Schrödinger a écrit: il est hors de doute que la question de l'individualisation, de l'identité [des atomes], n'a vraiment et réellement aucune signification [...]. Dans les corps tangibles, composés d'atomes, l'individualité provient de la structure, de l'assemblage, de la figure ou de la forme, ou encore de l'organisation comme nous pourrions dire dans d'autres cas. […] Il n’y a aucune observation possible de la forme d’un atome, ce ne sont que des formules mathématiques" (Physique Quantique et Représentation du Monde).
Schrödinger a pris nettement parti contre le nazisme dès le début en quittant l'Allemagne dès 33. C'est le seul savant allemand dans ce cas je crois bien ! Je mentionne au passage qu'Heisenberg a dit qu'il n'avait que très peu de sympathies pour le régime, mais qu'il avait pris sa carte du parti nazi pour "f
aire comme tout le monde": cette argumentation sera reprise lors du procès de Nüremberg, parallèlement à celui d'Eichmann qui a dit lors de son procès à Jérusalem qu'il ne faisait "
qu'obéir aux ordres". La banalité du mal, encore et toujours d'actualité: plus que jamais malheureusement. S'extraire de la gangue de la médiocrité, de la vilenie, de la bassesse, de l'égoïsme et individualisme forcené, voire de la barbarie qu'on a présenté idéologiquement comme nécessité pour que l'Allemagne devienne pérenne et que le Reich dure mille ans nécessite forcément un effort violent à la base. Et même avec cet effort sur soi... Heisenberg a jeté les bases de ce qui pouvait devenir la bombe atomique en Allemagne et a commencé à travailler à sa construction: à coup sûr Hitler l'aurait utilisé. Ça ne fait aucune doute.
Pour revenir au sujet qui a à voir avec un de mes posts précédents, ce que dit Schrödinger dans cet extrait met en relief une chose que tous les quanticiens savent et apprendront vraiment plus tard: les concepts intuitifs, fondés sur l'expérience donc l'empirique que sont matière, temps et espace ne marchent pas dans le cadre de la physique quantique. A leur suite, les termes et concepts de causalité donc détermination -auxquels on peut rajouter l'entropie et l'individuation citée par Schrödinger- sont inadéquats dans le cas du monde microscopique et de cette partie de la physique qui s'y intéresse.
Il faudrait faire dans ce cas comme le philosophe-mathématicien Whitehead qui envisageait la possibilité (la nécessité?) d'inventer des mots renvoyant à des nouveaux concepts "
ex nihilo" mais qui soient pertinents dans le cas de la physique quantique.
C'est un travail considérable, aucun doute
Que seraient donc ces nouveaux concepts dans lesquels les notions de matière, temps et espace seraient a priori exclus, sinon comme une forme d'approche d'ante-émergence où le monde microscopique serait comme du proto-macroscopique... et dont le monde macroscopique serait la finalité précisément ? Une table, une chaise... Dès qu'on change de dimension, c.-à-d. quand on passe du microscopique au macro et que se manifeste la décohérence quantique -et qu'on sait très bien expliquer par la réduction de la fonction d'onde de Schrödinger-, nous parlons en rapport du réel sur le mode de la définition scholastique de la vérité,
aedequatio rei intellectus. Première aporie si on veut se servir de cette définition dans la cas quantique: qu'est-ce que la chose -ou une chose- dans le cas du monde microscopique ?
Qu'est-ce donc alors à sa suite que le réel (ou son avatar, la réalité) dans le cas de notre monde macroscopique ? Le réel quantique, ça veut simplement dire que l'objet que je tiens dans la main ou que j'aperçois au loin a une probabilité de présence égale à 1, d'où l'énonciation: il est
certain que la pomme que je tiens dans la main est là et que le panier de fruit est posé sur la table. L'électron "sait" dans le cas des fentes d'Young qu'il doit se comporter comme une particule et diffracter -si un des 2 trous est bouché par l'expérimentateur- et se comporter comme une onde s'il y en a deux... et il ira produire de jolies franges d'interférence sur un écran en face. Sa finalité semble être de "
devoir passer de toute façon" sous une forme ou une autre et on retombe sur une sorte de téléologie du temps -vs la métaphysique ou non- où la causalité semble bien être à l'origine du temps ou première par rapport à elle, comme Etienne Klein le pense: le mouvement
doit avoir lieu pour que l'univers soit l'univers.
L'électron "sait" qu'il doit franchir la barrière potentielle d'un champ électrostatique même s'il n'a pas l'énergie pour le faire: et il passera de l'autre côté... ce ce qui s'appelle l'effet Tunnel et est à l'origine d'un microscope très utilisé dans les sciences.
Etienne Klein subsume tous ces phénomènes étranges dont l'énergie du vide, une paire particule-antiparticule jaillit du vide quantique pour disparaître aussitôt quasiment, avec une phrase que je trouve remarquable: l'univers vit à crédit. Ce qu'il emprunte il doit le rembourser et ce qui se passe dans ces phénomènes, c'est donc comme si une banque accordait un crédit que l'on doive rembourser. Et si ni le temps ni l'espace n'existent comme formes
a priori de la sensibilité de l'électron, ces phénomènes totalement déroutants qui stupéfièrent tous les grands savants y compris Einstein, comme l'intrication et la non-localisation s'expliquent naturellement et sans effort.
L'émergence est une sorte de mot-valise, un mantra qui revient dans beaucoup de domaines: dans les sciences il a une pertinence évidente et indiscutable dont on saisit immédiatement le sens comme par exemple en sociologie. Des formes alternatives de culture comme le street art, le tag, le slam, le hip-hop ont émergé tout d'abord dans les banlieues de villes américaines comme Detroit ou Los Angeles, pour finalement se diffuser dans le monde entier.
Il existe des tas d'analyse qui considèrent que face à la misère, l'exclusion et la ghettoïsation surtout aux USA , l'art et en particulier l'art "brut" est une forme de résistance.
Cela a été aussi le cas dans une certaine mesure de la fête des fous en Europe où les gueux pouvaient emprunter le rôle et le costume de rois et où tout semblait autorisé pendant une journée: l'éloge de la folie.