Manent est du côté de la philosophie politique classique, or il n'y a pas à proprement parler de libéraux de ce côté, dans la mesure où les classiques se soumettent à une autorité qu'ils ne discutent pas : qu'est-ce que le bien ? la justice ? quel est le meilleur régime politique ? L'autorité est le critère. Les philosopes politiques modernes critiquent l'autorité (lui substituent d'autres critères), autrement dit la question de savoir quel est le meilleur régime ne se pose plus : l'autorité politique est devenue discutable dans la mesure où le pouvoir appartient aux hommes et qu'il les corrompt, qu'il les dénature (cf. le jansénisme), d'où la division des pouvoirs, etc. Les libéraux autoritaires sont des modernes qui se demandent ce qu'ils foutent au milieu des modernes et qui s'accommoderaient très bien de l'époque pré-moderne. Ce sont des classiques contrariés. De l'autre côté, vous avez ceux qu'on appelait les libéraux excessifs (les démocrates, les anarchistes, les socialistes, les républicains, étiquettes parfois synonymes, parfois non, ça dépend de quand, de qui est visé, de qui vise, etc.) : ils sont l'autorité (la société est l'autorité). Pas étonnant que tout le monde ait dû s'accommoder de l'État (neutralité axiologique, certes - et encore -, mais aussi division du pouvoir et surtout division du travail - cf. encore Siéyès, la Révolution française avec l'invention de l'administration moderne).
Manent est un libéral autoritaire (thomiste et straussien), un démocrate modéré (Tocqueville et Aron), communiste à 20 ans, qui ausculte le projet de la modernité avec scepticisme, ironie, sévérité, exactitude et originalité.
Dernière édition par Euterpe le Lun 2 Juil 2012 - 12:54, édité 1 fois