Chez Hegel la dialectique désigne le mouvement même du réel, qui est pensé comme inséparable du mouvement de la pensée. On parle ainsi du mouvement logique et ontologique de la pensée (mais elle n'est pas une méthode, sauf quand la méthode (cf. Préface à la Phénoménologie de l'Esprit) est la structure même du vrai, exposé dans sa pure essentialité), car il y a une histoire au sein du réel et une histoire au sein des idées (chez Hegel, l'histoire des idées est l'histoire de la pensée du réel). Le mouvement du réel et le mouvement de la pensée sont un seul et même mouvement : Hegel "projette" la pensée dans le réel. C'est après coup que l'esprit croit se retrouver dans le mouvement du réel. Selon Hegel, la contradiction joue le rôle moteur de l'histoire. Or la dialectique, en un sens restreint, désigne chez lui le moment du négatif (cf. le terme allemand d'origine latine [du verbe moveo, qui donne momen, et momentum] "moment", qui signifie aussi bien le mouvement que le facteur temps). [Précisons que la dialectique hegelienne se compose de 3 mouvements/moments constitutifs : - le moment de l'affirmation de l'existence immédiate des choses ; - la négation ; - le dépassement dialectique (aufhebung = moment de la "synthèse", moment où sont dépassés-conservés les 2 mouvements/moments antérieurs). Le tout forme un auto-mouvement de la pensée et du réel, et la contradiction en est le moteur (cf. l'expression : "le travail du négatif"). On pourra lire utilement, à ce propos, les 30 premières pages de Kojève,Introduction à la lecture de Hegel.] C'est par le surgissement continuel des contradictions (par exemple les guerres, etc.), au sein du réel et au sein de la pensée du réel, que s'opère le mouvement même de la réalité. Hegel identifie en effet les contradictions au sein du réel et au sein de la pensée du réel. L'histoire apparaît ainsi à ses yeux comme une logique (logique-ontologique).
On trouve 2 difficultés éclairantes de sa conception de la dialectique :
- Il écrit son œuvre en connaissant celle de Platon
- Il pense sa philosophie comme l'expression de la vérité de toute l'histoire de la philosophie. Le vrai étant le total, tel qu'il se récapitule dans la philosophie de Hegel. L'histoire de la philosophie, qui est dialectique, n'est elle-même que le lieu où l'histoire de la réalité se dit et se pense. Enfin, il n'y a qu'une seule philosophie qui n'est pas dialectique, celle de Hegel, puisque il se pense comme au terme du processus historique. Il pense que son œuvre achève la philosophie, car elle est entièrement circulaire, d'où le titre de son Encyclopédie des Sciences philosophiques, tomes I | II | III (encyclopédie, i. e. cercle total du savoir - on peut lire par ailleurs, dans le fil Y a-t-il une subjectivité ?, ceci).
Il y a 2 dialectiques chez Hegel (dont l'une est une partie de l'autre) :
- au sens restreint, le moment de la négation (lire ou relire ici), le négativement rationnel. Dans le processus dialectique, c'est le 2e moment.
- au sens large, le/la dialectique = le/la logique ; le logique = l'ontologique (le logique = logos, mais comme le logos est le discours sur l'être, le logique est la révélation de l'être, c'est pourquoi le logique est ontologique). Enfin, le/la dialectique est un automouvement (mouvement/processus de réalisation du réel dans l'histoire ; mouvement/processus de révélation du réel dans le discours). Comme telle, la dialectique n'est pas isolable, et ne doit plus être pensée comme une méthode. Ceci, tant que le processus n'est pas fini.
Qu'on la tienne pour une méthode (certaine façon de parler, de dialoguer ; méthode de pensée), comme chez Platon, ou comme un mouvement négatif au sein du réel (dialectique hegelienne au sens restreint), dans les deux cas, la dialectique réalise le dépassement du donné, comme négation d'une immédiateté tenue pour mauvaise, comme expression de l'exigence philosophique du dépassement de l'immédiat. Cette négativité met sur la voir de la totalité : la synopsis (vue d'ensemble) chez Platon ; l'encyclopédie (savoir absolu) chez Hegel [ce que Kant conçoit comme une impossibilité].
Enfin, y a-t-il un après de la dialectique ? Oui, aussi bien chez Hegel que chez Platon.
La question du négatif :
Rappelons que le διαλέγεσθαι (point de départ de la dialectique platonicienne) marquait une double exclusion : exclusion de l'expérience ; exclusion du discours suivi. Le dialogue est une mie en question de tous les points de vue possibles, un détachement d'avec le 'dit' immédiat.
Or, seul Hegel peut faire du recueillement de l'expérience sa méthode philosophique. Jusqu'à lui, toutes les philosophies dialectiques refusent l'expérience.
La dialectique hegelienne conduit à l'essence, à l'idée. Cf. l'Encyclopédie des sciences philosophiques, I, §79 (p. 74 de la trad. Gibelin, Précis de l'encyclopédie des sciences philosophiques :
La dialectique au sens large, i. e. la logique, s'identifie au mouvement même de la réalité en tant que, dans et par ce mouvement, elle se révèle et se recueille dans le discours qui la pense. La dialectique au sens large comporte ces 3 moments. Le moment négatif, ou dialectique, est le moment moteur (moment, en allemand, est un concept chronologique qui désigne une étape, mais le mot désigne aussi un élément constitutif de quelque chose).
Tout processus d'évolution dans l'histoire, tout procès de réalisation comporte ces moments. Encore une fois, la dialectique au sens large, c'est ce mouvement.
Dans le passage ci-dessus, Hegel énonce les 3 catégories fondamentales de l'être qu'on retrouve dans son œuvre :
- moment 1 : l'identité à soi (moment assimilé aux philosophies de Parménide et de Platon). La première caractéristique de l'être, c'est d'être identique à soi.
- moment 2 : la négativité
- moment 3 : la totalité (unification, dépassement de soi, conservation de soi : aufhebung)
En quoi consiste le moment négatif ou dialectique ? en quoi consiste le travail du négatif ?
Toute immédiateté en vient, par un mouvement intérieur, à se nier elle-même, dans son immédiateté. Toute fixité originelle est dépassée et donc, en tant que telle, supprimée (cf. l'être de Parménide : dire l'être de l'être, c'est déjà se distancier de lui et donc, d'une certaine façon, le nier).
Comparons le début de La Logique et le début de la Phénoménologie de l'Esprit : l'objet comme visée d'un ceci, d'un immédiat singulier, se nie en tant que tel et passe dans son contraire, c'est-à-dire l'universel d'un ceci ou d'un maintenant. L'aspect abstrait correspond à cette fixité-stabilité qu'est l'idée platonicienne, une abstraction par rapport à la totalité. Le moment dialectique est celui où cette abstraction passe dans son contraire, devient un élément déterminé. C'est le moment proprement humain, celui de l'historicité véritable, où le décalage entre le sujet et l'objet est réduit à une négation. En tant que séparé de la nature, l'homme la nie en la travaillant. En tant qu'opposé à l'humanité, il travaille dans la lutte. Le réel est nié en même temps qu'il est conservé dans ce moment qui l'universalise.
Si, arrivée au sommet, la dialectique platonicienne s'achève et se nie elle-même dans la contemplation silencieuse de l'Un ; la totalisation hegelienne, toujours médiatisée par le négatif, est de l'ordre du dicible en chacun de ses moments constitutifs. C'est le réel lui-même qui, chez Hegel, est dialectique ; c'est le réel qui, de négation en négation, se constitue en totalité entièrement rationnelle et immanente (immanence de la rationalité au Tout, et immanence du Tout à lui-même). Or, dire que le réel est dialectique, dire qu'il est dicible et c'est dire qu'il est historique, puisque la totalité apparaît comme le résultat du mouvement dialectique (mouvement de retour sur soi, intégrant les moments de son déploiement). En effet, pour Hegel l'expérience (ici, l'histoire) est le dévoilement de soi-même à soi-même ; c'est ainsi seulement, par son développement dans l'expérience, que la conscience atteint sa réalité. La dialectique est une science de l'expérience de la conscience. Chaque expérience particulière de la conscience se nie elle-même, en tant que limitée, et trouve son accomplissement dans l'unité (tandis que chez Platon, incapable de rendre compte de ce dont elle est l'expérience, l'expérience est rejetée).
Selon Alexandre Kojève, la méthode hegelienne n'est pas dialectique mais phénoménologique. Elle serait dialectique si elle ne faisait qu'accompagner le réel. Mais, comme la philosophie hegelienne vient après le réel, elle n'est pas dialectique. Mais Hegel dit que la méthode, c'est le Tout, le processus du réel lui-même ; sa philosophie est la pensée de l'accomplissement de l'Être. Et, si la réalité de l'Être est dialectique, c'est qu'il se confond avec le devenir, avec l'histoire, avec l'expérience de la conscience. D'après Kojève encore, si l'on s'en tient à la Phénoménologie, seul ce qui est humain, historique, se caractérise stricto sensu par la dialectique, tandis que la nature n'est pas dialectique, puisqu'elle n'est pas historique. Pourtant, dans son Encyclopédie, Hegel dit bien que la nature est elle-même dialectique. Y a-t-il une contradiction ? Kojève a-t-il raison de ne suivre que le discours de la Phénoménologie ? D'après Althusser par exemple, la dialectique est un procès sans sujet (cf. son Lénine et la philosophie, suivi de Marx et Lénine devant Hegel, chez Maspero - pour une synthèse, on peut lire la 2e partie de cet article). Mais le sujet absolu ? lui demandaient les hegeliens. Althusser répond que Hegel ne dit jamais : "le sujet absolu", mais "sujet absolu". La nature serait donc sujet absolu à un moment donné de l'histoire.
Quoi qu'il en soit, chez Hegel comme chez Platon, la dialectique n'a pas d'autre fonction que de supprimer elle-même (dans le silence chez le premier ; dans le logos, chez le deuxième - compte tenu de la "dialecticité" du réel, mais aussi de l'achèvement de l'histoire). Le discours platonicien semble s'achever dans le silence de la contemplation du Bien ; la philosophie hegelienne dans le savoir total, dans le logos.
Attention toutefois, on peut renverser cette approche. En effet, que le Bien platonicien soit l'objet d'une contemplation dans le silence et non dans l'intelligence, certes. Mais la philosophie platonicienne est et reste une philosophie du logos. A partir du moment où, dans la République et dans le Parménide, l'impossibilité de dire l'Un est admise, c'est-à-dire aussi l'impossibilité de le penser, Platon se charge de constituer le logos (cf. le Sophiste), avec la notion de l'autre, du non-être de l'être (ou de l'être du non-être), qui rend justement possible le discours, et par là même la redescente, pour résoudre les rapports de l'Un et du multiple. Tandis que chez Hegel, si la dialectique mène à un discours parfait et total, il n'en reste pas moins que ce discours s'achève lui-même en lui-même et ne laisse plus rien à dire, sinon en se répétant indéfiniment lui-même.
Bibliographie très sommaire :
On pourra lire, dans l'Encyclopédie des sciences philosophiques I, les §80, 81 & 83 (§80=moment n°1 ; §81=moment n°2 ; §83=moment n°3). On retrouve ces paragraphes aux pages 470, 473 et 476 de l'Introduction de Kojève, dont on pourra lire la note 1 p. 474 et la note p. 434-435.
On trouve 2 difficultés éclairantes de sa conception de la dialectique :
- Il écrit son œuvre en connaissant celle de Platon
- Il pense sa philosophie comme l'expression de la vérité de toute l'histoire de la philosophie. Le vrai étant le total, tel qu'il se récapitule dans la philosophie de Hegel. L'histoire de la philosophie, qui est dialectique, n'est elle-même que le lieu où l'histoire de la réalité se dit et se pense. Enfin, il n'y a qu'une seule philosophie qui n'est pas dialectique, celle de Hegel, puisque il se pense comme au terme du processus historique. Il pense que son œuvre achève la philosophie, car elle est entièrement circulaire, d'où le titre de son Encyclopédie des Sciences philosophiques, tomes I | II | III (encyclopédie, i. e. cercle total du savoir - on peut lire par ailleurs, dans le fil Y a-t-il une subjectivité ?, ceci).
Il y a 2 dialectiques chez Hegel (dont l'une est une partie de l'autre) :
- au sens restreint, le moment de la négation (lire ou relire ici), le négativement rationnel. Dans le processus dialectique, c'est le 2e moment.
- au sens large, le/la dialectique = le/la logique ; le logique = l'ontologique (le logique = logos, mais comme le logos est le discours sur l'être, le logique est la révélation de l'être, c'est pourquoi le logique est ontologique). Enfin, le/la dialectique est un automouvement (mouvement/processus de réalisation du réel dans l'histoire ; mouvement/processus de révélation du réel dans le discours). Comme telle, la dialectique n'est pas isolable, et ne doit plus être pensée comme une méthode. Ceci, tant que le processus n'est pas fini.
Qu'on la tienne pour une méthode (certaine façon de parler, de dialoguer ; méthode de pensée), comme chez Platon, ou comme un mouvement négatif au sein du réel (dialectique hegelienne au sens restreint), dans les deux cas, la dialectique réalise le dépassement du donné, comme négation d'une immédiateté tenue pour mauvaise, comme expression de l'exigence philosophique du dépassement de l'immédiat. Cette négativité met sur la voir de la totalité : la synopsis (vue d'ensemble) chez Platon ; l'encyclopédie (savoir absolu) chez Hegel [ce que Kant conçoit comme une impossibilité].
Enfin, y a-t-il un après de la dialectique ? Oui, aussi bien chez Hegel que chez Platon.
La question du négatif :
Rappelons que le διαλέγεσθαι (point de départ de la dialectique platonicienne) marquait une double exclusion : exclusion de l'expérience ; exclusion du discours suivi. Le dialogue est une mie en question de tous les points de vue possibles, un détachement d'avec le 'dit' immédiat.
Or, seul Hegel peut faire du recueillement de l'expérience sa méthode philosophique. Jusqu'à lui, toutes les philosophies dialectiques refusent l'expérience.
La dialectique hegelienne conduit à l'essence, à l'idée. Cf. l'Encyclopédie des sciences philosophiques, I, §79 (p. 74 de la trad. Gibelin, Précis de l'encyclopédie des sciences philosophiques :
Hegel a écrit:Le logique a, quant à sa forme, trois aspects : l'aspect abstrait ou accessible-à-l'entendement, l'aspect dialectique [au sens étroit] ou négativement rationnel, l'aspect spéculatif ou positionnement rationnel
(trad. in A. Kojève).
La dialectique au sens large, i. e. la logique, s'identifie au mouvement même de la réalité en tant que, dans et par ce mouvement, elle se révèle et se recueille dans le discours qui la pense. La dialectique au sens large comporte ces 3 moments. Le moment négatif, ou dialectique, est le moment moteur (moment, en allemand, est un concept chronologique qui désigne une étape, mais le mot désigne aussi un élément constitutif de quelque chose).
Tout processus d'évolution dans l'histoire, tout procès de réalisation comporte ces moments. Encore une fois, la dialectique au sens large, c'est ce mouvement.
Dans le passage ci-dessus, Hegel énonce les 3 catégories fondamentales de l'être qu'on retrouve dans son œuvre :
- moment 1 : l'identité à soi (moment assimilé aux philosophies de Parménide et de Platon). La première caractéristique de l'être, c'est d'être identique à soi.
- moment 2 : la négativité
- moment 3 : la totalité (unification, dépassement de soi, conservation de soi : aufhebung)
En quoi consiste le moment négatif ou dialectique ? en quoi consiste le travail du négatif ?
Toute immédiateté en vient, par un mouvement intérieur, à se nier elle-même, dans son immédiateté. Toute fixité originelle est dépassée et donc, en tant que telle, supprimée (cf. l'être de Parménide : dire l'être de l'être, c'est déjà se distancier de lui et donc, d'une certaine façon, le nier).
Comparons le début de La Logique et le début de la Phénoménologie de l'Esprit : l'objet comme visée d'un ceci, d'un immédiat singulier, se nie en tant que tel et passe dans son contraire, c'est-à-dire l'universel d'un ceci ou d'un maintenant. L'aspect abstrait correspond à cette fixité-stabilité qu'est l'idée platonicienne, une abstraction par rapport à la totalité. Le moment dialectique est celui où cette abstraction passe dans son contraire, devient un élément déterminé. C'est le moment proprement humain, celui de l'historicité véritable, où le décalage entre le sujet et l'objet est réduit à une négation. En tant que séparé de la nature, l'homme la nie en la travaillant. En tant qu'opposé à l'humanité, il travaille dans la lutte. Le réel est nié en même temps qu'il est conservé dans ce moment qui l'universalise.
Si, arrivée au sommet, la dialectique platonicienne s'achève et se nie elle-même dans la contemplation silencieuse de l'Un ; la totalisation hegelienne, toujours médiatisée par le négatif, est de l'ordre du dicible en chacun de ses moments constitutifs. C'est le réel lui-même qui, chez Hegel, est dialectique ; c'est le réel qui, de négation en négation, se constitue en totalité entièrement rationnelle et immanente (immanence de la rationalité au Tout, et immanence du Tout à lui-même). Or, dire que le réel est dialectique, dire qu'il est dicible et c'est dire qu'il est historique, puisque la totalité apparaît comme le résultat du mouvement dialectique (mouvement de retour sur soi, intégrant les moments de son déploiement). En effet, pour Hegel l'expérience (ici, l'histoire) est le dévoilement de soi-même à soi-même ; c'est ainsi seulement, par son développement dans l'expérience, que la conscience atteint sa réalité. La dialectique est une science de l'expérience de la conscience. Chaque expérience particulière de la conscience se nie elle-même, en tant que limitée, et trouve son accomplissement dans l'unité (tandis que chez Platon, incapable de rendre compte de ce dont elle est l'expérience, l'expérience est rejetée).
Selon Alexandre Kojève, la méthode hegelienne n'est pas dialectique mais phénoménologique. Elle serait dialectique si elle ne faisait qu'accompagner le réel. Mais, comme la philosophie hegelienne vient après le réel, elle n'est pas dialectique. Mais Hegel dit que la méthode, c'est le Tout, le processus du réel lui-même ; sa philosophie est la pensée de l'accomplissement de l'Être. Et, si la réalité de l'Être est dialectique, c'est qu'il se confond avec le devenir, avec l'histoire, avec l'expérience de la conscience. D'après Kojève encore, si l'on s'en tient à la Phénoménologie, seul ce qui est humain, historique, se caractérise stricto sensu par la dialectique, tandis que la nature n'est pas dialectique, puisqu'elle n'est pas historique. Pourtant, dans son Encyclopédie, Hegel dit bien que la nature est elle-même dialectique. Y a-t-il une contradiction ? Kojève a-t-il raison de ne suivre que le discours de la Phénoménologie ? D'après Althusser par exemple, la dialectique est un procès sans sujet (cf. son Lénine et la philosophie, suivi de Marx et Lénine devant Hegel, chez Maspero - pour une synthèse, on peut lire la 2e partie de cet article). Mais le sujet absolu ? lui demandaient les hegeliens. Althusser répond que Hegel ne dit jamais : "le sujet absolu", mais "sujet absolu". La nature serait donc sujet absolu à un moment donné de l'histoire.
Quoi qu'il en soit, chez Hegel comme chez Platon, la dialectique n'a pas d'autre fonction que de supprimer elle-même (dans le silence chez le premier ; dans le logos, chez le deuxième - compte tenu de la "dialecticité" du réel, mais aussi de l'achèvement de l'histoire). Le discours platonicien semble s'achever dans le silence de la contemplation du Bien ; la philosophie hegelienne dans le savoir total, dans le logos.
Attention toutefois, on peut renverser cette approche. En effet, que le Bien platonicien soit l'objet d'une contemplation dans le silence et non dans l'intelligence, certes. Mais la philosophie platonicienne est et reste une philosophie du logos. A partir du moment où, dans la République et dans le Parménide, l'impossibilité de dire l'Un est admise, c'est-à-dire aussi l'impossibilité de le penser, Platon se charge de constituer le logos (cf. le Sophiste), avec la notion de l'autre, du non-être de l'être (ou de l'être du non-être), qui rend justement possible le discours, et par là même la redescente, pour résoudre les rapports de l'Un et du multiple. Tandis que chez Hegel, si la dialectique mène à un discours parfait et total, il n'en reste pas moins que ce discours s'achève lui-même en lui-même et ne laisse plus rien à dire, sinon en se répétant indéfiniment lui-même.
Bibliographie très sommaire :
On pourra lire, dans l'Encyclopédie des sciences philosophiques I, les §80, 81 & 83 (§80=moment n°1 ; §81=moment n°2 ; §83=moment n°3). On retrouve ces paragraphes aux pages 470, 473 et 476 de l'Introduction de Kojève, dont on pourra lire la note 1 p. 474 et la note p. 434-435.