Zingaro a écrit: Foucault reproche à Hobbes, et Zarka lui donne raison, d'avoir pensé la guerre théoriquement et d'être par là un philosophe de la paix.
Zingaro a écrit: Figures du pouvoir, Yves Charles Zarka (puf) p.153
On croit en effet généralement que, en raison de son concept d'état de guerre, Hobbes pense la politique en fonction de la guerre. Or il n'en est rien ; au contraire, selon Foucault - qui a parfaitement raison sur ce point -, Hobbes est par excellence le penseur de la paix. Pour montrer que la guerre n'a qu'une fonction seconde, voire rhétorique, chez Hobbes, Foucault souligne deux points philologiquement exacts. Premièrement la mise sur le même plan des trois modes d'acquisition de la souveraineté (l'institution, l'acquisition et l'engendrement), ce qui ne peut se faire que parce que l'établissement de la souveraineté suppose toujours un contrat (explicite ou tacite). Deuxièmement, la guerre de tous contre tous signifie en vérité que le politique n'est pas fondé sur la guerre : la politique ne s'instaure qu'avec la suspension de la guerre, l'arrêt de la guerre. Hobbes est donc un penseur pour lequel on peut arrêter la guerre, un penseur pour lequel c'est précisément la tâche du pouvoir politique de mettre fin à l'état de guerre. La guerre hobbesienne n'est donc pas une guerre réelle où il y aurait des vainqueurs réels et des vaincus réels, mais une guerre théorique, une guerre de philosophe. En outre, la fin de cette guerre n'est nullement la victoire ou la conquête des uns par les autres. Au contraire, cette guerre ne peut avoir d'issue, de sorte qu'il est impossible de fonder sur elle, c'est-à-dire sur le rapport de force, la domination politique, et qu'il faut au fondement de cette domination autre chose, à savoir un acte juridique : la convention sociale
Foucault n'a absolument pas raison sur ce point, quoi qu'en dise Zarka. Hobbes pense la
société (le contrat, le contractualisme) contre la
nature (absence de contrat). De là à transposer la chose sous la forme d'une opposition entre la paix et la guerre, il y a un pas qu'on ne franchit guère sans risquer un fâcheux contresens. Non, Hobbes n'a pas une vue "théorique" de la guerre, comme un philosophe de cabinet. La guerre civile n'a rien de comparable avec la guerre "normale". Dans la première, le droit n'existe pas : c'est le chaos ; dans la deuxième, nous sommes encore dans l'ordre politique. Il est temps que l'histoire de l'Angleterre soit rendue obligatoire dans les cursus universitaires où l'on s'occupe de "penser" le politique... Que nos théoriciens confectionnent une machine à remonter le temps et parcourent le XVIIe siècle anglais, ils comprendront ce qu'est la
réalité d'une guerre civile. Cf.
The dissolute condition of masterless men : "la condition dissociée des hommes lorsqu'ils n'ont pas de maître" (trad. Manent), voilà ce qu'on appelle la "nature", chez Hobbes, i. e. la guerre civile.