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descriptionEn quoi étudier les langues anciennes améliore-t-il notre style ? EmptyEn quoi étudier les langues anciennes améliore-t-il notre style ?

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En quoi l'étude des langues anciennes peut-il améliorer notre style d'écriture ?

Je ne saisis pas exactement comment cela se passe, d'où vient l'apport, comment il procède :

- Est-ce l'influence des événements de l'Antiquité sur le contenu des phrases des classiques ?
- L'influence de ces événements sur la façon de parler, sur la structure même du langage ?
- L'ordre plus conséquent dans le latin peut-être (une conséquence de leur domination sur la Méditerranée, ou même une cause ?) qui permettrait de mieux "jouer" avec les effets de style ?
- Ou alors tout simplement l'étude des langues étrangères ouvre-t-il l'horizon de nos capacités d'expression, les langues anciennes étant les plus éloignées, elles procéderaient à une plus large ouverture ? (tout en restant fortement familières, compréhensibles, car plus ou moins à la source de la civilisation occidentale) 
- La façon de penser authentique (car non dénaturée par la traduction) des anciens, leur culture simplement ? 

Je sais que parmi mes propositions, certaines se chevauchent et se recoupent, que le problème doit être beaucoup plus nuancé, ce ne sont que quelques pistes, mais j'ai du mal à avoir une vision globale de la chose, je n'ai pas assez d'éléments, d'expérience de la chose.

Je citerai ce passage d'un texte de Nietzsche, "Ce que je dois aux anciens", pour clôturer mon premier message :
Et, disons-le tout net, ils [les Grecs] ne peuvent être pour nous ce que sont les Romains. Il n'y a rien à apprendre des Grecs - leur génie nous est trop étranger, il est également trop fluide pour avoir un effet impératif et "classique". Qui donc a jamais pu apprendre à l'école d'un Grec ? Qui aurait jamais pu apprendre sans les Romains ?


Comment se fait-il que le génie d'un peuple soit transmissible (en partie) au travers des structures de sa langue ?

descriptionEn quoi étudier les langues anciennes améliore-t-il notre style ? EmptyRe: En quoi étudier les langues anciennes améliore-t-il notre style ?

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Édition du message pour mise en conformité avec la charte (art. 3 & 6)

Sarastro a écrit:
Comment se fait-il que le génie d'un peuple soit transmissible (en partie) au travers des structures de sa langue ?

Parce qu'il y a, au sens le plus rigoureux du terme, une conformation de la pensée et de la langue. Vous disposez de toute une littérature, passionnante, à ce sujet. N'ayant guère le temps, je me contente de vous suggérer la lecture d'un texte majeur et synthétique (il tient compte, notamment de l'héritage de Ferdinand de Saussure), « Le langage indirect et les voix du silence », in Signes (vous pouvez le télécharger en PDF), de Merleau-Ponty. Mais agur, passionné, je crois, par ce genre de questions, pourrait peut-être vous suggérer des idées.

Je me contenterai de vous répondre par un détour, pour vous rendre sensible ce à quoi vous faites référence, en vous citant quelques extraits de Paul Guth, s'adressant à Jacques, un personnage imaginaire (collégien ou lycéen), dans sa Lettre ouverte aux futur illettrés (1980) :
Le latin nous aide à connaître profondément le français dans ses secrets. [...]. Par la grâce des innombrables liens étymologiques tissés entre les deux langues. Par la musique du double clavier des « doublets » : deux mots formés sur le même mot latin. L'un descend du latin par la voie populaire en suivant trois grandes lois : 1° maintien des syllabes accentuées (bonitátem : bonté ; liberáre : livrer) ; 2° disparition ou assourdissement des syllabes atones (táb[u]lam : table ; hos[pi]tále : hôtel) ; 3° chute de la consonne médiane (se[c]úrum : sûr ; do[t]áre : douer).

A chacun de ces mots populaires, venus d'un mot latin parlé, capté par l'oreille et fixé dans sa déformation spontanée, au plus tard au XIIe siècle, s'ajouta, surtout au XIVe siècle, un mot savant, calqué automatiquement sur ce même mot latin écrit, donc comme immuablement gravé dans le bronze.

Quel délice, pour mes élèves, de jouer de ce double instrument qui, à travers les siècles, leur faisait entendre la voix populaire, grasse et chaude, de leurs ancêtres et la voix en cul de poule des lettrés, calquant sur le mot latin, avec une ponctualité à la Thomas Diafoirus, leur savantissime doublet ! [...].

Ça t'aurait peut-être amusé, Jacques, comme mes 3e, d'apprendre que :

INTEGRUM donna le mot populaire ENTIER et le mot savant INTÈGRE
RIGIDUM
RAIDE
RIGIDE
FRAGILEM 
FRÊLE   
FRAGILE
MOBILEM
MEUBLE
MOBILE

Le latin n'eût-il que cet avantage : mieux nous installer dans notre peau quand nous parlons français et nous donner vingt siècles d'ancêtres pour nous enraciner plus profondément dans notre terre, ce serait déjà faramineux. [...].

Le latin a un autre avantage, incomparable pour nous, Français [compte tenu d'un défaut qui, d'après Guth, nous distingue : notre légèreté]. [Le latin] est l'antidote souverain contre la légèreté [...]. Le latin est la langue du centre de gravité, du lest, du polygone de sustentation, de la voûte, de égoût, de l'amphithéâtre, de l'aqueduc, de la route aux dalles quadrangulaires, du ciment durci en roc, du glaive, du cordeau, de la truelle, de la balance de Justice, de tout ce qui pose, pèse, équarrit, stabilise.


Plus loin :
Le latin forme l'esprit scientifique beaucoup plus que l'esprit littéraire. Nos meilleurs scientifiques avaient tous fait du latin. Beaucoup d'ouvrages sur le latin sont dus à des scientifiques. Un des plus fervents chevaliers du latin, le recteur Capelle, était un spécialiste des engrenages. Il rentrait un jour d'un congrès à Londres. Sur le bateau du retour il se dit : « Tous ces congressistes se sont engueulés dans leur langue sans se comprendre. Si l'on avait publié un résumé de leurs communications en latin, comme au XVIe siècle où tous les savants d'Europe latinisaient, mes confrères se seraient compris. »

Le latin, langue de la science, s'adapte même aux techniques de pointe. Devant mes élèves, je louais sa brièveté, amie des inscriptions gravées dans le marbre et dans la mémoire des siècles. Une anecdote les réjouissait : Cicéron avait parié avec un ami de lui écrire la lettre la plus courte : « Eo rus » (je vais à la campagne). « I ! » (vas-y !), répondit l'ami.

Cette brièveté renversante fait aujourd'hui du latin la langue idéale pour la programmation des ordinateurs.


Enfin, citant Pierre Grimal (Figaro Magazine du 16 février 1980), Paul Guth ajoute encore un peu plus loin :
Pour dominer et développer l'activité de ton esprit [Guth s'adresse toujours à Jacques], tu dois « pouvoir prendre tes distances » vis-à-vis de ta propre langue. Seul le latin te le permet. Non parce qu'il est proche du français, comme l'ont dit trop souvent ses défenseurs maladroits, au contraire « parce qu'il est différent dans sa structure, sa morphologie, son contenu idéologique ».

Le latin brise tes automatismes mentaux. En te « forçant à comparer les concepts en français et en latin, il t'oblige à découvrir la pensée en elle-même.


Pour finir, ce fil de discussion pourrait contribuer, si peu que ce soit, à la question que vous vous posiez : L'influence des langues dans la formation des concepts philosophiques.

Cordialement.
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