Zingaro a écrit:Oui, il y a cela, la limite de cette perspective étant que tous les individus d'une génération ne vivent pas vraiment les mêmes événements hormis ceux globaux comme l'apparition de médias sociaux ; il y a aussi des facteurs géographiques, différentes conditions sociales, etc., qui dessinent les contours de "cultures" et de groupes ne correspondant pas aux âges des individus et qui peuvent être plus déterminants dans la construction des identités. Mais, contre cela, il me semble vrai et vérifiable en effet que de plus en plus d'événements globaux marquent les générations indépendamment de ces facteurs. Cela dit, je ne suis pas certain qu'une conscience en émerge : est-ce que la mobilité des jeunes (surtout ceux issus des classes aisées...) correspond à l'apparition de traits communs et d'une conscience commune (on peut consulter à ce titre les recherches sur le "cosmopolitisme") ? En revanche, je pense que les "vieux", ceux qui perçoivent ces changements de l'extérieur, décèlent l'étrangeté des jeunes par rapport à eux sur de nombreux plans. De l'extérieur, nous verrions une "culture jeune" (ou une "jeune culture") ; de l'intérieur ce ne serait pas le cas.
Évidemment, l'idée de culture générationnelle n'englobe pas tous les facteurs qui façonnent la culture des individus et des groupes. Mais c'est certainement un vecteur de première importance. De plus, ces cultures générationnelles se tissent effectivement autour de grands événements fondateurs ou de grands faits de société. C'est ainsi que l'on parle de la génération 68, de la génération hippie, de la génération Facebook, de la génération de la Guerre, etc. Ces événements créent une sympathie et une compréhension mutuelles.
Les jeunes plongent dans les événements avec une innocence que n'ont pas leurs aînés. Étant plus jeune, je n'aurais jamais eu la pensée que l'essor de l'informatique était alors un fait marquant de ma génération, que cela allait distinguer ma façon de vivre de celle de mes parents. J'étais simplement avide du monde de possibilités que m'offrait cette nouvelle technologie et je ne me questionnais surtout pas sur les conséquences de l'arrivée de cette technologie, ni ne me plaçait dans un quelconque plan de différence par rapport à mes aînés. L'avidité de la jeunesse, sa soif de vivre n'est pas sans être accompagnée d'une certaine cruauté à l'égard de ce que défendent leurs aînés - mais le désir en général n'est-il pas lui-même cruel ? L'aîné a un regard qui est complètement différent sur le jeune: son lien affectif protecteur et responsable fait en sorte qu'il ressent, qu'il voit avec acuité le jeune quitter le monde qu'il a façonné pour lui (monde de valeurs, monde physique, monde culturel, etc.) et devenir de plus en plus étranger à lui.