J’ai mal choisi mon exemple en soumettant que le langage était une convention. J’ai écrit « Un enfant pourrait voir » dans le sens de « Même un enfant pourrait voir », dans le but de montrer ce qu’un point de vue innocent de toute convention pouvait voir dans cette égalité à priori irréfutable. Je montre qu’en théorie, l’irréfutabilité de tout langage dépend de l’acceptation de la convention qui s’y rattache. C’est tout ce qu’il y avait à comprendre. Est-ce idiot ?
Au sujet du langage littéraire vu comme une convention, ce n’est pas moi qui aie écrit :
Ferdinand De Saussure a écrit: « Le langage est un système de signes qui unit par convention une idée, un concept et un son, une image acoustique ».
« Cette institution (le langage) réside surtout dans l'acceptation d'une convention par le corps social. Cette institution est avant tout une convention, mais ce qui distingue immédiatement la langue de toute autre convention, c'est qu'elle porte sur des milliers de signes, employés des millions de fois, tous les jours. Donc c'est un système extrêmement multiple par le nombre des pièces (qu'il met) en jeu ».
Cours de Linguistique générale
Rousseau, Second Discours sur l’origine et les fondements de l’inégalité parmi les hommes a écrit: « La langue de convention n’appartient qu’à l’homme. Voilà pourquoi l’homme fait des progrès, soit en bien, soit en mal, et pourquoi les animaux n’en font point. »
Bien entendu, Bergson est moins formel, mais il nous dit que le langage est réducteur, que le langage n’est donc pas destiné à représenter les choses en vérité. Il serait bien plutôt un obstacle.
Je suis prêt à discuter de la position d’Hegel qui prend le contre-pied en pensant que « le langage n'est pas seulement l'outil de communication et d'expression de la pensée mais il est le lieu même de la pensée, la pensée même ». Je le pense aussi, mais sans oblitérer le caractère conventionnel du langage.
Pour le langage littéraire, je terminerai avec cette citation que vous connaissez, et qui met en doute le caractère irréfutable de tout mot :
Nietzsche a écrit: « Nous classons les choses selon les genres, nous désignons l'arbre comme masculin, la plante comme féminine : quelles transpositions arbitraires ! Combien nous nous sommes éloignés à tire-d'aile du canon de la certitude ! Nous parlons d'un « serpent » : la désignation n'atteint rien que le mouvement de torsion et pourrait donc convenir aussi au ver. Quelles délimitations arbitraires ! Quelles préférences partiales tantôt de telle propriété d'une chose, tantôt de telle autre ! Comparées entre elles, les différentes langues montrent qu'on ne parvient jamais par les mots à la vérité, ni à une expression adéquate : sans cela, il n'y aurait pas de si nombreuses langues. »
Nietzsche est bien dans le sujet que nous traitons sur l’irréfutabilité de toute chose en mettant en doute notre langage.
Et pour finir, ce n’est pas moi qui ai amené dans ce sujet un langage totalement acquis, totalement conventionnel, le langage mathématique.
Si je considère deux choses égales comme identiques, je ne souscris pas à la convention de l’égalité mathématique et 1+1 égale 2 est pour moi réfutable, je vois trois signes d’un côté pour un seul de l’autre.
J’écris un peu brutalement, sans retenue, à la limite extérieure des sujets, mais dis-je vraiment des sottises ?