Je tiens juste à corriger Don Quichotte sur un point étymologique (sans h entre le t et le y) : conscience ne veut pas dire "avec conscience", mais "avec science". Quant à l'exemple de la route, je ne suis pas sûr qu'il soit bien choisi. Certes j'ai conscience, personnellement, que rouler sur une route mouillée avec des pneus lisses est dangereux, mais j'en ai conscience, parce qu'une connaissance la sous-tend : celle des lois de frottement. A moins que vous ne vouliez dire que la conscience permet à la connaissance de s'appliquer à certains cas (en ayant cette capacité, comme vous le dites, à saisir ce qui se passe dans l'instant), ce que j'ai cru lire en filigrane dans votre propos. Mais dans ce cas-là, la conscience ne serait-elle pas une forme de synthèse de mes sensations, ou simplement un siège des perceptions?
Malcolm Cooper a écrit: en quoi la subjectivité est condition de possibilité sine qua non de l'objectivité (Kant) et n'est plus si exactement "subjective" (au sens de singulière, personnelle) et accède à un statut phénoménologique "purement objectif" par elle-même
Vous avez raison de rajouter entre parenthèses "au sens de singulière, personnelle", car ce n'est en effet pas comme cela que s'entend la subjectivité kantienne. Cela dit, Kant postule bien que ces conditions de possibilité d'une connaissance objective des choses en dehors de nous sont subjectives. A mon avis, mais je peux me tromper, Kant entend le terme d'objectif en son sens presque originel : c'est ce qui est objet, c'est-à-dire ce qui n'est pas en moi. Et en effet, les catégories de l'entendement, qui conditionnent toute connaissance, ne sont pas des produits de l'objet, mais bien du sujet qui cherche à connaître. Tout cela, en tous cas, va dans le sens d'une distinction de la conscience et de la connaissance, en termes de subjectif et d'objectif : et il ne s'agit pas là de conscience de soi, comme veut nous le faire entendre Crosswind, car il s'agit bien d'une conscience tournée vers autre chose que soi. On retrouve alors la question de l'intentionnalité.
Mais la conscience de soi pose problème : est-ce une connaissance? Les catégories me permettent, si l'on suit Kant, de connaître les objets hors de moi. Cela peut-il s'appliquer au moi? Du coup, est-ce que la conscience de soi peut vraiment être appelée une connaissance, si aucune catégorie ne permet une telle connaissance? Une conscience tournée vers la connaissance, c'est le chemin logique de la conscience. Mais lorsque la conscience se prend elle-même pour objet, c'est plus difficile, car peut-on vraiment la prendre pour objet? Surtout si, comme le dit Kant, la subjectivité se réduit aux catégories de l'entendement. La conscience de soi, ce serait prendre les catégories pour objets d'une connaissance possible. Or, alors, il faudrait que ces catégories se sondent elles-mêmes, ce qui me paraît assez absurde, car elles seraient à la fois principes et objets. Bref, la conscience de soi, si tout de même elle est possible chez Kant, ne peut pas être une connaissance. Mais alors qu'est-elle? Car il y a bien une conscience de soi. Là je ne sais pas trop quoi répondre. Mais peut-être faut-il se tourner, dans ce cas-là, du côté de l'histoire du sujet, peut-être de l'autobiographie, auquel cas, on tomberait sur l'idée d'une subjectivité au sens personnel et singulier. Mais ce n'est là qu'une hypothèse.