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A la découverte de la musique classique

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Liszt Franz
1811 - 1886

Hector Berlioz est considéré comme étant le créateur de ce que l'on nomme en musique des "poèmes symphoniques". L'essence du poème symphonique, finalement très simple, est de coucher sur partition orchestrale toutes les nuances esthétiques, voire métaphysiques, d'un poème bien particulier. Ainsi, le plus connu de Franz Liszt reste "les Préludes", inspiré des poèmes de Joseph Autran. Mais il serait si dommage de passer à côté du merveilleux Mazeppa (1851), d'une rare puissance et inspiré du trente-quatrième poème des Orientales de Victor Hugo... 

Mesdames et messieurs : Mazeppa de Franz Liszt !



Une version (l'originale en fait) pour piano est également trouvable en tant qu'Étude Transcendantale numéro 4. Un délicieux cauchemar.





Et, bien entendu, le poème en question :

I.

Ainsi, quand Mazeppa, qui rugit et qui pleure,
A vu ses bras, ses pieds, ses flancs qu'un sabre effleure,
Tous ses membres liés
Sur un fougueux cheval, nourri d'herbes marines,
Qui fume, et fait jaillir le feu de ses narines
Et le feu de ses pieds ;

Quand il s'est dans ses nœuds roulé comme un reptile,
Qu'il a bien réjoui de sa rage inutile
Ses bourreaux tout joyeux,
Et qu'il retombe enfin sur la croupe farouche,
La sueur sur le front, l'écume dans la bouche,
Et du sang dans les yeux,

Un cri part ; et soudain voilà que par la plaine
Et l'homme et le cheval, emportés, hors d'haleine,
Sur les sables mouvants,
Seuls, emplissant de bruit un tourbillon de poudre
Pareil au nuage noir où serpente la foudre,
Volent avec les vents !

Ils vont. Dans les vallons comme un orage ils passent,
Comme ces ouragans qui dans les monts s'entassent,
Comme un globe de feu ;
Puis déjà ne sont plus qu'un point noir dans la brume,
Puis s'effacent dans l'air comme un flocon d'écume
Au vaste océan bleu.

Ils vont. L'espace est grand. Dans le désert immense,
Dans l'horizon sans fin qui toujours recommence,
Ils se plongent tous deux.
Leur course comme un vol les emporte, et grands chênes,
Villes et tours, monts noirs liés en longues chaînes,
Tout chancelle autour d'eux.

Et si l'infortuné, dont la tête se brise,
Se débat, le cheval, qui devance la brise,
D'un bond plus effrayé,
S'enfonce au désert vaste, aride, infranchissable,
Qui devant eux s'étend, avec ses plis de sable,
Comme un manteau rayé.

Tout vacille et se peint de couleurs inconnues :
Il voit courir les bois, courir les larges nues,
Le vieux donjon détruit,
Les monts dont un rayon baigne les intervalles ;
Il voit ; et des troupeaux de fumantes cavales
Le suivent à grand bruit !

Et le ciel, où déjà les pas du soir s'allongent,
Avec ses océans de nuages où plongent
Des nuages encor,
Et son soleil qui fend leurs vagues de sa proue,
Sur son front ébloui tourne comme une roue
De marbre aux veines d'or !

Son œil s'égare et luit, sa chevelure traîne,
Sa tête pend ; son sang rougit la jaune arène,
Les buissons épineux ;
Sur ses membres gonflés la corde se replie,
Et comme un long serpent resserre et multiplie
Sa morsure et ses nœuds.

Le cheval, qui ne sent ni le mors ni la selle,
Toujours fuit, et toujours son sang coule et ruisselle,
Sa chair tombe en lambeaux ;
Hélas ! voici déjà qu'aux cavales ardentes
Qui le suivaient, dressant leurs crinières pendantes,
Succèdent les corbeaux !

Les corbeaux, le grand-duc à l'œil rond, qui s'effraie,
L'aigle effaré des champs de bataille, et l'orfraie,
Monstre au jour inconnu,
Les obliques hiboux, et le grand vautour fauve
Qui fouille au flanc des morts où son col rouge et chauve
Plonge comme un bras nu !

Tous viennent élargir la funèbre volée ;
Tous quittent pour le suivre et l'yeuse isolée,
Et les nids du manoir.
Lui, sanglant, éperdu, sourd à leurs cris de joie,
Demande en les voyant qui donc là-haut déploie
Ce grand éventail noir.

La nuit descend lugubre, et sans robe étoilée.
L'essaim s'acharne, et suit, tel qu'une meute ailée,
Le voyageur fumant.
Entre le ciel et lui, comme un tourbillon sombre
Il les voit, puis les perd, et les entend dans l'ombre
Voler confusément.

Enfin, après trois jours d'une course insensée,
Après avoir franchi fleuves à l'eau glacée,
Steppes, forêts, déserts,
Le cheval tombe aux cris de mille oiseaux de proie,
Et son ongle de fer sur la pierre qu'il broie
Éteint ses quatre éclairs.

Voilà l'infortuné, gisant, nu, misérable,
Tout tacheté de sang, plus rouge que l'érable
Dans la saison des fleurs.
Le nuage d'oiseaux sur lui tourne et s'arrête ;
Maint bec ardent aspire à ronger dans sa tête
Ses yeux brûlés de pleurs.

Eh bien ! ce condamné qui hurle et qui se traîne,
Ce cadavre vivant, les tribus de l'Ukraine
Le feront prince un jour.
Un jour, semant les champs de morts sans sépultures,
Il dédommagera par de larges pâtures
L'orfraie et le vautour.

Sa sauvage grandeur naîtra de son supplice.
Un jour, des vieux hetmans il ceindra la pelisse,
Grand à l'œil ébloui ;
Et quand il passera, ces peuples de la tente,
Prosternés, enverront la fanfare éclatante
Bondir autour de lui !

II.

Ainsi, lorsqu'un mortel, sur qui son dieu s'étale,
S'est vu lier vivant sur ta croupe fatale,
Génie, ardent coursier,
En vain il lutte, hélas ! tu bondis, tu l'emportes
Hors du monde réel dont tu brises les portes
Avec tes pieds d'acier !

Tu franchis avec lui déserts, cimes chenues
Des vieux monts, et les mers, et, par delà les nues,
De sombres régions ;
Et mille impurs esprits que ta course réveille
Autour du voyageur, insolente merveille,
Pressent leurs légions !

Il traverse d'un vol, sur tes ailes de flamme,
Tous les champs du possible, et les mondes de l'âme ;
Boit au fleuve éternel ;
Dans la nuit orageuse ou la nuit étoilée,
Sa chevelure, aux crins des comètes mêlée,
Flamboie au front du ciel.

Les six lunes d'Herschel, l'anneau du vieux Saturne,
Le pôle, arrondissant une aurore nocturne
Sur son front boréal,
Il voit tout ; et pour lui ton vol, que rien ne lasse,
De ce monde sans borne à chaque instant déplace
L'horizon idéal.

Qui peut savoir, hormis les démons et les anges,
Ce qu'il souffre à te suivre, et quels éclairs étranges
À ses yeux reluiront,
Comme il sera brûlé d'ardentes étincelles,
Hélas ! et dans la nuit combien de froides ailes
Viendront battre son front ?

Il crie épouvanté, tu poursuis implacable.
Pâle, épuisé, béant, sous ton vol qui l'accable
Il ploie avec effroi ;
Chaque pas que tu fais semble creuser sa tombe.
Enfin le terme arrive... il court, il vole, il tombe,
Et se relève roi !

Mai 1828.

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Enthousiasmé par les charmes froissés de quelques-unes de mes premières amours, pour les sillons desquelles je succombe encore toujours, voici dépoussiéré pour vous, sous le souffle inspiré de madame Yuja Wang (et du courage de votre serviteur qui, tout de même, s'est frotté pour l'occasion à de terribles araignées de grenier multiséculaires, de terrifiants octopodes de musée jamais aperçus par aucun naturaliste), le premier concerto pour piano, opus 25, de ce redoutable prédateur musical, félin de salon-feutre nommé Félix, Félix Mendelssohn. 

Accompagné par le Verbier Festival Orchestra, pour l'occasion dirigé par Kurt Masur [regretté], cet enregistrement n'est bien sûr pas celui que j'ai retrouvé dans mes caisses. Mais la tonicité du clavier de cette dame, sa force interprétative, me pousse à l'élire pour représenter au mieux les craquements de mon ancêtre aux trente-trois rotations par tour de gousset ! 

Les premières lignes de ce concerto sont imaginées en 1830, à Rome, et la première représentation, pour laquelle Mendelssohn tint en personne le rôle de soliste, a lieu en octobre de l'année suivante, à Munich. Ce fut grandiose. Ce dut être terrible. Pourtant, à l'heure des applaudissements, étourdi derrière les rideaux épais de la salle de spectacle, par delà lesquels il ne reviendra d'ailleurs jamais saluer son public, il est à croire que notre homme aura eu une pensée complexe pour une personne particulière, une personne à qui il dédiera sa musique par un brisant silence intérieur. 

Delphine von Schauroth, la Baronne Delphine roth, était cette femme pour laquelle il aura eu un temps, il est à craindre, des sentiments comparables à ceux que l'on peut éprouver actuellement pour sa musique, sans la délivrance de pouvoir la jouer à sa guise. Si jamais il éteignit sa flamme, du moins réussit-il à l'exprimer dans le temps. 



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