) je ne suis inspiré que par les intérêts de la paix et de la compréhension entre les peuples ». Cette phrase qui clôture la lettre du pape de l’Église catholique Jean-Paul II au dirigeant soviétique Léonid Brejnev résume à elle seule la vocation universelle de la lettre mais plus encore la volonté de neutralité du Pape.
Jean-Paul II se fait l’écho d’une inquiétude européenne grandissante vis-à-vis d’une situation anxiogène. Il rappelle que la Pologne est sortie exsangue de la 2nde Guerre mondiale, sans jamais faillir dans son opposition au nazisme. S’ensuit un passage sur la nécessité de résoudre cette crise, dans l’espoir de revenir à une période de détente. Pour ce faire, il est indispensable d’appliquer, et de respecter les accords d’Helsinki, signés en 1975. Le pape rappelle que cette situation résulte d’une crise économique. La fin de la lettre reprend l’ambition papale, entendons une réaction pacifique des soviétiques, et un retour à la détente.
A la lumière de ces éléments d’introduction, pensez-vous que le Pape parle comme polonais ? Ou davantage comme Pape ? Plus généralement, que pensez-vous de son rôle dans la chute du communisme ?
Dernière édition par Eunomia le Mer 9 Avr 2014 - 17:03, édité 1 fois